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Semences et OGM : des études pour changer la législation de l’UE ?

Par Eric MEUNIER

Publié le 02/12/2019

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Début novembre, les États membres de l’Union européenne ont commandé à la Commission européenne deux études : une sur la législation semences pour le 30 décembre 2020 et une sur les nouvelles techniques de modification génétique pour le 30 avril 2021. Après avoir révisé sa législation sur la santé des végétaux en 2016, l’Union européenne continue de discuter une éventuelle mue réglementaire pour les plantes cultivées.

La Finlande, qui assure jusqu’au 31 décembre 2019 la présidence de l’Union européenne, se montre particulièrement attentive au domaine du végétal. L’année dernière, une décision des Nations unies de décréter l’année 2020, « Année internationale de la santé des végétaux » [1], a été adoptée sur la base d’une proposition faite en 2015 par ce pays. Après son action au niveau international, la Finlande veut donc aussi une présidence de l’Union européenne active sur des sujets concernant les végétaux.

Un rapport sur les « nouvelles techniques génomiques »

Le 8 novembre 2019, le Conseil invitait la Commission « à soumettre, pour le 30 avril 2021 au plus tard, une étude à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice […] concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union » [2]. Après avoir remplacé le terme juridiquement établi de « techniques de modification génétique » par celui de « technique d’édition du génome », le Conseil change à nouveau son vocable pour parler cette fois de « techniques génomiques ». À charge pour la Commission européenne de savoir précisément ce que recouvre cette expression.

Pour justifier sa demande d’étude, le Conseil estime que « la situation » des OGM obtenus par les nouvelles techniques de mutagénèse doit être clarifiée suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de juillet 2018 [3]. Le Conseil prend acte que cet arrêt a « apporté de la clarté sur le statut des nouvelles techniques de mutagénèse ». Cependant, il considère qu’elle a également « soulevé des questions pratiques qui ont des conséquences pour les autorités nationales compétentes, l’industrie de l’Union, en particulier le secteur phytogénétique, la recherche et au-delà ». Pour illustrer ce propos, le Conseil n’apporte qu’un seul exemple, celui d’une incapacité des méthodes actuelles à faire la différence entre des produits obtenus à partir de nouvelles techniques de mutagénèse et « ceux nés d’une mutation naturelle ». Une limite des méthodes actuelles déjà pointée du doigt par les experts européens qui sous-entendaient par ailleurs qu’une telle distinction serait envisageable si l’Union européenne prenait soin de collecter des informations et qu’un travail scientifique était mis en œuvre pour choisir les techniques d’analyse adéquates [4]. Une démarche non encore aboutie à ce jour. Dans sa décision, le Conseil a donc fait le choix politique d’ouvrir le champ des possibles à toute proposition, plutôt que de demander à ce que les outils permettant de distinguer les produits soient développés.

La décision du Conseil du 8 novembre précise en effet à la Commission européenne que son étude pourra être accompagnée d’une « proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l’étude ». Si on s’en tient aux positions de l’ancien Commissaire à la Santé, cette proposition pourrait concerner une modification ou une réécriture de la législation européenne sur les OGM si l’Union européenne devait vouloir exempter ces produits de toute évaluation de risques ou autre étiquetage.

La législation semences d’abord

Dans un délai plus court que celui accordé pour cette étude concernant les nouveaux OGM, le Conseil a demandé à recevoir une étude et une proposition sur la législation semences pour le 30 décembre 2020 au plus tard [5]. Une étude qui vise à établir les « moyens dont dispose l’Union pour actualiser la législation existante relative à la production et à la mise à disposition sur le marché de matériel de reproduction des végétaux ». Dans sa décision, le Conseil rappelle que la Commission avait fait une proposition de révision de la législation semences en 2013. Une proposition qui avait été rejetée en 2014 par le Parlement européen et le Conseil qui étaient revenus vers la Commission pour lui demander de formuler une nouvelle proposition de révision. La Commission avait alors bien retiré sa première proposition, mais n’en avait proposé aucune autre.

Mais ce 8 novembre 2019, le Conseil a considéré que « les préoccupations auxquelles la Commission entendait répondre par sa proposition de 2013 sont toujours d’actualité » et qu’une étude préalable à une éventuelle révision de la législation européenne sur les semences est donc nécessaire. Ces préoccupations de 2013 concernaient, telles que résumées par le Conseil, une trop grande complexité de la législation, une mise en œuvre différente selon les États membres et une opportunité de « réduire les coûts et de réaliser des gains d’efficacité ». Surtout, le Conseil rappelle qu’un objectif était d’avoir une législation semences plus en phase avec « d’autres actes législatifs concernant le secteur et sa cohérence avec d’autres politiques ». Le Conseil met en avant, par exemple, une nécessaire adaptation de la législation au « progrès technique dans le domaine de la sélection végétale et à l’évolution des marchés européen et mondial du matériel de reproduction des végétaux ». Le lien avec le dossier OGM (anciens et nouveaux) apparaît ici clairement. Le lien avec l’affaiblissement du Droit d’Obtention Végétale, calé sur les variétés DHS (Distinctes, Homogènes et Stables) du Catalogue européen actuel, au profit du droit des brevets qui n’ont aucun besoin de ces caractères DHS pour leur application, est lui aussi sous-jacent.

Après avoir révisé sa législation sur la santé des végétaux en 2016 [6], l’Union européenne pourrait donc ouvrir un chantier de révision de ses législations semences et OGM. L’ordre dans lequel ces révisions se feront est de première importance : par exemple, une décision prise dans le cadre de la législation semence, mais qui a des implications sur le dossier des nouveaux OGM peut, de fait, conditionner la révision de la législation OGM.

[6Le nouveau règlement, applicable sous trois ans, est plus particulièrement axé sur la prévention de l’entrée ou de la dissémination d’organismes nuisibles aux végétaux sur le territoire de l’Union, mais aussi sur les normes et les obligations d’auto-contrôles des professionnels sous contrôle officiel, voir https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/MEMO_16_4310

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