Où en est-on en France du moratoire sur le maïs transgénique ?
Le 20 juillet, à la demande de plusieurs entreprises semencières [1], le ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire, a inscrit au catalogue français 36 variétés de maïs génétiquement modifié Mon810 et deux variétés de maïs GM T25 [2]. L’inscription des deux variétés de maïs T25 pourrait signifier la fin du moratoire français sur la culture commerciale des OGM, et l’entrée dans les champs européens de cette plante tolérante à un herbicide. Malgré une enquête approfondie d’Inf’OGM, de nombreuses questions persistent.
Les maïs génétiquement modifiés Mon810 de Monsanto (qui produit un insecticide) et le T25 de Bayer (qui tolère un herbicide à base de glufosinate d’ammonium) ont été autorisés à la culture en 1998 en Union européenne et font aujourd’hui l’objet d’une demande de renouvellement. En effet, suite à l’adoption de la directive 2001/18, les autorisations d’OGM ont été limitées à dix ans. En attendant la décision finale, l’Union européenne a tout de même maintenu les autorisations en vigueur.
Depuis 2008, la France a interdit la culture du Mon810. L’inscription au catalogue de 36 variétés de maïs GM Mon810 ne remet pas en cause ce moratoire, mais elle fait automatiquement accéder ces dernières au catalogue européen. Les entreprises françaises peuvent ainsi en commercialiser les semences dans les pays où le Mon810 n’est pas interdit [3].
Plus surprenante est l’inscription des deux variétés de maïs T25 appartenant à deux sociétés françaises : Orsem Hybrides et Maïsadour. La première variété de T25 inscrite est le chardon LL, inscrite au catalogue néerlandais en août 1999 [4]. Or, interrogée par Inf’OGM, la Commission européenne nous a assuré qu’aucune variété de maïs T25 n’est inscrite au catalogue européen.
Mais l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 20 juillet pourrait conduire à ce que ces deux variétés de maïs T25 puissent être désormais cultivées sur l’ensemble du territoire européen, sauf en Autriche, qui a déposé une clause de sauvegarde sur cet événement transgénique… Cela marquerait donc la fin de l’interdiction des cultures commerciales des OGM en France. Interrogé à plusieurs reprises, le ministère de l’Agriculture n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pas plus que Maïsadour. Bayer affirme dans un communiqué qu’il n’envisage aucune commercialisation du maïs T25. Communication a peu de frais… En effet, ce sont Maïsadour ou Orsem Hybrides qui sont les obtenteurs des variétés inscrites.
Une inscription symbolique ?
Autre surprise : le glufosinate d’ammonium n’est pas homologué sur le maïs en France. Ceci retire, de fait, tout intérêt agronomique spécifique à la culture du maïs T25 pour les agriculteurs français. Il est en revanche autorisé pour désherbage avant mise en culture, mais l’administration a-t-elle réellement la capacité à contrôler le moment exact de son usage ? Par ailleurs, une éventuelle multiplication de semences de T25 destinées à l’exportation pourrait être envisagée même sans utilisation de glufosinate d’ammonium. Comme les homologations des pesticides varient d’un pays à l’autre, l’utilisation de cet herbicide total sur le maïs pourrait être autorisée dans d’autres pays de l’UE. Interrogé par Inf’OGM, Bayer CropScience nous a précisé que le glufosinate d’ammonium dans sa version Liberty (il existe aussi sous une autre appellation commerciale, le Basta) n’est pas commercialisé dans l’Union européenne. Pas commercialisé mais autorisé, comme en témoigne le BVL, organe allemand en charge des pesticides [5].
Il demeure difficile de connaître les raisons précises de l’inscription de ces variétés au catalogue. Si l’on s’en tient au discours des partisans des OGM, l’inscription est symbolique. Elle fait suite à une plainte au Conseil d’État par les semenciers français contre le ministère de l’Agriculture qui n’avait pas motivé son refus. Le Conseil d’État a obligé le ministère à inscrire ces variétés. La plainte concernait 61 variétés… Or seules 38 ont été inscrites. L’AGPM nous précise que les autres variétés, dont certaines sont vieilles de plus de dix ans, ne sont sans doute plus intéressantes agronomiquement. Mais pourquoi donc le seraient les autres ? Impossible pour le moment d’en savoir plus.
Ces inscriptions restent donc en partie mystérieuses, sauf pour les pays où elles peuvent être cultivées. Par ailleurs, y a-t-il un lien avec le prochain examen du renouvellement de l’autorisation de culture au niveau européen du Mon810 et du T25 ? S’agirait-il d’un pas pour faire faire homologuer le glufosinate d’ammonium sur le maïs et autoriser à la culture d’autres OGM résistants à l’herbicide total ? On pense aux maïs Bt11 et TC1507 actuellement dans les tuyaux, et tous deux tolérants au glufosinate. De nombreux éléments doivent donc être éclaircis, mais aucune culture commerciale ne devra avoir lieu, en France, sans l’information du citoyen, comme l’exige la loi de 2008 sur les OGM (art. 10).
[1] dont Monsanto, Limagrain ou Maïsadour
[2] JORF n°0170 du 25 juillet 2010, p. 13777
[3] Tous les pays européens sauf l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Grèce, la Hongrie, et le Luxembourg
[4] http://www.plantenrassen.nl/. L’inscription a expiré en 2004.