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Des plantes et micro-organismes OGM illégaux en Europe

Par Eric MEUNIER

Publié le 20/06/2024

    
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Entre le 1er janvier 2021 et aujourd’hui, l’Union européenne a fait face à près de cinquante cas de présence illégale d’OGM sur son territoire. La majorité des cas relevés par les autorités nationales sont des plantes OGM ayant pour origine des pays asiatiques, comme le Vietnam ou la Thaïlande, mais également d’autres pays, comme l’Ukraine, les États-Unis ou encore, plus étonnant, la France… Des micro-organismes OGM ont également été détectés dans des lots d’additifs alimentaires utilisés en alimentation humaine ou animale.

Dans l’Union européenne, le marché est surveillé par les autorités nationales qui, via le système d’alerte rapide pour aliments et denrées alimentaires (RASFF), alertent les autres États membres et la Commission européenne des cas de commercialisation transfrontalière illégale avérés ou potentiels (lots détenus à la frontière et renvoyés). Si ces détections d’OGM illégaux impliquent une production et commercialisation dans un seul et même pays, l’alerte n’est pas obligatoirement formulée. Bien que ne concernant donc pas toutes les détections d’OGM illégaux, la base de données en ligne du RASFF permet d’avoir une idée des différentes contaminations avec des informations fournies concernant aussi bien des cas de contamination par un OGM identifié que des contaminations par des OGM non identifiés.

Premiers contaminants : le riz et la papaye OGM

Avec la moitié des cas de contamination depuis le 1er janvier 2021, le riz OGM est la plante la plus fréquemment retrouvée illégalement en Europe ou aux frontières (cf. tableau n°1). Le système RASFF ne précise pas la nature du ou des évènements transgéniques retrouvés dans ces riz. Il n’est donc pas possible de faire une analyse plus poussée. Pour autant, le riz OGM illégal pose problème en Europe depuis 2006, soit depuis près de deux décennies maintenant. Comme le rappelait Inf’OGM en 2023, seul le riz doré autorisé commercialement à la culture en 2021 aux Philippines avait fait l’objet de petites surfaces de culture. Un riz pour lequel l’autorisation vient d’être annulée début 2024 par la Cour Suprême des Philippines1. Outre ce riz, « plusieurs variétés de riz transgéniques ont été autorisées à la culture aux États-Unis (LLRICE06, LLRICE601, LLRICE62), en Chine (GM Shanyou 63, Huahui-1/TT51-1), en Iran (Tarom molaii) ». Mais Inf’OGM soulignait surtout que, « selon nos informations, ils n’ont pas été cultivé commercialement ». Bien qu’officiellement non autorisé à la culture, du riz OGM contamine pourtant l’Union européenne.

L’origine géographique de ces contaminations par du riz OGM varie entre plusieurs pays, mais provient pour la majorité des cas du continent asiatique (voir le tableau n°2 de synthèse en fin d’article). Le Vietnam apparaît comme le premier responsable des contaminations en riz OGM se présentant en Europe, avec 12 des 24 cas impliquant du riz. Vient ensuite la Chine, avec 5 cas sur les 24. La Thaïlande (1 cas), Singapour (1 cas) et l’Inde (2 cas) complètent la liste des pays asiatiques. Pour ce qui est de la Chine, la situation fit l’objet de plusieurs réunions des États membres de l’Union européenne et même de missions sur place. Les dernières discussions sur le sujet, en 2022 et 2024, témoignent d’une simple gestion administrative et analytique, sans inquiétude outre mesure de la part des États membres2.

Plus étonnant en termes de pays d’origine de contamination, la présence dans le RASFF des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Dans le cas de la France3, il s’agit plus précisément d’une détection d’OGM dans deux produits à base de riz, des « M&Ms Crispy » et de la farine de riz dans des « céréales et produits de boulangerie ». Si la France est indiquée comme pays d’origine, l’alerte contamination implique vingt autres pays en tant qu’opérateur, distributeur ou pays à surveiller, dont neuf ne sont pas des États de l’Union européenne4. Comme un témoignage de la mondialisation du déplacement des produits ou composants alimentaires.

A l’image du riz OGM, la papaye transgénique est également un OGM contaminant l’Union européenne depuis longtemps. Après que Greenpeace ait alertée en 2004 qu’une station de recherche en Thaïlande vendait des papayes transgéniques sans autorisation, l’Union européenne fait régulièrement face à des cas à ses frontières. Depuis le 1er janvier 2021, ce sont ainsi dix alertes qui ont été faites. Les papayes OGM détectées provenaient de Thaïlande (6 cas sur les 10), du Cambodge (3 cas) et du Brésil (1 cas).

OrganismesNombre de cas
Riz24
Papaye10
Micro-organisme5
Soja4
Non précisé3
Maïs1
Total47
Tableau n°1 : les organismes GM contaminants en Europe depuis le 1er janvier 2021

Du soja étasunien et ukrainien, des micro-organismes OGM…

Outre les habituels riz et papayes, du soja transgénique a également été la cause de quatre alertes depuis le 1er janvier 2021. Si un cas a pour origine les États-Unis, les trois autres cas impliquent du soja transgénique en provenance d’Ukraine. La Pologne est l’État membre qui a effectué les alertes après analyses de lots de soja destinés à l’alimentation animale à ses frontières. Si les deux alertes effectuées en 2021 n’indiquent aucune proportion, celle effectuée le 15 mars 2024 fait état d’une contamination à hauteur de 47,49 % dans le ou les lots analysés.

Si trois cas de contamination détectés et signifiés à l’Union européenne ne détaillent pas l’organisme impliqué, cinq autres alertes concernent des micro-organismes. Il s’agit dans ces cinq cas des micro-organismes génétiquement modifiés cultivés en fermenteur pour produire des additifs alimentaires. Si l’importation ou la production de tel ou tel additif est autorisée, la condition nécessaire à leur commercialisation sans évaluation des risques liés aux OGM ou étiquetage est que le micro-organisme OGM utilisé pour les produire soit absent des lots.

Une alerte fut ainsi donnée par la France en 2021 après détection de micro-organismes illégaux dans des lots de protéase, une enzyme utilisée comme additif alimentaire dans l’alimentation humaine. Le RASFF indique qu’aucune distribution des lots n’a eu lieu de la part de la France5. Une autre alerte fut également faite en 2021 par la France pour une autre protéase dont les lots en provenance de Chine, est-il précisé, se sont avérés contaminés6. La détection ayant été faite suite à des contrôles « sur le marché », le RASFF précise qu’un rappel de produits auprès des consommateurs a été fait et un retrait du marché des lots. Trois produits commercialisés sont indiqués, tous trois du domaine des « additifs pour l’alimentation humaine » ou des « aliments diététiques, compléments alimentaires et aliments fortifiés ». Il s’agit de « PROTEASE 100 000 UNITS/KG » et de compléments alimentaires « Mucopure » et « MCP30 ». Une troisième alerte également faite par la France concernait également des lots de protéase en provenance de Chine7. Les lots incriminés étaient cette fois exclusivement des « additifs alimentaires » retirés du marché après rappel auprès des consommateurs.

Une quatrième alerte, effectuée en 2021, encore une fois du fait de la France, concernait, toujours en provenance de Chine, un autre type d’enzymes utilisées en filière alimentaire comme la boulangerie, des transglutaminases8. Les produits incriminés sont indiqués comme ayant été « retenus par le contrôleur ». La dernière alerte faite en 2022 fut cette fois le fait de la Belgique, qui a détecté des micro-organismes OGM dans des lots de phytase, une enzyme utilisée en additifs alimentaires dans l’alimentation animale9. Les produits ont été retirés du marché.

Bien que semblant représenter peu de cas en trois ans et demi, ces 47 alertes remontées à l’Union européenne par des États membres montrent que pour le riz et la papaye, le temps qui passe ne fait rien à l’affaire pour que les contaminations apparues voici vingt ans s’arrêtent. Dans le même temps, le cas de contamination par des micro-organismes s’accentue également, avec une situation qui interpelle d’autant plus que certains sont retrouvés dans des produits alimentaires commercialisés.

AnnéeOrigine géographiqueOrganismeNombre cas par casNombre total de cas
2024ChineRiz28
Non précisé1
UkraineSoja1
Corée du sudNon précisé1
VietnamRiz2
ThaïlandePapaye1
2023VietnamRiz813
ChineMaïs1
ThaïlandePapaye2
Pays-BasRiz1
IndeRiz1
2022CambodgePapaye313
ThaïlandePapaye2
Riz1
BrésilPapaye1
États-UnisSoja1
VietnamRiz2
ChineRiz1
SingapourRiz1
Belgique / BulgarieMicro-organisme1
2021UkraineSoja213
ChineRiz2
Non précisé1
France / ChineMicro-organisme2
Belgique / ChineMicro-organisme1
Belgique / IndeRiz1
ThaïlandePapaye1
FranceRiz1
Pays-BasRiz1
InconnuMicro-organisme1
Tableau n°2 : synthèse des cas de contamination depuis le 1er janvier 2021
  1. Cette actualité fera l’objet d’un article Inf’OGM à venir. ↩︎
  2. Réunions du Comité permanent sur les plantes, les animaux et l’alimentation humaine et animale, section OGM, des 16 février 2022 et 26 avril 2024. ↩︎
  3. Alerte RASFF 2021.4146 ↩︎
  4. Andorre, Autriche, Belgique, République Tchèque, Danemark,, Allemagne, Grèce, Iraq, Irlande, Italie, Ile Maurice, Myanmar (Birmanie), Pays-Bas, Pologne, Qatar, Roumanie, Sénégal, Turquie, Ukraine, Royaume-Uni. ↩︎
  5. Alerte RASFF 2021.1641 ↩︎
  6. Alerte RASFF 2021.6319 ↩︎
  7. Alerte RASFF 2021.4764 ↩︎
  8. Alerte RASFF 2021.6769 ↩︎
  9. Alerte RASFF 2022.2296 ↩︎
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