Maïs MIR604, pomme de terre Modena : le HCB émet des avis défavorables
L’évaluation des OGM se fait sur la base d’arguments scientifiques et uniquement scientifiques. C’est un dogme de l’OMC, repris tel quel par la Commission européenne. Mais pour bon nombre d’opposants aux OGM, restreindre cette problématique aux seules questions technico-scientifiques revient tout bonnement à masquer l’essentiel de la question. Certes, il est nécessaire d’écarter un risque détectable pour la santé humaine ou pour l’environnement, mais quand bien même on aurait fait tout cela, on n’aurait rien dit ou presque sur les conséquences de l’introduction des OGM agricoles sur la vie paysanne ni sur les systèmes complexes avec lesquels ces OGM interagissent. Ne représentant qu’une faible partie (bien qu’indispensable) de l’évaluation, ces arguments techno-scientifiques mis en avant avec suffisance, se devraient au moins d’être établis dans les règles des usages scientifiques normaux. Qu’en est-il ?
Déjà, l’avis du CPHA [1] sur le MON810 [2] avait pointé les graves insuffisances scientifiques du dossier, ce que confirmait plus tard le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) [3]. La Commission européenne, interrogée sur ces points et sur le fait que l’AESA avait rendu des avis non étayés et donc irrecevables, a saisi l’agence européenne de sécurité des aliments (AESA), qui a refusé de répondre aux points soulevés par trois députés européens [4]. Récemment, un rapport de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) confirmait la légèreté scientifique des dossiers d’autorisation d’OGM [5]. Et voilà que deux dossiers, en cours d’instruction en vue d’autorisations dans l’UE, font l’objet d’avis plus que sévères par le HCB : celui de la pomme de terre Modena, enrichie en amylopectine et celui du maïs MIR604, produisant un insecticide contre les chrysomèles [6].
Sur le dossier Modena, un commentaire du HCB souligne bien le degré de sérieux du pétitionnaire, l’entreprise Avebe : « De nombreuses phrases du dossier sont difficilement compréhensibles, des mots manquent, les structures grammaticales sont illogiques ». Mais plus préoccupant, le HCB épingle la pratique (courante dans les dossiers d’OGM) des affirmations gratuites. Ainsi, le pétitionnaire affirme que les bourdons pollinisateurs de pommes de terre « ne voyagent en général que sur de courtes distances ». Dans son avis, le HCB lui rétorque qu’ « il a été démontré que les déplacements sur de longues distances d’insectes butineurs permettent un transport efficace de pollen viable », reprochant au pétitionnaire de s’appuyer sur une source bibliographique « erronée » (sic). Le comble, toujours sur ce sujet de la pollinisation des pommes de terre, est atteint quand le pétitionnaire, citant un article scientifique qui retrouve une dissémination de pollen sur une distance de 1000 mètres, énonce tranquillement qu’il serait peu vraisemblable que la contamination pollinique excède… 20 mètres !
Non prise en compte des publications gênantes, contradiction avec les sources citées par le pétitionnaire lui-même : on peut y voir malversation ou incompétence, il n’est guère possible de trancher !
Même si le dossier Modena emporte incontestablement la palme, celui du MIR604 partage avec lui les critiques de fond du HCB, qui relève que, dans les deux cas, les études statistiques ne présentent aucun calcul de puissance (ce qui les rend ininterprétables), aucun test d’équivalence et que la multiplicité des tests n’est pas prise en compte. En clair, les analyses produites ont l’apparence de la science, mais ne sont pas de la science.
N’ayant aucune base pour aucune conclusion (pour les deux dossiers), les pétitionnaires ne s’empressent pas moins de conclure péremptoirement : « AV43-6-G7 [NDLR : Modena] est équivalent en composition et en propriétés nutritionnelles au cultivar parent Karnico » ou : « ces résultats étayent la conclusion selon laquelle le grain et le fourrage du maïs MIR604 sont équivalents en composition avec les variétés conventionnelles, en dehors de la présence des traits nouvellement introduits ». Logiquement, le HCB renvoie les pétitionnaires à leurs chères études en leur faisant remarquer que les analyses effectuées ne permettent nullement de tirer de telles conclusions. Position en effet logique, mais cependant très différente de celles des nombreux comités d’experts qui, par le passé, se sont trouvés dans le même cas de figure, à commencer par l’AESA…
[1] Comité d’évaluation des OGM mis en place après la CGB, au moment du Grenelle, en préfiguration de l’actuel HCB
[4] cf. le détail de toute cette affaire sur le site du GIET. Inf’OGM avait lancé une pétition : Réévaluation des OGM : remise de la pétition d’Inf’OGM au ministère de l’Environnement