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UE – Autorisation de compléments alimentaires fabriqués à l’aide d’un OGM
La Commission européenne vient d’autoriser une préparation destinée à être utilisée dans les compléments alimentaires pour adultes. La préparation est produite avec une souche génétiquement modifiée de champignon, mais aucun étiquetage n’en informera les consommateurs.
Le 24 juillet 2017 [1], la Commission européenne a autorisé la mise sur le marché d’une préparation enzymatique à base de prolyl-oligopeptidase produite avec une souche génétiquement modifiée d’Aspergillus niger [2], un champignon filamenteux très commun. La préparation est destinée à être utilisée dans les compléments alimentaires pour adultes, et plus spécifiquement pour les personnes intolérantes au gluten.
Une préparation autorisée sur le fondement du règlement « Nouveaux aliments »
La Commission européenne a fondé cette autorisation sur le règlement relatif aux nouveaux aliments de 1997 [3] et non sur le règlement 1829/2003 qui concerne pourtant spécifiquement les denrées alimentaires génétiquement modifiées.
Ce dernier s’applique en effet aux denrées alimentaires produites « à partir » d’OGM mais pas à celles produites « à l’aide » d’OGM. Or, le critère décisif permettant de savoir si une denrée alimentaire est produite « à partir » ou « à l’aide » d’OGM tient justement à la présence ou non, dans cette denrée, de matériel produit à partir de matière d’origine génétiquement modifiée. Et dans cette préparation enzymatique nouvellement autorisée, la souche génétiquement modifiée d’Aspergillus niger est utilisée comme une aide à la transformation et n’est plus présente, en théorie, dans l’aliment.
C’est donc au règlement relatif aux nouveaux aliments (dit « novel food ») qu’est soumise la préparation enzymatique. Ce texte a pour objet d’encadrer la mise sur le marché d’aliments ou ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine est restée négligeable dans la Communauté jusqu’en 1997. Parmi les aliments et ingrédients auxquels s’applique le règlement il y a, par exemple, ceux composés de végétaux isolés, de champignons ou d’algues, ou encore ceux présentant une structure moléculaire primaire nouvelle ou délibérément modifiée. C’est probablement dans cette dernière catégorie que se range la préparation enzymatique dont la mise sur le marché vient d’être autorisée.
En quelque sorte, le règlement relatif aux nouveaux aliments permet ainsi d’encadrer la mise sur le marché d’une préparation produite avec une souche génétiquement modifiée de champignon qui aurait autrement échappé à une procédure d’autorisation préalable à sa mise sur le marché, assortie d’une évaluation des risques [4]. Pour autant, aucun étiquetage n’informera les consommateurs de l’utilisation du champignon génétiquement modifié dans la production de ces compléments alimentaires.
Pas d’étiquetage indiquant l’utilisation d’un OGM dans la fabrication du produit
Le règlement relatif aux nouveaux aliments impose des obligations spécifiques en matière d’étiquetage. Par exemple, le consommateur doit être informé des caractéristiques ou propriétés du nouvel aliment (composition…), mais seulement si elles distinguent le nouvel aliment d’un aliment existant [5]. Et ce n’est que dans un tel cas que l’étiquetage devra aussi porter une indication sur la méthode selon laquelle cette caractéristique a été obtenue. Pour le reste, seul ce qui est présent dans le produit doit figurer sur l’étiquette.
Les caractéristiques de l’aliment important davantage que le procédé par lequel il a été obtenu, dès lors que la matière d’origine génétiquement modifiée n’est pas présente dans l’aliment et que l’utilisation de l’OGM n’a pas altéré ses caractéristiques ou propriétés d’une façon qui le distingue d’un aliment existant, le consommateur n’en sera pas informé.
Avant 2003, il n’existait pas de réglementation spécifique applicable à la mise sur le marché de denrées alimentaires génétiquement modifiées. Leur mise sur le marché pouvait être autorisée en vertu du règlement relatif aux nouveaux aliments, adopté en 1997 qui donc, initialement, s’appliquait notamment aux aliments et ingrédients contenant des OGM ou consistant en des OGM, ainsi qu’aux aliments et ingrédients produits à partir d’OGM mais n’en contenant pas.
Le règlement 1829/2003 a modifié le champ d’application du règlement relatif aux nouveaux aliments et désormais, ce dernier ne s’applique plus à ces catégories d’aliments. Cependant, certains OGM ont été autorisés sur le fondement du règlement relatif aux nouveaux aliments après 2003. Pour le comprendre, il faut lire les dispositions transitoires prévues par le règlement 1829/2003. Celles-ci prévoient que les demandes d’autorisation de mise sur le marché présentées en vertu du règlement nouveaux aliments avant la date d’application du règlement 1829/2003 peuvent, dans certains cas, continuer de relever de ce règlement [6]. Les OGM autorisés entre 2004 et 2006 relevaient de ces cas et ont donc été autorisés sur le fondement du règlement relatif aux nouveaux aliments.
D’autres produits fabriqués à l’aide d’OGM échappent à l’étiquetage [7]. C’est le cas notamment des produits contenant des enzymes alimentaires utilisées comme auxiliaires technologiques [8]. En France, ce sont une cinquantaine d’enzymes génétiquement modifiées ou issues de souches génétiquement modifiées qui sont autorisées [9]. Elles sont utilisées dans la boulangerie [10], dans l’industrie de l’alcool (notamment la brasserie), mais aussi dans les fromages, les produits céréaliers comme les céréales pour petits-déjeuners… et même dans les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge.
[1] Décision d’exécution (UE) 2017/1387 de la Commission du 24 juillet 2017 autorisant la mise sur le marché d’une préparation enzymatique à base de prolyl-oligopeptidase produite avec une souche génétiquement modifiée d’Aspergillus niger en tant que nouvel aliment en application du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil.
[2] Plus précisément, il s’agit de la souche génétiquement modifiée d’Aspergillus niger GEP 44 porteuse du gène gepA d’Aspergillus niger G306.
[3] Règlement (CE) n° 258/1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires. Le règlement (UE) 2015/2283 abroge le règlement (CE) n° 258/97 à partir du 1er janvier 2018
[4] La préparation aurait en tout état de cause été soumise aux règles relatives aux compléments alimentaires (directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires et, en France, au décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires).
[5] Le nouvel aliment est pour le reste soumis aux règles générales d’étiquetage.
[6] Plus précisément, ces demandes continuent de relever du règlement relatif aux nouveaux aliments si le rapport d’évaluation initiale (qu’est chargé de préparer l’État membre auquel est adressé la demande de mise sur le marché) n’a pas encore été transmis à la Commission européenne, ou si un rapport complémentaire est requis. Voir article 46, paragraphe 1 du règlement 1829/2003.
[7] , « Additifs, arômes, enzymes… : des substances issues d’OGM, dans la chaîne alimentaire », Inf’OGM, 29 janvier 2013
[8] La mise sur le marché de ces enzymes relève, jusqu’à l’établissement d’un catalogue des enzymes alimentaires de l’Union européenne, des autorités étatiques.
[9] Voir Annexe I C et Annexe I D de l’arrêté du 19 octobre 2006 relatif à l’emploi d’auxiliaires technologiques dans la fabrication de certaines denrées alimentaires, tel que modifié par l’arrêté du 4 janvier 2016.
[10] , « Du pain aux enzymes OGM », Inf’OGM, 3 mars 2017