n°159 - avril / mai 2020Interview / débat contradictoire

Présence de brevets dans les variétés : témoignage

Par Inf'ogm

Publié le 25/03/2020

Partager

Inf’OGM a interrogé Christian Crouzet, membre de Biau Germe (1), sur les droits de propriété intellectuelle sur le vivant. Il craint surtout que le brevetage des gènes natifs n’entraîne la confiscation de leurs semences paysannes.

Inf’OGM – Êtes-vous confrontés aujourd’hui
 aux droits de propriété intellectuelle ?

Christian Crouzet – Par directement, car nous avons fait le choix de multiplier uniquement des variétés populations appartenant au domaine public et donc libres de droit de propriété. Nous sommes « mainteneur » d’une partie d’un patrimoine collectif, c’est-à-dire que nous avons la charge et la responsabilité de pratiquer une sélection conservatrice qui assure la pérennité des variétés. Notre activité participe à la défense et la promotion de la biodiversité cultivée et est d’utilité publique.

Quels obstacles rencontrez-vous 
au quotidien dans votre pratique ?

Le premier obstacle, c’est le peu d’intérêt de la part des pouvoirs publics pour le patrimoine des variétés paysannes libres de droits. D’où un manque de politique publique pour un accompagnement concret du travail de préservation. 
En effet, la réglementation sur les semences est principalement organisée autour de la défense et de la protection des droits d’obtention privés qui bénéficient d’un arsenal juridique conséquent. À l’opposé, la défense du patrimoine public repose trop sur le travail de paysan-ne-s ou d’associations convaincu-e-s de l’utilité agricole des variétés traditionnelles. 

La biodiversité cultivée issue des variétés paysannes est immensément riche et constitue un réservoir de ressources alimentaires mais également une réponse aux changements climatiques du fait de la capacité d’adaptation des variétés concernées.

En interne au Biau Germe, nous assurons la multiplication de plus de 450 variétés de populations grâce à une organisation mutualisant l’ensemble des opérations de la mise en culture jusqu’à la diffusion par le biais de la vente à distance. D’autre part, nous participons à des échanges partagés avec le Réseau Semences Paysannes et toutes initiatives de défense des droits collectifs des paysans.

Par le biais d’une recherche approfondie sur leur origine historique, toutes nos variétés sont des variétés paysannes dont il a été vérifié qu’elles n’étaient pas issues de multiplication in vitro. D’autre part, nos maïs ont été contrôlés en laboratoire afin de vérifier s’ils avaient pu être pollués par la présence de maïs OGM durant la période précédant son interdiction en France.

Le principal risque au quotidien est celui de la contamination potentielle des variétés directement dans les champs lors de leur culture. À cet effet, le Biau Germe travaille avec l’ensemble des acteurs multiplicateurs de semences au niveau local pour organiser une carte des cultures dans l’espace afin de travailler l’isolement des cultures et donc limiter les pollutions. Les risques existent mais demeurent contrôlés.

Le brevetage de gènes natifs constitue un risque beaucoup plus grand pour notre pratique [1].

Avez-vous des revendications 
sur la présence de brevets sur le vivant ?

Dans l’immédiat, la généralisation des brevets sur le vivant et leur application aux gènes natifs doit être stoppée. Ces derniers constituent une réelle menace pour les variétés du domaine public qui pourraient contenir un gène breveté par le biais de croisement pollinique et aboutir ainsi à la réclamation du paiement de royalties. Cette issue serait fatale au maintien et à la sauvegarde de la biodiversité cultivée.

La privatisation du vivant par des brevets constitue une atteinte aux droits collectifs des paysans de resemer leurs semences et, en conséquence, une atteinte aux consommateurs. Les droits collectifs des paysans concernent le travail de multiplication et de sélection du produit de leur récolte, un travail qui couvre une réalité physique autant que les savoirs et connaissances communes relatives à ce travail. La principale revendication, c’est la prise en compte effective de ces droits collectifs et leur prévalence à faire valoir sur les droits privés.

Actualités
Faq
A lire également