Quelle sera la politique de la nouvelle Commission ?
En ces temps incertains pour la popularité et l’avenir des institutions européennes, les nouveaux commissaires se seraient bien passé de devoir gérer l’héritage de leurs prédécesseurs sur le dossier OGM. La précédente Commission a facilité l’introduction des OGM en Europe. S’il lui a fallu accepter la mise en place de l’étiquetage et la traçabilité, elle a réussi à imposer la levée du moratoire en autorisant l’importation de deux OGM et cela, sans le soutien de la majorité des Etats membres. Juste avant la fin de son mandat, elle a également permis la vente de semences du maïs MON810, sans se préoccuper du respect de la nouvelle réglementation sur la surveillance des OGM ni de l’absence de régime de responsabilité et de mesures destinées à éviter une contamination que l’on sait inévitable (cf.page 2). Dans la pratique, l’évaluation des OGM demeure opaque et superficielle et l’Agence de Sécurité Alimentaire Européenne est surtout préoccupée par interpréter les exigences légales sur l’évaluation et la surveillance des OGM dans un sens favorable à l’industrie plutôt qu’à l’environnement et aux consommateurs.
Ce passage en force promet d’être difficile à gérer pour la nouvelle Commission : plus de 70% des citoyens continuent à rejeter les OGM agricoles, une centaine de régions se sont déjà déclarées “zones sans OGM”, et deux nouveaux Etats membres, la Hongrie et la Pologne, ont interdit la culture du maïs MON810.
Devant l’insatisfaction du public et d’une grande partie des gouvernements, certains commissaires sont bien conscients qu’il n’y a rien à gagner à poursuivre la stratégie impopulaire de leurs prédécesseurs. Mme Fischer-Boel, à l’agriculture, a indiqué qu’elle était prête à envisager une législation européenne sur la “coexistence” tandis que M. Dimas, à l’environnement, a reconnu la nécessité de protéger les semences de la contamination par des OGM. Lors de son premier débat d’orientation sur les OGM, le 22 mars, la nouvelle Commission s’est bien gardée d’indiquer quelle allait être sa politique à long terme. Et les habitudes ont la vie dure. Si la Commission a reconnu qu’il y avait problème, elle a décidé de ne rien changer pour l’instant, accusant à demi mots les Etats membres d’être satisfaits de lui laisser seule la responsabilité d’autoriser des OGM dont personne ne veut !
Cette situation n’est pas sans rappeler celle qui a conduit à la mise en place du moratoire en 1998. Au final, c’est la mobilisation des citoyens et la volonté politique des gouvernements et des régions qui détermineront si l’Europe suivra ou non les désastreux exemples nord-américain et argentin.