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OGM : 2001 ou l’odyssée de la mutagénèse

Par Zoé JACQUINOT

Publié le 13/12/2019

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En octobre 2019, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a donné son interprétation du critère temporel invoqué par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour ne plus exempter certaines techniques de mutagénèse de la réglementation sur les OGM. L’année 2001 est mentionnée comme point de référence. Mais pourquoi cette date précisément ?

L’arrêt du 25 juillet 2018 [1] de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) différencie les organismes issus de différentes techniques de mutagénèse : certains demeurent exemptés des obligations de la législation sur les OGM tandis que d’autres ne le sont plus. Les critères pour distinguer la mutagénèse exemptée de celle qui doit être régulée est relative à une historicité d’usage et une sécurité avérée depuis longtemps. La CJUE s’appuie pour cela sur le considérant 17 de la directive 2001/18 qui dispose que « la présente directive ne devrait pas s’appliquer aux organismes obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».

À ce jour, ce critère temporel large n’a toujours pas de contours déterminés. Ni la décision encore attendue du Conseil d’État ni une décision européenne ne sont venues apporter de précisions officielles.

Le ministère acte 2001 comme référence temporelle

Grâce à des questions parlementaires adressées au gouvernement, la députée LREM Françoise Dumas et le sénateur centriste Yves Détraigne questionnent tous deux le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour obtenir sa position concernant les suites de l’arrêt rendu par la CJUE, les mesures à prendre et une éventuelle révision de la directive OGM (2001/18).

Le ministère fournit la même réponse aux deux questions [2] : « la CJUE a conclu dans son arrêt du 25 juillet 2018 que tous les organismes obtenus par mutagénèse sont des organismes génétiquement modifiés (OGM) et que seuls sont exclus du champ d’application de la directive ceux qui sont issus de techniques de mutagénèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Ainsi, les variétés issues des techniques de mutagénèse postérieures à 2001 sont soumises à l’ensemble des dispositions de la réglementation relative aux OGM ».

Mais la deuxième phrase établissant 2001 comme référence du critère temporel définissant les OGM soumis à l’ensemble des dispositions de la directive n’est pas un élément contenu dans l’arrêt de la CJUE.

Ce choix de 2001 fait référence à l’adoption en 2001 de la directive sur les OGM aujourd’hui applicable en Europe. Si la CJUE dit en effet dans ses considérant que la directive 2001/18 « ne saurait être interprétée comme excluant de son champ d’application des organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes nouvelles de mutagénèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de ladite directive », elle ne dit nulle part que des OGM développés avant 2001 ne peuvent pas être soumis à l’ensemble des dispositions de la directive dès lors qu’ils sont issus de techniques qui, comme la transgenèse, rentrent incontestablement dans son champ d’application.

Ce choix de 2001 comme date de référence relève donc d’une interprétation de l’arrêt que fait le ministère de l’agriculture.

Et pourquoi pas 1990 ?

Cependant, la directive 90/220 du 23 avril 1990, depuis abrogée et remplacée par la directive 2001/18, contenait le même considérant 17 qui explicitait l’exemption de la mutagénèse de son champ d’application. Ainsi, le choix de 2001 comme critère d’applicabilité de la décision de la CJUE sur la mutagénèse peut-être remis en cause et celui de 1990 paraît tout aussi pertinent.

La définition d’un « usage traditionnel » d’une technique dont la « sécurité est avérée depuis longtemps » n’existe pas et n’est pas discutée dans l’espace public. Sachant qu’aucun OGM exempté parce qu’issu de mutagénèse « traditionnelle » n’a fait l’objet d’une évaluation ou d’un suivi épidémiologique. Cette sécurité avérée n’a jamais été démontrée.

Malgré l’obligation juridique d’appliquer immédiatement l’arrêt de la Cour sur tout le territoire européen et à tous les OGM concernés, on ne peut que constater que les institutions et les acteurs européens discutent toujours un an et demi après de son applicabilité et même de la pertinence de la réglementation OGM européenne plutôt que des moyens pratiques de la mettre en œuvre.

[2Le 15 octobre pour la question de la députée et le 24 octobre pour la question du sénateur.

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