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UE – Coexistence : une subsidiarité sous contrôle de la Commission

Par Christophe NOISETTE

Publié le 02/04/2009, modifié le 27/02/2025

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Le 2 avril 2009, la Commission européenne a adopté un rapport « sur la coexistence entre les cultures génétiquement modifiées et l’agriculture conventionnelle et biologique » (Rapport n°COM 2009– 153) [1]. Tout d’abord ce rapport rappelle que « conformément à l’article 26bis de la directive 2001/18, les États-membres peuvent prendre les mesures nationales de coexistence nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits » et que la Commission n’entend pas proposer d’uniformisation ou d’harmonisation des différentes législations nationales en matière de coexistence et de responsabilité en cas de dommage (le corollaire des mesures techniques de coexistence). En effet, on peut lire : « Rien n’indique qu’il soit nécessaire de s’écarter de la stratégie de coexistence basée sur la subsidiarité et de favoriser l’harmonisation dans ce domaine ». Et plus loin, la Commission précise que « les pouvoirs publics nationaux sont généralement mieux placés que l’Union européenne pour déterminer les mesures de coexistence des OGM les plus efficaces, en fonction des conditions agricoles et climatiques locales ».

La CE refuse aux Etats-membres le droit d’exclure entièrement les PGM

La question des « zones sans OGM » revient à plusieurs reprises dans le rapport. Ainsi, la Commission européenne précise que « lorsque la coexistence de certaines cultures est rendue difficile par les conditions locales, des zones peuvent être déterminées dans lesquelles seules des variétés OGM ou non OGM d’un produit agricole peuvent être cultivées ». Mais, si la Commission se refuse à légiférer, elle précise que ces mesures « doivent reposer sur la décision volontaire de tous les exploitants de la zone concernée, qui doivent pouvoir choisir entre cultures conventionnelles, biologiques et OGM ». Autre condition à une coexistence validée par la Commission : « Les mesures de coexistence doivent reposer sur des bases scientifiques, être proportionnées et ne pas imposer d’interdiction générale des cultures génétiquement modifiées ». La gestion nationale de la coexistence ne donne au final qu’une petite marge de manœuvre aux Etats-membres.

L’approche de la coexistence pour la Commission européenne est avant tout économique. Il ne s’agit que de réduire la contamination dans les marges tolérées par l’étiquetage. Et, dans cette logique, elle précise qu’ « il n’a été fait mention d’aucune perte économique due au non-respect des règles nationales de coexistence ou au caractère inadéquat de celles-ci ». Pourtant, les cas de contamination des produits biologiques, comme en Espagne, où la culture du maïs bio est devenue impossible [2], ou encore en France [3], montrent qu’au mieux la CE est mal informée, au pire, qu’elle fait la sourde oreille. De même la Commission se félicite que « les programmes de surveillance conçus par les États membres [n’aient] révélé aucune lacune entachant les règles en vigueur ». Là encore, le gouvernement français n’a-t-il pas fait part à la Commission européenne d’une culture de maïs Mon810 illégale découverte par les associations en 2007 [4] ?

En matière de responsabilité, là aussi, la Commission propose la subsidiarité : « La Commission ne juge pas opportun de promouvoir l’élaboration d’instruments juridiques communautaires qui pourraient porter préjudice aux dispositions nationales relatives à la responsabilité en cas de pertes causées par la présence fortuite d’OGM ». Et plus loin : « La responsabilité en cas de pertes économiques touchant des cultures non GM dues à la présence fortuite d’OGM relève du droit civil ; or la compétence en la matière appartient aux États-membres. Une étude demandée par la Commission a démontré que toutes les juridictions nationales garantissent une protection minimale en cas de pertes de cette nature dans les conditions généralement définies par le droit de la responsabilité civile. La majorité des États-membres n’ont pas modifié les conditions d’application du droit général de la responsabilité civile au cas spécifique de la présence fortuite d’OGM ».En France, la loi crée pour la première fois un régime de responsabilité spéciale du préjudice causé par une culture de PGM à une autre culture (article 8 de la loi). Il s’agit d’une responsabilité sans faute, c’est-à-dire que la responsabilité du cultivateur de PGM pourra être engagée même s’il a correctement respecté les règles de coexistence contenues dans la loi [5].

Une subsidiarité contrôlée

Au niveau des réglementations nationales, on apprend que 15 États-membres (sur 27) ont adopté une législation sur la coexistence, soit onze de plus qu’en 2006. Trois autres États ont notifié à la Commission des projets de textes législatifs. Si les approches diffèrent d’un pays à l’autre – « les distances d’isolement pour la production de maïs varient entre 25 m et 600 m pour le maïs conventionnel et entre 50 m et 600 m pour le maïs biologique » -, en partie en raison de différences régionales liées aux conditions d’exploitation (taille des parcelles, conditions climatiques, etc.), la Commission considère que cette pluralité d’approche ne pose pas de problème, notamment au niveau de la gestion de la coexistence au niveau transfrontalier : « Bien que la mise en œuvre, par des États-membres voisins, de stratégies différentes en matière de coexistence soit susceptible de créer des problèmes transfrontaliers, des difficultés de cette nature n’ont pas été observées dans la pratique. Il ne semble donc pas nécessaire pour l’instant d’élaborer des mesures spécifiques pour les questions de coexistence de part et d’autre des frontières ».
Parmi les autres mesures qu’on retrouve dans les Etats-membres, la mise en place de procédures spécifiques pour les zones où l’environnement est protégé (par exemple, espaces Natura 2000). Certains Etats interdisent tout simplement les PGM dans de telles zones. La détermination de telles zones où les cultures GM pourraient être interdites pour des raisons socio-économiques doit être notifiée à la Commission, le rapport précisant qu’ « en l’absence de notification, il se peut que les mesures ne soient pas applicables et, partant, n’aient pas une force exécutoire à l’égard des particuliers. Dans certains États-membres, des régions se sont déclarées zones sans OGM, mais les déclarations de cette nature sont politiques et ne constituent pas des interdictions juridiquement contraignantes ».
Cependant, la Commission entend tout de même intervenir sur le dossier de la coexistence et mener des travaux sur plusieurs thèmes : l’instauration d’un seuil de contamination pour les semences ; la promotion des échanges d’information entre Etats-membres par le biais du réseau COEX-NET [6]. ; l’élaboration de lignes directrices « techniques » ; l’appui à des programmes de recherche ; et la publication d’un nouveau rapport sur la coexistence en 2012. Le rapport rappelle aussi que « la Commission a créé le bureau européen pour la coexistence (ECoB7), qui a pour mission d’élaborer un recueil de meilleures pratiques, par type de culture, pour les mesures techniques de coexistence ». Ce bureau sera aussi amené à élaborer « des recommandations pour les zones où les structures agricoles et les conditions de production sont telles que la coexistence au niveau des exploitations est difficile à respecter pour une culture donnée ». Ce dernier aspect montre bien que la Commission n ’entend pas se faire déborder dans sa politique par des « zones sans OGM » qui pourraient être légalisées par les Etats ou les régions qui en ont les compétences légales.

[6COEX-Net est un groupe composé d’experts gouvernementaux, c’est-à-dire des fonctionnaires des ministères. Il a été créé par la décision de la Commission du 21 juin 2005 « établissant un groupe en réseau pour l’échange et la coordination d’informations concernant la coexistence de cultures génétiquement modifiées, conventionnelles et biologiques », cf. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ…. Comme nous le précise Yves Bertheau, le programme de recherche Co-Extra n’est en rien relié à COEX-NET

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