n°178 – janvier / mars 2025

Les intentions derrière les mots

Par Annick BOSSU

Publié le 01/01/2025, modifié le 08/04/2025

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Dans le domaine des biotechnologies, nous sommes de plus en plus confrontés à un vocable flou, souvent non défini, voire erroné, de la part de certains « experts » de l’industrie et même du législateur. Les mots sont tordus ou ne sont pas dits, occultant une réalité scientifique ou une simple observation et entretenant la confusion. Il y a là une intention : faire penser à la société des Hommes ce que l’on veut qu’elle pense, au mépris des esprits critiques. Cette propagande sémantique est déjà ancienne, mais de plus en plus décomplexée, duale et dangereuse.

Inf’OGM s’est déjà penché sur nombre de stratégies utilisées pour nous forcer à penser et à consentir au discours proposé sur les OGM et leur mondei. Ces stratégies discursives sont bien rodées, mais les mensonges par omission, le dévoiement du sens des mots et les arguments d’autorité y prennent une place de plus en plus grande. Pour les promoteurs des biotechnologies, il s’agit en effet de passer outre certains aspects scientifiques gênants pour l’industrie et le commerce. Ce déni est lourd de conséquences sur l’ensemble de la biosphère, et particulièrement sur la santé humaine. D’autant qu’aucune responsabilité ne semble vouloir être établie.
Deux cas récents de fabrique du consentement seront ici évoqués. Nous ne reviendrons que peu sur les techniques rhétoriques employées, celles-ci ayant déjà été traitéesii.

Les « vaccins » à ARN messager : un discours tronqué

La « vaccination » avec l’ARN messager (ARNm) auto-amplificateur est déjà en vigueur au Japon contre la Covidiii. Ce même « vaccin » vient d’être approuvé par la Commission européenneiv. Par ailleurs, depuis le 1er octobre 2024, la France est le seul pays où la « vaccination » des canards avec de l’ARNm auto-amplificateur contre l’influenza aviaire est réaliséev. Nous retrouvons dans les textes officiels concernant ces derniers produits, le même discours que pour les « vaccins » à ARNm non amplificateurs.

Le « vaccin » à ARNm est un « vaccin » génétique. Pour preuve, la Commission européenne avait adopté, en 2020, un règlement permettant « une dérogation temporaire aux exigences d’évaluation des risques pour l’environnement et d’autorisation ou de consentement préalable prévues par les directives 2001/18/CE et 2009/41/CE pour la durée de la pandémie de COVID-19 ou tant que la COVID-19 constitue une urgence de santé publique »vi. Ainsi, en banalisant le terme « ARN messager », on oublie volontairement de dire que les produits injectés sont des produits GM.
Et que dire du mot « vaccin » ? Contre la Covid ou contre l’influenza aviaire, ces « vaccins » à ARNm ne vaccinent pas. En effet, s’ils stimulent bien certaines défenses immunitaires de façon transitoire, ils n’empêchent pas, même après plusieurs doses injectées de recontracter la maladie : le rôle préventif du « vaccin » n’existe pas. D’autre part, la propagation de la maladie n’est pas stoppéevii. Ce n’est pas un vaccin. Cependant, le mot « vaccin » s’est introduit dans l’inconscient collectif pour ce type de produit, et la confusion avec les vaccins non génétiques – vaccins inactivés ou à protéinesviii– a été entretenue au détriment de ces derniers, qui n’ont été que peu développés.
« Vaccin » est un terme usurpé, avec des prétentions qu’il n’a pas. Il est trompeur et a trompé plus de la moitié des habitants de la Terre. La personne humaine n’a pas été respectée puisque mal avertie. En se croyant protégé par un vaccin, on ne s’attend pas à courir des risques. Or, ce « vaccin » à ARNm en présente.
La population mondiale ne sera pas mieux avertie avec le « vaccin » à ARNm auto-amplificateur, qui amplifie aussi… les risques. Une lourde responsabilité pour les faiseurs de mots.

L’occultation des résultats scientifiques concernant ces « vaccins » à ARNm est une autre stratégie grossière. Le mensonge par omission envahit les biotechnologies : ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Ainsi, ont été écartées de la communication officielle les données pharmacocinétiques pourtant fournies par Pfizer à l’Agence européenne des médicaments, qui montrent la dissémination de l’ARNm d’origine vaccinale dans le corps humain. Le mythe de l’ARNm à vie courte étant par ailleurs entretenuix.

De même, la rétro-transcription de l’ARN vaccinal en ADN a été démontrée dans des cellules hépatiques humaines en culture, sans que cela soit dit dans la communication officiellex. Cette conversion de l’ARN en ADN n’est d’ailleurs pas surprenante, puisque les virus à ARN coévoluent depuis des millions d’années avec leurs hôtes et que la rétro-transcription y joue un rôle majeur. Ce que relate justement l’Inserm en publiant un article dédiéxi.

Comment expliquer alors le silence des « experts » ou politiques autour de certaines publications ? En occultant des données scientifiques, la communication officielle se veut rassurante auprès de la population. Au nom d’une « Science » qu’elle s’approprie, elle simplifie et veut faire preuve de maîtrise et ainsi obtenir l’adhésion du plus grand nombre à la « vaccination » à ARNm. Ce déni de la complexité biologique n’échappe pas aux esprits critiques. Ce qui a déclenché un nouveau vocabulaire contre ces derniers : ils seraient « complotistes » et même, retournement incroyable, « anti-Science » ! Le dualisme entretenu dans les mots est une arme.

Les nouvelles techniques génomiques : un discours approximatif et mensonger

La Commission européenne (CE) a adopté, le 5 juillet 2023, une proposition de règlement concernant les nouvelles techniques génomiques (NTG). Inf’OGM a écrit nombre d’articles montrant qu’il s’agit en fait d’une entreprise de déréglementation de tous les OGM. Ce texte est truffé de notions scientifiques approximatives, voire fausses, et de manipulations de données imprécises. L’absence de rigueur en fait un texte non scientifique. Une lecture critique consiste à rechercher dans cette proposition les intentions derrière les mots. Ce travail n’est ici qu’ébauché.

D’abord, changer les mots : NTG à la place d’OGM. Mettre sur le même plan les NTG, qui sont des techniques, et les OGM, qui sont des organismes, est un manque de rigueur manifeste. Mais cela paraît anecdotique au vue des intentions cachées concernant ce changement d’acronyme. En effet, dans NTG, le « N » réfère à une notion de nouveauté, d’innovation. Voilà qui parle à l’inconscient habitué depuis plus d’un siècle à « c’est nouveau donc mieux ». L’innovation ici mise en avant fait référence à la « précision » des outils des biotechnologies (tels Crispr/Cas), précision qui n’est qu’un leurre mais qui, assénée comme une vérité, devient un argument imparable. Enfin, et c’est là le principal, il faut urgemment ne plus parler des OGM, terme trop précis et repoussoir pour la Commission européenne, qui montre que le génome de l’organisme en question a été modifié, manipulé, sans passer par le phénotype. Changeons le mot, la chose n’existera plus.

Le sophismexii le plus osé, développé par la Commission européenne et clé de voûte de son argumentaire, est de dire que les mutations induites par les NTG pourraient également apparaître naturellement ou au moyen de techniques d’obtention conventionnelles. L’emploi du conditionnel est à remarquer. Il n’est pas sûr qu’un tel évènement se produise, il est même improbable. Pour avoir une chance d’obtenir par hasard trois mutations ponctuelles (modification de trois bases de la manière voulue à l’endroit voulu), le calcul mathématique montre qu’il faudrait analyser chez le maïs, par exemple, tous les grains produits au monde pendant 600 millions à 1 milliard d’annéesxiii. L’intention de ce sophisme est claire : montrer que les NTG sont proches de phénomènes naturels, donc peuvent leur être assimilées. Cela constitue une méthode d’acceptabilité sociale de ces techniques. De plus, la captation d’attention sur les NTG est censée nous faire oublier le mot OGM.

Ce sophisme initial de la CE en entraîne un autre : les plantes qui sont issues de ces NTG seraient équivalentes aux plantes naturelles ou issues de techniques d’obtention conventionnelles. Comment des plantes produites en laboratoire à partir de mutations voulues, provoquées in vitro grâce à de nombreuses étapes techniques complexes, peuvent-elles être équivalentes à des plantes évoluant dans un milieu naturel, soumises à des mutations quelconques et à leur sélection ultérieure ?

Pour la CE, quel est le sens du mot « équivalence » ? Il semblerait que la CE réduise un organisme modifié à des séquences génétiques d’intérêt. Certes, si l’on compare des séquences génétiques entre organismes, on peut parler de pourcentage de similarité entre séquences, mais pas d’équivalence des organismes. Que signifie cette confusion entre « similarité » et « équivalence » ? Le flou sémantique entretient le doute.

Comment un tel argumentaire non scientifique de la Commission européenne a-t-il pu recevoir l’aval d’un comité d’experts ? Forte de cette équivalence proclamée entre plantes issues de NTG et plantes naturelles ou sélectionnées au champ, la CE estime que les risques de ces plantes OGM/NTG n’ont pas à être évalués ; ni pour les écosystèmes dans lesquels elles vont être introduites, ni pour la santé humaine. Les techniques de mutagénèse, les techniques connexes à celles-ci, les réactifs utilisés sont pourtant générateurs d’effets non-intentionnels bien connus. Un tel mensonge par omission est lourd de conséquences : les mots peuvent tuer.

Ainsi, en ce siècle, l’obscurantisme scientifique est à l’œuvre. Il règne en maître, le maître des mots. Cela est loin d’être anodin en cette année 2025 : une réflexion sur l’interprétation à donner de la définition d’un OGM par la Directive 2001/18 vient de démarrer au niveau européen !

i Annick Bossu, « Biotechnologies : le pouvoir des mots », Inf’OGM, le journal, n°161, octobre/décembre 2020.

ii Ibid.

viii Annick Bossu, « Vaccination contre la Covid-19 : des zones d’ombre », Inf’OGM, le journal, n°164, juillet/septembre 2021.

ix Annick Bossu, « Vaccins à ARN messager : un peu de lumière sur l’ombre », Inf’OGM, 21 avril 2022.

x Ibid.

xi Inserm, Julie Medina et Hervé Perron, « Séquences provenant d’éléments génétiques mobiles, face cachée du génome humain », Med Sci, 33(2), p.151–158, 2017.

xii Sophisme : raisonnement faux qui apparaît comme valide et destiné à tromper.

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