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Surfaces d’OGM semées dans l’UE : léger rebond en Espagne, disparition quasi totale au Portugal

Par Christophe NOISETTE

Publié le 19/11/2024

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En 2024, le maïs Bt a été cultivé en Espagne sur une surface supérieure de 4 % par rapport à 2023. Une légère augmentation qui vient à l’encontre des baisses répétées des années précédentes. Au Portugal, les surfaces, en baisse régulière depuis plusieurs années, ont atteint un niveau quasi nul en 2024.

Cela fait déjà plusieurs années qu’Inf’OGM rend compte de la lente érosion des cultures transgéniques dans l’Union européennei. Ces cultures sont cantonnées à deux pays, l’Espagne et le Portugal, et ne concernent qu’une seule plante, le maïs Bt Mon810, génétiquement modifié pour produire une protéine insecticide.

En 2024, nous assistons à un petit sursaut en termes de surfaces, pour ce maïs transgénique en Espagne. La surface cultivée avec cette plante retrouve son niveau de 2022 avec 69 149 hectares (ha). En revanche, au Portugal, la surface semée avec ce maïs OGM est passée sous la barre de 1000 ha et ne représente plus que 0,7 % de la sole totale de maïs.

Ce maïs a été autorisé dans l’Union européenne en 1998 pour, initialement, 10 ans, mais reste toujours cultivable légalement. A son apogée, il a été cultivé dans 9 pays : Allemagne, Bulgarie, Espagne, France, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Roumanie. La surface la plus importante a été atteinte en 2013 et représentait 148 628 hectares, soit un peu plus du double qu’actuellement.

Tableau des surfaces en ha par année (% par rapport à la sole de maïs totale)

2021

2022

2023

2024

Espagne

96 606 (20,3%)

67 620 (15,6%)

46 327 (13,1%)

69 149 (17,6%)

Portugal

4 321 (3%)

2 290 (1,6%)

1 898 (1,3%)

962 (0,7%)

Total (européen)

100 927

69 910

48 226

70 112

Le rebond en 2024 correspond en partie à une augmentation de la surface globale de maïs en Espagne, qui est passée de 353 420 hectares en 2023 à 394 110 en 2024 (soit 40 690 ha de plus). Au final donc, le pourcentage de maïs Bt par rapport au maïs conventionnel a augmenté. En 2023, le maïs Bt représentait 13,1 % de la sole globale, alors qu’il monte à 17,6 % en 2024… Une augmentation de surface qui est non négligeable au regard de ce que les experts européens soulignent depuis quelques années : premiers signes d’apparition de résistance d’insectes à la protéine insecticideii et la présence de téosinte dans les champs espagnols avec les risques associés de transfert de transgènesiii.

Des importations OGM importantes qui pourraient encore augmenter

Ces surfaces quasiment anecdotiques ne doivent pas masquer d’autres réalités. Les OGM sont aussi présents sur le sol européen via les importations, notamment de soja Roundup Ready, qui se retrouve dans les mangeoires des animaux. D’après les données officielles françaises, « la France importe en moyenne 3 616 000 tonnes de soja par an sur la période 2012-2021 (soit 54 kg par habitant) »iv. Ce soja vient principalement du Brésil et d’Argentine. Or, dans ces deux pays, le soja OGM représente 95 % de la production totale de cette légumineusev.

Cette situation pourrait encore s’aggraver avec la signature de l’Accord de libre échange entre l’UE et le Mercosur. Cet accord, en discussion depuis 25 ans, prévoit des allégements de droits de douane importants et des « contingents » sur un certain nombre de productions agricoles. Ainsi, par exemple, « l’UE importe 25% de ses besoins en maïs grain et notamment du Brésil à hauteur de 6 à 7 millions de tonnes. L’accord prévoit un contingent supplémentaire d’un million de tonnes tandis que le contingent supplémentaire de viande de volaille constituera autant de débouché en moins pour les céréales européennes. En outre, l’accord prévoit l’ouverture totale sur les produits de mouture de maïs (farines, semoules, flocons…), la diminution des droits sur l’amidon de maïs et la fécule de manioc (1500 tonnes à droits divisés par deux), l’ouverture à droit nul sans limitation de volume des glutens de blé et de maïs, actuellement protégés en Europe »vi. Intercéréales, interprofession et lobby français de la filière céréalière, résume : en cas de signature du Mercosur, ce sera un total de « 3,4 millions de tonnes équivalent de maïs supplémentaire en prenant en compte les produits dérivés de l’amidonnerie, du maïs, de la viande produit avec le maïs »vii. Or, le Brésil produit essentiellement du maïs transgénique (95%) et des pesticides interdits en Europe sont largement utilisés (notamment l’atrazineviii)… Cet accord facilitera donc l’entrée d’OGM sur le territoire européen.

Une autre réalité que les chiffres espagnol et portugais masquent concerne les cultures européennes ensemencées avec d’autres OGM, des OGM non transgéniques mais qui devraient pourtant être eux aussi encadrés. Des plantes issues de la mutagenèse in vitro sont cultivées dans des pays européens, mais il est impossible de savoir où et sur quelle surface.

Et demain ?

L’opacité pourrait devenir encore plus grande si le projet de déréglementation de la Commission européenne venait à être adopté. Ce projet propose de sortir du cadre réglementaire actuel, déjà partiellement respecté comme nous venons de le voir, la quasi totalité des OGM, anciens ou nouveaux. Ce serait une catastrophe pour les filières bio ou « sans OGM ». Comment mettre en place une « coexistence » entre OGM et non-OGM si les cultures OGM ne sont plus répertoriées ?

iChristophe Noisette, « OGM en Europe : encore moins de maïs transgénique cultivé », Inf’OGM, 21 novembre 2018.
Christophe Noisette, « Monde et UE – Baisse des surfaces d’OGM transgéniques en 2019 », Inf’OGM, 23 février 2021.
Christophe Noisette, « Union européenne – Nouvelle baisse des surfaces de maïs OGM transgénique », Inf’OGM, 28 janvier 2020.
Christophe Noisette, « Europe : les cultures transgéniques n’en finissent pas de mourir », Inf’OGM, 15 novembre 2022.

iv Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoire, « Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ».

vi Raphaël Lecocq, « UE-Mercosur : ce qu’il y a dans la balance agricole », Pleinchamp, 13 novembre 2024.

viii Dans une lettre ouverte datée du 6 novembre adressée à la présidente de la Commission européenne, 622 parlementaires français affirment que « la quantité de pesticides épandue est de 6 kilos par hectare (kg/ha) au Brésil, contre 3,6 kg/ha en France. Et sur le demi-millier de pesticides utilisés au Brésil ou en Argentine, près de 150 sont interdits en Europe parce que dangereux ! ».

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