Actualités
Veille juridique Inf’OGM du 3 février au 24 février 2025
FRANCE
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Gouvernement
Avis de l’Anses sur un projet de décret relatif aux techniques d’obtention d’OGM
Le 31 janvier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), saisie par la Direction générale de l’alimentation (DGAl) le 21 novembre 2024, a publié un avis « relatif au projet de décret relatif à la modification de la liste des techniques d’obtention d’organismes génétiquement modifiés ayant fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps ». Cet avis concerne la modification de l’article D. 531-2 du Code de l’environnement sur les OGM pour l’aligner avec deux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). D’une part, l’arrêt du 25 juillet 2018 qui dispose que tous les organismes obtenus par mutagenèse « aléatoire », dirigée, in vivo, in vitro sont des OGM, mais seuls ceux issus de mutagenèse traditionnelle, jugés sûrs depuis « longtemps », sont exemptés des obligations de la Directive européenne 2001/18. D’autre part, l’arrêt du 7 février 2023 de la CJUE qui dispose que les OGM obtenus par « mutagenèse aléatoire » (in vivo et in vitro) sont exemptés, tandis que ceux obtenus par mutagenèse dirigée ne le sont pas. Le projet de décret prévoit d’apporter ces dispositions à l’article D. 531-2.
L’Anses estime que le projet de décret est conforme aux arrêts de la CJUE pour ce qui concerne les aspects scientifiques et techniques. Elle recommande cependant, par « rigueur scientifique », de ne pas inclure les termes « dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » pour qualifier les techniques énumérées par l’article D. 531-2. Elle suggère plutôt d’utiliser la formulation « sans qu’un effet négatif notable pour la santé ou l’environnement lié à leur utilisation n’ait été mis en évidence à ce jour ». L’Anses souligne également le manque de précision des termes « utilisation traditionnelle » et « longtemps », susceptibles de diverses interprétations. Rappelons que le terme « mutagénèse aléatoire », bien qu’utilisé à plusieurs reprises dans l’avis, ne dispose pas de définition juridique, ce qui rend difficile une compréhension claire et précise de son champ d’application et de son contenu.
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Sénat
La loi d’orientation agricole définitivement votée
Le 20 février, le Sénat a définitivement adoptée la Loi d’Orientation Agricole (LOA) (236 pour, 103 contre). Cette décision vient à point nommé pour la ministre de l’Agriculture, qui avait affirmé « ne pas vouloir commencer le Salon de l’agriculture en disant aux agriculteurs : « Les parlementaires ne vous ont pas entendus » ». Ce texte devrait, en effet, satisfaire les syndicats majoritaires puisque que, outre la suppression du Code rural l’objectif de 21% de surfaces agricoles en agriculture biologique en 2030, la LOA instaure un principe cher à la FNSEA : « pas d’interdiction de pesticides … sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces ». La LOA dépénalise, par ailleurs, certaines atteintes non intentionnelles à l’environnement (article 13) en les sanctionnant d’une simple amende de 450 euros maximum, au lieu de la peine encourue actuellement, soit trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Cette nouvelle loi d’orientation agricole est vivement critiquée par les socialistes, qui parlent de « produit de marketing législatif à vendre au Salon [de l’agriculture], pour rassurer les troupes », d’un « moment trumpien » et de « bataille de la droite contre les normes », et par les écologistes de « projet de loi dangereux… détricotant le droit de l’environnement ». Dans un communiqué commun, des associations environnementales, dont la FNE et la LPO, « dénoncent avec force les régressions environnementales sans précédent prévues dans le texte ». Elles condamnent la « facilitation de l’octroi de dérogations à la réglementation environnementale pour les projets qui portent atteinte aux espèces protégées, qui touchent la gestion des milieux aquatiques ou qui nuisent à la conservation de sites naturels menacés », ainsi que le fait d’« entériner l’abandon des ambitions de développement de cette filière cruciale [le bio] » avec la suppression de l’objectif de 21 % de surfaces en bio en 2030. Sans engagements chiffrés, les partisans de l’agriculture biologique redoutent en outre une baisse des financements publics pour accompagner les agriculteurs dans leur transition vers cette pratique agricole.
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UNION EUROPÉENNE
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Commission européenne
Consultation publique concernant la protection des obtentions végétales
Le 12 février, la Commission européenne a lancé une consultation publique pour recueillir les avis sur la règlementation européenne n°2100/94 en vigueur concernant la protection des obtentions végétales. Cette initiative est dirigée par l’unité DG SANTE, qui est également responsable de la réforme de la législation européenne sur le « matériel de reproduction végétale » (règlement semences). Dans un premier temps, un appel général est lancé pour inviter « les citoyens et les parties intéressées à donner leur avis et à contribuer au processus décisionnel », dans un cadre défini, et avant le 14 mars à minuit. Les contributions reçues serviront à définir le périmètre d’une étude que la Commission commandera prochainement pour évaluer le régime actuel, incluant une consultation des parties prenantes.
Cet appel à contributions représente une opportunité pour les ONG et les organisations paysannes de soulever des questions cruciales, comme l’application de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans (UNDROP). Mais cette initiative de la Commission offre également aux entreprises semencières multinationales l’opportunité de renforcer leurs droits de propriété intellectuelle, par exemple en restreignant l’accès ou l’utilisation de semences pour de plus petits acteurs (semenciers, agriculteurs, paysans…). Ces entreprises pourraient notamment, via cette législation, chercher à faire entériner l’utilisation du marquage moléculaire pour identifier les caractères génétiques (présentés comme phénotypiques) protégés par brevet. Ce marquage est aujourd’hui le moyen le plus efficace de percevoir des redevances sur les « semences de ferme », lesquelles échappent encore en grande partie aux contrôle des brevetés en raison de l’absence de mécanismes fiables pour tracer les semences utilisées par les agriculteurs. La Commission a déjà annoncé son intention d’examiner les dispositions relatives aux « semences de ferme » (article 14 du règlement 2100/94) ainsi que les liens entre la protection des obtentions végétales et les brevets.
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Conseil de l’Union européenne
La Pologne pousse au compromis sur les NTG
Le 21 février, la présidence polonaise a présenté son nouveau texte de compromis sur les nouvelles techniques génomiques (NTG) lors d’une réunion au niveau des « attachés », qui représentent leur pays au sein des institutions européennes, notamment auprès du Comité des représentants permanents (Coreper). Bien qu’aucun vote formel n’ait eu lieu, des sources diplomatiques contactées par le media Contexte indiqueraient qu’une majorité qualifiée pourrait être trouvée en faveur du compromis que la Pologne présentera officiellement en Coreper, possiblement le 12 mars prochain. Les États membres auraient une semaine pour confirmer leur position d’ici fin février, la Belgique jouant un rôle clé en conditionnant son soutien à des garanties sur la traçabilité tout au long de la chaîne alimentaire. Suite au Coreper de mars, le dossier sera discuté en trilogue avec le Parlement européen et la Commission.
L’adoption de ce règlement représenterait un tournant décisif dans le dossier des NTG en Europe et permettrait au secteur agro-industriel d’atteindre son objectif de dérégulation des organismes génétiquement modifiés (OGM). Cette proposition polonaise présente néanmoins des lacunes importantes, en permettant notamment la commercialisation de la majorité des OGM/NTG sur simple notification, sans aucune évaluation préalable des risques sanitaires et environnementaux. Elle repose en outre sur des bases scientifiques contestées, comme l’a souligné un rapport de l’Anses en décembre 2023. Concernant les brevets, si la Pologne a assoupli sa position de janvier, les mesures proposées restent insuffisantes et imprécises, la transparence et l’accès à l’information sur les brevets reposant sur une approche déclarative, sans mécanisme de vérification. Le texte ignore également les problèmes liés à la contamination des cultures par des plantes NTG brevetées, ce qui pose des défis en matière de propriété intellectuelle pour les agriculteurs. Enfin, la proposition ne prévoit toujours pas d’obligation de publication des procédés de détection et d’identification des plantes génétiquement modifiées et brevetées.
Les opposants à la proposition polonaise, dont les ONG environnementalistes, espèrent que la possibilité de trouver une minorité de blocage ne soit pas totalement exclue. Aujourd’hui les États membres en faveur du compromis polonais seraient : Belgique (sous conditions), République tchèque, Chypre, Estonie, Finlande, France, Espagne, Irlande, Lettonie, Malte, Pays-Bas, Pologne et Portugal ; ceux en défaveur du compromis : Autriche, Bulgarie, Hongrie, Croatie, Slovaquie, Slovénie et Roumanie. Des réserves sont émises par : Danemark, Grèce, Italie, Lituanie, Luxembourg et Suède (avec une tendance positive pour le Danemark, l’Italie, la Lituanie et la Suède). L’Allemagne s’abstient.
Lien ici : 20250219_Règlement NTG_Proposition Polonaise
INTERNATIONAL
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États-Unis
Autorisation de xénogreffe de reins de porcs génétiquement modifiés
Le 15 février, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, organisme autorisant la commercialisation de médicaments, a donné son feu vert à la société de biotechnologie United Therapeutics Corporation pour des premiers essais cliniques de xénogreffes utilisant des reins de porcs génétiquement modifiés. Ces essais, qui débuteront mi-2025, concernent des patients en insuffisance rénale terminale pour lesquels les greffes classiques sont impossibles. Cette modification génétique est censée pallier le phénomène de rejet lors de telles greffes. Une autre société étasunienne, eGenesis (Massaschussets), qui avait déjà obtenu une telle autorisation, a effectué sa première greffe en janvier 2025.
Bien que cette étape scientifique puisse être perçue comme un espoir majeur pour la médecine, elle suscite également des questions éthiques et sanitaires concernant l’insertion d’organes d’animaux génétiquement modifiés chez l’humain. Les spécialistes s’inquiètent notamment des risques de rejet immunitaire et de transmission de maladies zoonotiques. Ces xénogreffes réalisées aux États-Unis font l’objet d’un suivi par le laboratoire français Pitor (Université Paris Cité). Ses chercheurs ont décrit dans la revue The Lancet, en août 2023, le mécanisme de rejet en cas de xénogreffe, en étudiant le cas d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié sur un patient en état de mort cérébrale, en 2021.
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Mexique
Revirement législatif concernant les importations de maïs transgénique
Le 5 février, sous la pression des États-Unis, le gouvernement mexicain a annoncé l’abandon de sa législation interdisant l’importation de maïs transgénique. Les États-Unis avaient contesté cette législation et obtenu gain de cause dans le cadre de l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique (voir Veille juridique Inf’ogm du 9 décembre au 6 janvier 2025).
Ce recul va à l’encontre des intérêts des défenseurs de la biodiversité et des organisations paysannes pour qui cette semence ancestrale représente une alimentation de base. Ce revirement politique met en outre en lumière la difficulté de concilier les intérêts commerciaux et la protection des variétés locales. Alors que les États-Unis insistent sur la nécessité de garantir l’accès à leur production agricole, les producteurs mexicains craignent une contamination génétique de leurs cultures et une perte de souveraineté alimentaire.
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Convention sur la diversité biologique (CDB)
Les discussions de la COP16 reprennent à Rome
Le 25 février, les négociations de la COP16 à la Convention sur la diversité biologique (CDB) de novembre 2024, inachevées à Cali, reprennent à Rome. La COP16 avait mis l’accent sur la gouvernance des DSI, notamment la création du mécanisme multilatéral de partage des avantages découlant de leur utilisation des DSI. Si le champs d’application du mécanisme multilatéral avait été défini dans ses grandes lignes, aucune définition des DSI n’avait cependant été établie en raison des profonds désaccords entre les parties.
Les discussions de Rome devraient se concentrer sur la mobilisation des ressources pour financer le Fonds mondial pour la biodiversité, adopté à Montréal en décembre 2022. Les négociations viseront également à résoudre les tensions entre les pays « du Sud » et « du Nord » concernant le financement du Fonds Cali, qui vise à assurer « un partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des DSI », la redistribution des bénéfices liés aux DSI et la mise en place de mécanismes de transparence pour cette redistribution.
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