Main basse sur les semences
Il n’y a d’OGM que parce qu’ils permettent, grâce aux Droits de Propriété Intellectuelle, de récupérer d’énormes royalties. Encore faut-il que ces “droits” soient inscrits dans la loi.
Depuis 1998 en Europe et fin 2004 en France, le brevet protège les gènes insérés dans les plantes ou les animaux. Mais pour vendre ses gènes bricolés, l’industrie doit les mettre dans les variétés adaptées aux conditions agro climatiques locales. En France, ces variétés sont protégées par un COV – certificat d’obtention végétale – qui permet au semencier d’exiger des royalties sur toute vente de semence et qui, à l’origine, ne touchait pas au droit du paysan de ressemer le grain récolté. A part Limagrain, les semenciers français ne font pas d’OGM. Ils se sont d’abord opposés au brevet, de peur qu’il ne mange leur COV.
En 1991, un accord au sein de l’UPOV a institué un partage du gâteau en étendant la protection du COV aux “variétés essentiellement dérivées”, c’est-à-dire à celles dans lesquelles est inséré un nouveau gène breveté. Pour que cette double protection, cumulant brevet et COV sur une même variété, puisse générer des royalties, le droit du paysan de ressemer sa récolte devient une dérogation que le semencier peut monnayer. Ce dernier point a provoqué par deux fois le rejet de ce texte par les députés français. La FNSEA a alors signé un accord permettant aux semenciers de prélever une taxe chaque fois que le paysan ressème sa récolte de blé. Les OGM seraient inutiles sans l’extension de cette taxe à toutes les espèces.
C’est pourquoi, fin février, alors que tous les yeux étaient braqués sur son projet de légalisation des OGM, le gouvernement a mis discrètement au vote des parlementaires la ratification de l’accord UPOV 91.
La loi française devient ainsi une des plus verrouillées au monde. Certes, elle permet encore, moyennant royalties, au paysan de ressemer sa récolte. Mais alors qu’aux USA la diffusion de semences de variétés non protégées est totalement libre, en France elle est interdite car les semenciers les enlèvent du catalogue commun qui seul autorise leur commercialisation : ne pouvant pas échanger leurs semences, les paysans ne peuvent pas les sélectionner et perdent ainsi toute alternative à la semence du semencier. De plus, contrairement au brevet, le COV n’oblige pas le semencier à indiquer le nom des variétés qu’il a utilisées pour faire sa sélection. Pour que cette légalisation du biopiratage soit sans équivoque, la nouvelle loi étend la protection du COV aux “variétés découvertes”… dans les champs des paysans qui les ont sélectionnées.