Il y a semence…. et semence
Si toutes les semences servent a priori pour reproduire une plante, elles sont bien loin d’avoir toutes le même procédé d’obtention, et le même statut juridique. Tour d’horizon.
Semence : la définition biologique
Dans le cas le plus courant, une semence est issue de la fécondation d’un ovule (présent dans l’ovaire du pistil, partie femelle de la fleur) par un grain de pollen (porté par l’étamine, partie mâle de la fleur). Cette fécondation peut être croisée entre fleurs différentes (plante allogame), ou se réaliser dans une même fleur (plante autogame). Suivant le déroulement du processus de fécondation (naturel, en laboratoire, en champ de semenciers…), la semence sera affublée de divers qualificatifs (voir lexique ci-dessous). Par extension, on emploie aussi le terme de semences pour des boutures ou plants (comme pour la pomme de terre par exemple) qui ne résultent pas d’une fécondation, mais de multiplication végétative.
Semences : une dichotomie permanente
Il existe deux grandes catégories de semences : les semences paysannes (voir lexique ci-dessous) sélectionnées et multipliées par des paysans dans leurs champs de culture et les semences sélectionnées en station d’expérimentation ou au laboratoire par des semenciers professionnels, privés ou publics. Entre ces deux grandes catégories, on trouve les semences de ferme : au départ issues des obtenteurs (donc de la deuxième catégorie), elles sont ensuite reproduites à la ferme. Ces semences de ferme coévoluent au cours des années dans les champs des paysans et deviennent plus ou moins rapidement (selon le mode de culture, leur taux d’allogamie et la sélection massale des paysans) des « semences paysannes » (voir ci-dessous).
La majorité des semences et plants actuellement utilisés dans le monde est produite par les paysans eux-mêmes. Ces semences multipliées par les paysans proviennent essentiellement de trois sources :
(1) des variétés traditionnelles ou modernes : souvent qualifiées de locales car sélectionnées et conservées dans des territoires identifiés, elles évoluent plus ou moins rapidement dès qu’elles sont cultivées dans d’autres territoires ;
(2) des variétés issues de l’amélioration des plantes conventionnelles (sélection et croisements) publiques nationales ou internationales [1]. Dans les pays du Sud, les variétés des obtenteurs publics n’ont souvent pas été maintenues et ont « évolué » dans les champs des paysans. Elles se sont aussi croisées (selon leur % d’allogamie), avec les variétés paysannes. On pourrait les qualifier de « semences paysannes récentes ».
(3) des variétés d’obtenteurs multipliées à la ferme par les paysans. On parle alors de « semences de ferme ». Si ces semences de ferme sont multipliées sans être renouvelées par achat de semences certifiées, elles évoluent aussi vers des « semences paysannes récentes ». Ces variétés ont évolué et ne sont plus identiques à la variété initialement diffusée : quelques pays admettent qu’il n’y a plus de droit de licence afférent vu qu’elles ne sont donc plus identiques à la variété initialement diffusée.
Selon l’ONG Grain [2], les semences certifiées ne représentent que 32,5 % de toutes les semences utilisées au niveau mondial. Selon V. Beauval [3] il est probable que cette proportion soit nettement inférieure à 32,5%, car il ne faut pas seulement prendre en compte les semences paysannes. Il faut aussi prendre en compte les semences multipliées à la ferme mais issues de variétés d’obtenteurs privés ou publics [4].
Les semences paysannes ne sont pas protégées par des droits de propriété industrielle et s’échangent entre agriculteurs en respectant ou non les législations nationales, et souvent en respectant dans de nombreux pays « du Sud » les droits collectifs, souvent oraux, des communautés qui les ont sélectionnées et les conservent. En France, par exemple, avec la nouvelle loi biodiversité de juillet 2016, l’échange de semences n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale est permis dans le cadre de l’entraide entre paysans [5]. Et depuis la loi n°2020-699 du 10 juin 2020, il est explicitement reconnu que la vente de semences de variétés du domaine public non inscrites au Catalogue officiel est possible [6].
Les entreprises semencières cherchent a) à réduire la place qu’occupent ces semences paysannes ou à les interdire ; et b) à contrôler l’usage des semences de ferme. Pour cela, elles ont élaboré, en lien avec les États, des outils pour encadrer juridiquement la reproductibilité des semences. Des verrous biologiques, tels les hybrides F1, ont aussi été créés.
Les outils juridiques sont : le catalogue et/ou la certification [7], les certificats d’obtention végétale (COV) [8], les brevets [9] et les règles sanitaires, environnementales et de biosécurité.
Les catalogues officiels et la certification ont été mis en place pour bien définir les variétés y figurant en priorisant leur homogénéité. Ont été aussi définies des normes de qualité sanitaire des semences et plants de ces variétés. Si ces catalogues officiels et la certification ont pu jouer un rôle économique (garantie variétale, germinative et sanitaire des échanges commerciaux), ils sont depuis plusieurs années critiqués car ils ne sont adaptés qu’aux variétés et semences d’obtenteurs et excluent les semences paysannes et, plus globalement, la nécessité d’accroître la biodiversité cultivée [10]. À noter cependant une évolution récente : depuis le 1er janvier 2022, les semenciers bio peuvent produire et commercialiser un nouveau type de semences, appelé matériel hétérogène biologique (MHB). En France, c’est le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et semences (Geves) qui gère son inscription sur une nouvelle liste [11].
Désormais, les pays développés et de nombreux pays en développement s’inspirent de l’Union pour la protection des obtentions végétales (Upov) [12] pour leur réglementation sur les semences. L’obtenteur d’une nouvelle variété doit l’inscrire obligatoirement dans un Catalogue officiel des espèces et variétés pour pouvoir en commercialiser les semences. Pour être inscrite, une variété doit faire l’objet des mêmes tests de « DHS » (pour Distinction, Homogénéité et Stabilité) que ceux exigés pour l’obtention d’un Certificat d’Obtention Végétale. Ces critères d’homogénéité et de stabilité excluent de fait les variétés paysannes [13] qui sont des variétés population (voir lexique ci-dessous), diversifiées et évolutives. L’Union européenne impose aussi, pour les grandes cultures, des tests de « VATE » (pour Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale) dont les normes sont définies par les États.
Des « verrous biologiques » réduisent l’intérêt de reproduire à la ferme les semences de variétés d’obtenteur, obtenues par différentes techniques. Parmi celles-ci, figurent les hybrides F1 (moindre production l’année suivante [14]). Les techniques biotechnologiques de type « Terminator » vont encore plus loin et provoquent une stérilité complète des semences (voir Les OGM sont-ils stériles ?). Certains obtenteurs utilisent la stérilité mâle qui rend les semences infertiles (par exemple variétés sans pépins). Les lois peuvent aussi imposer des normes sanitaires inaccessibles pour les paysans (multiplication in vitro, agrément obligatoire de toute semence de base…).
Semences certifiées : qui les produit ?
Ces outils techniques et juridiques ont entraîné une transformation radicale du marché des semences.
L’achat de semences « certifiées » ne concernerait qu’un tiers des paysans du monde (soit 450 millions en 2012) mais elles représentent un marché en expansion (en valeur), passé de 13 à 41 milliards d’euros entre 1985 et 2022 [15].
Ce marché est aussi de plus en plus concentré. En 2017, les dix plus grosses entreprises semencières mondiales contrôlaient 75% des semences « certifiées » et commercialisées et les trois premières d’entre elles (Monsanto, Dupont Pioneer et Syngenta) en commercialisaient 53 % [16], contre 6,8% du marché en 1985, contrôlés alors par Pioneer, Sandoz et Dekalb. Les concentrations en cours ont renforcé cet oligopole [17], puisqu’en 2019, les quatre premières multinationales de l’agrochimie (Bayer/Monsanto, Dow-Dupont, ChemChina-Syngenta et BASF) détiennent plus de 60 % du marché mondial des semences commerciales [18].
Semences : les réglementations internationales
Différentes fonctions et valeurs sont attachées à la semence :
en tant que produits de la nature, les semences sont soumises à la Convention de la diversité biologique (CDB) ;
en tant que ressources phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture, partie de la biodiversité génétique, l’accès aux semences non commerciales de 64 espèces cultivées est régi par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (Tirpaa) (voir Lutte contre la biopiraterie : le Protocole de Nagoya et le TIRPAA) ;
en tant que marchandises, les semences sont régies par les règles de commercialisation (catalogue, certification, normes commerciales…) ;
en tant que système ayant intégré des innovations humaines, les semences destinées à une exploitation commerciale de la récolte sont régies par les accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic) de l’organisation mondiale du commerce (OMC) (voir En quoi l’OMC intervient dans le dossier des OGM ?), par l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) et par l’Union de protection des obtentions végétales (Upov) ;
enfin, en tant que patrimoine culturel, elle relève de nouveau de l’Ompi et de la CDB, notamment via le Protocole de Nagoya (droits des communautés locales) et, pour les semences détenues par des peuples indigènes, par la convention de l’Onu sur les droits des peuples indigènes.
Lexique
Préambule : le domaine des semences est plein de concepts en évolution. Selon les acteurs qui en parlent (paysans, semenciers, chercheurs, juristes…), selon les pays, selon les rapports économiques… les définitions peuvent être variables, et certains sens de mots ont été pervertis. Pour preuve, le terme même de « variété » renvoie intuitivement à une notion de « plantes variées« , alors que l’industrie a défini une variété comme un ensemble de plantes homogènes.
Dans le lexique qui suit, nous donnons des définitions plus ou moins acceptées par tous, en précisant quand c’est possible d’où viennent certaines différences.
Hybride : c’est le résultat d’un croisement. Il est simple, si les deux lignées parentes ne sont pas apparentées ; et double si les parents sont des hybrides simples [19].
Hybride F1 : première génération d’un croisement de deux lignées pures. Les hybrides F1 sont issus du croisement de deux lignées sur lesquelles l’autofécondation a été forcée pendant un certain nombre de générations afin d’avoir des individus homozygotes (dotés de gènes aux allèles identiques) présentant une caractéristique intéressante. Dans le cas des plantes allogames, l’autofécondation forcée produit une « dépression consanguine » importante.
En année 1, ce croisement bénéficie du retour à l’allogamie, qui lui donne une supériorité par rapport aux lignées pures (meilleur rendement)(ce phénomène est nommé hétérosis), mais en cas de ressemis l’année suivante (année 2), la majorité des plantes obtenues sont chétives et hétérogènes. En effet, le croisement n’ayant pas été pas stabilisé, elles héritent de nombreux caractères dépressifs de leurs « grands-parents » consanguins. Les hybrides F1 entraînent une dépendance des agriculteurs qui se voient contraints de racheter leurs semences chaque année.
Lignée, lignée pure : ensemble d’individus le plus homozygotes possible, tous identiques entre eux, et qui par auto-fécondation se reproduisent donc de façon la plus possible identique à eux-mêmes.
Maintenance : c’est la technique de multiplication utilisée pour conserver les caractères du matériel de départ identiques à eux-mêmes pendant toute la durée de la vie de la variété. Cela se fait par la sélection conservatrice : protection contre toute contamination génique, élimination des « hors types ».
Matériel parental (ou de départ) : c’est la petite quantité de semences d’une variété, obtenue par le sélectionneur et qui va servir à produire toutes les semences de la variété en plusieurs générations. Il peut être représenté par des épis, des lignées (descendance d’une seule plante), des clones (multiplication végétative), ou un ensemble de graines qui sont le départ d’une multiplication. Ce matériel parental doit être régulièrement régénéré pour démarrer chaque cycle de multiplication de semences.
Population : voir ci-dessous variété population
Sélection « généalogique » : sélection s’opérant le plus souvent à partir d’une population résultant du croisement de deux lignées et intégrant le suivi des descendances au cours des générations d’autofécondations, dans le but de créer une nouvelle lignée.
Sélection massale : d’une génération à l’autre de plantes, les agriculteurs ne conservaient que les plantes les plus adaptées à leurs conditions de culture et à leurs besoins, les plus saines, sélectionnées « dans la masse » – d’où le terme de « sélection massale ». Qualifiée d’empirique par la science moderne, cette sélection prend sa source dans des savoirs dits « traditionnels » très sophistiqués. À l’instar du maïs, cette sélection a souvent conduit, pour les céréales, à favoriser des plantes à une seule tige (donc diminution du tallage), gros épi unique (au lieu de multiples petits épis), grains gros et nus (pour faciliter sa récolte et transformation), absence de dormance, et, suivant les espèces, comme pour les légumineuses, gousses fermées. Des critères différents de ceux de la sélection naturelle, qui font que des plantes cultivées aujourd’hui ont plus de mal à se reproduire seules dans la nature, notamment les hybrides, au-delà de quelques générations.
Semence (ou plant) : est une partie de plante (graines, fruit, tubercule, bouture…) qui permet de multiplier la plante. Elle porte dans ses gènes une partie des caractères qui vont s’exprimer lors de la croissance. Plus les allèles de nombreux gènes sont identiques (homozygoties), plus les plantes produites ressemblent à la plante de départ [20].
On voit donc qu’il y a une différence entre semence et variété. Les semences doivent permettre de reproduire la variété.
L’expression « semences améliorées » devrait être évitée car elle sème la confusion : on ne sait pas si l’on parle de la semence, ce que l’on met dans la terre, ou de la variété, c’est-à-dire la culture qui sera produite.
On peut donc avoir des semences de variété améliorée mais pas des semences améliorées. De même, il n’y a pas de semences locales mais des semences de variétés locales.
Semences biologiques : Pour la définition officielle, une semence certifiée en agriculture biologique (AB) est une semence dont les plantes mères ont été produites conformément aux règles de l’AB pendant au moins une génération ou, pour les plantes pérennes, deux saisons de végétation (CE 834/2007) [21]. L’Ifoam, association internationale des mouvements d’agriculture biologique, souhaite exclure les semences dont l’intégrité cellulaire a été perturbée : CMS (stérilité mâle cytoplasmique), mutagénèse… De nombreuses semences « biologiques » sont issues de la mutagénèse aléatoire (légumes, riz, céréales…). En cas d’absence de semences bios sur le marché, certaines dérogations sont encore accordées et certaines semences cultivées ainsi en bio sont issues de CMS (colza…).
Schéma de la sélection des semences
Définitions des termes du schéma :
La Semence d’Origine est le matériel végétal de départ (lignées, clones ou départ de multiplication) qui permet de reprendre ou de poursuivre chaque année la sélection conservatrice de la variété.
Les semences G0-G3 représentent les générations de semences de pré-base. Elles se situent entre le matériel végétal de départ et la semence de base. Le nombre de générations de semences de pré base dépend du coefficient de multiplication (c’est-à-dire le nombre de graines produites par une graine) et de la quantité de semences finale désirée.
Les semences de base : c’est la dernière génération de semences produites suivant les règles de la maintenance (sélection conservatrice) avant la production des semences certifiées. Elles sont produites selon les normes de multiplication de l’espèce et sont destinées à la production de semences certifiées.
Les semences de 1e et 2e reproduction (R1 et R2) proviennent directement de la multiplication de semences de base ou, le cas échéant, à la demande de l’obtenteur et après accord du service chargé de la certification, d’une semence de pré-base.
Dans un système de certification, toutes ces catégories de semences (pré base et base) sont produites sous la responsabilité de l’obtenteur et non nécessairement par lui car il peut déléguer à un mainteneur. Elles doivent être conformes aux conditions fixées par le système de certification et le respect des conditions est confirmé par un contrôle officiel.
Semences certifiées : ce sont les semences issues directement de semences de base. Quand les quantités finales de semences sont très grandes et que le coefficient de multiplication est faible, on peut avoir plusieurs générations de semences certifiées. Elles doivent être conformes aux conditions fixées par le système semencier et le respect de ces conditions devrait être vérifié au moyen d’un examen officiel.
La première génération issue des semences de base est dite : Semence certifiée de 1e reproduction. On la désigne par R1. Les générations ultérieures sont dites : Semences certifiées de 2e, 3e… reproduction et sont désignées par R2, R3…
Semences de ferme : les semences de ferme, ou semences fermières, sont les graines récoltées à partir de semences sélectionnées issues de l’industrie semencière (donc semences « industrielles ») mais multipliées par l’agriculteur à la ferme par soucis d’économie et d’indépendance (définition de la Coordination Nationale de Défense des semences fermières).
Semences « industrielles » : ce terme générique désigne l’ensemble des semences produites par un semencier professionnel. Il peut s’agir d’une sélection variétale classique (y compris massale), mais aussi plus sophistiquée, avec la production d’hybrides F1, d’OGM, de plante mutées… Toutes ces semences, pour être commercialisées, doivent être inscrites dans le catalogue officiel de variétés. Elles sont couvertes soit par un certificat d’obtention végétal (COV), soit par un brevet (directement sur la semence, ou sur son procédé d’obtention, ou encore sur une information génétique contenue dans cette semence).
Semences paysannes : semences sélectionnées et reproduites par les paysans dans leurs champs de production. À l’opposé des semences industrielles standardisées, ce sont des populations diversifiées et évolutives, issues de méthodes de sélection et de renouvellement naturelles, non transgressives et à la portée des paysans (sélection massale, pollinisation libre, croisements manuels, etc.). Leurs caractéristiques les rendent adaptables à la diversité et à la variabilité des terroirs, des climats, des pratiques paysannes et des besoins humains sans nécessaire recours aux intrants chimiques. Reproductibles et non appropriables par un titre de propriété, ces semences sont échangées dans le respect de droits d’usage définis par les collectifs qui les ont sélectionnées et conservées [22].
Variété : c’est un ensemble de plantes qui présentent un certain nombre de caractères communs – comme par exemple la forme, l’adaptation aux jours longs ou courts, ou la résistance aux maladies… – et qui conservent ceux-ci au fil des générations successives. Pour pouvoir être commercialisée dans des pays de l’OCDE, une variété doit être inscrite au catalogue, et donc être Distincte, Homogène et Stable (DHS). Distincte parce qu’elle se différencie des autres variétés par un certain nombre de caractères. Homogène parce que toutes les plantes possèdent les mêmes caractères (le degré de cette homogénéité peut fortement varier. Dans les lignées, les hybrides et les clones, elle est très grande. Dans les variétés d’espèces allogames à pollinisation libre, elle est beaucoup moins apparente). Stable, parce que les caractères sont transmis inchangés aux générations suivantes ou restent identiques à la fin du cycle de multiplication défini par l’obtenteur (hybrides F1, cinquième ou sixième génération pour les lignées).
Variété améliorée : comme pour les médicaments, une nouvelle variété mise sur le marché doit apporter un « progrès » par rapport aux variétés existantes. Ce progrès mesuré par la VATE (Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale) peut être de nature très différente : (1) meilleures résistances (à une maladie, aux insectes, à la sécheresse…) ; (2) moins exigeante en intrants (engrais, pesticides, …) ; (3) correspondant mieux aux besoins des utilisateurs (goût, forme, conservation, transformation…), etc.
Les variétés de conservation : selon le Règlement technique général d’examen des variétés de conservation de plantes agricoles en vue de leur inscription au catalogue officiel français [23] ce sont des « races primitives et variétés d’espèces agricoles ou de légumes et menacées d’érosion génétique » traditionnellement cultivées dans des localités et régions spécifiques.
« Race primitive » : un ensemble de populations ou de clones d’une espèce végétale naturellement adaptés aux conditions environnementales de leur région. Cet ensemble est aussi communément appelé « variété de pays ».
« Érosion génétique » : perte de diversité génétique entre et dans des populations ou des variétés de la même espèce au fil du temps, ou la réduction de la base génétique d’une espèce en raison de l’intervention humaine ou de modifications de l’environnement.
Variété essentiellement dérivée : La notion de « variété essentiellement dérivée » (VED) a été introduite avec la version de 1991 de la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales (Upov). Il s’agit pour les semenciers de garder un droit de propriété sur des variétés dont les différences avec la « variété-mère » sont minimes (par exemple, l’introduction d’un seul gène pour modifier une variété n’est pas suffisante pour que l’obtenteur initial en perde la propriété) [24].
Variétés locales ou traditionnelles : ce sont des variétés cultivées traditionnellement dans une région. Elles peuvent en être originaires ou avoir été introduites depuis longtemps. Elles sont généralement issues de sélection massale. Mais elles peuvent aussi être de vieilles variétés améliorées que se sont appropriés les agriculteurs d’une zone mais dont les semences ne sont plus produites de façon organisée.
Variétés population : les variétés population sont constituées d’individus à haute diversité intra-variétale qui sont sélectionnées et multipliées en pollinisation libre et/ ou en sélection massale. Contrairement aux hybrides F1, elles peuvent se ressemer d’une année sur l’autre. Elles contribuent donc à l’autonomie des agriculteurs. Ce type de sélection, à la fois conservatrice et évolutive, a été pratiqué depuis les premiers temps de l’agriculture et caractérise aujourd’hui le mieux les « semences paysannes ». Juridiquement, ce ne sont pas des variétés car elles ne correspondent pas aux normes juridiques qui définissent la variété.
Autre définition d’une variété population (I. Golringer, Inra France) : variété hétérogène formée de mélanges d’individus relativement proches, mais présentant une certaine diversité génétique. La population possède de ce fait un pouvoir évolutif qui lui permet de s’adapter en continu aux variations du milieu car il existe toujours en son sein des individus mieux adaptés aux conditions, qui, du fait de la sélection naturelle, tendent à laisser plus de descendants. L’agriculteur peut alors laisser opérer cette sélection naturelle, ou bien orienter la sélection en choisissant lui-même des individus (sélection massale).
Le RSP a également élaboré sa propre définition [25] des variétés population.
Populations croisées composites (CCP) / mélanges de croisements (définition du projet européen Diversifood) : les CCP sont des croisements entre plusieurs parents (de n’importe quels types de variétés), deux à deux, durant une ou plusieurs générations consécutives. Plus il y a de croisements, plus il y a de recombinaisons et de possibilités de générer des nouveaux génotypes. Dans le cas d’un petit nombre de parents, tous les croisements entre tous les parents peuvent être réalisés (n * (n-1) / 2 croisements avec n parents), alors que dans le cas d’un grand nombre de parents, on peut ne réaliser que n/2 croisements, suivis de croisements parmi les descendants pendant un certain nombre de générations. L’objectif est que tous les parents aient contribué également à la nouvelle population et avec un maximum de recombinaisons entre eux. Cette approche est utilisée pour les espèces autogames et exige un long et patient travail manuel de croisements. Dans le cas des espèces allogames, les plantes se croisent au hasard si elles sont mélangées et il n’y a pas lieu de limiter à certains croisements en particulier. Cela conduit à une nouvelle population diversifiée (voir ci-dessous). La sélection massale dans les générations suivantes pourra permettre de façonner la CCP ou de détecter des nouveaux phénotypes intéressants. Exemples dans DIVERSIFOOD : sarrasin, blé tendre (INRA and ORC), Lupin (FiBL).
Population (en pollinisation libre) (définition du projet européen Diversifood) : dans une population en pollinisation croisée libre (voir ci-dessus), les plantes sont fortement hétérozygotes si la diversité génétique au sein de la population est suffisante, c’est-à-dire que la taille de la population est suffisante (au moins plusieurs milliers d’individus) et la sélection n’est pas trop forte. Exemple dans DIVERSIFOOD : maïs (ITQB & IPC).
Ce lexique a bénéficié des apports de Émilie Lapprand et Patrick de Kochko (Réseau semences paysannes), de Guy Kastler (Confédération paysanne) et de Valentin Beauval (administrateur référent de la VCI S d’Inf’OGM et membre de Commission OGM et semences de la Confédération paysanne).