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OGM – Le statut légal du pollen dans le miel ? Ce sera un constituant… et donc sans étiquetage

Par Pauline VERRIERE, Christophe NOISETTE

Publié le 22/04/2014

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Le débat sur le miel, et plus particulièrement sur le statut du pollen, vient de s’achever : le 16 avril 2014, les euro-député-e-s ont adopté sans surprise, en plénière, le texte de compromis obtenu entre le Conseil des ministres de l’Union européenne (UE) et le Parlement européen, qui fait du pollen un constituant naturel du miel. Un mois plus tôt, le 19 mars 2014, la Commission « environnement » du Parlement européen (PE) avait déjà validé ce texte, contrairement à ses choix précédents. En effet, le 27 novembre 2013, cette même commission avait voté contre la proposition de la Commission européenne de modifier la directive miel, qui aurait eu pour effet de ne plus rendre obligatoire l’étiquetage des miels contenant du pollen issu de plantes génétiquement modifiées (PGM). Le 15 janvier, le Parlement européen avait pris position pour la Commission européenne dans ce dossier particulièrement technique [1]. Avec cette décision du 16 avril, il ne s’est donc pas dédit en seconde lecture. Option retenue aussi par le Conseil des ministres de l’UE, début mars 2014.

Depuis septembre 2011, les autorités européennes ont réalisé que du miel pouvait contenir du pollen issu de maïs MON810… Pire, ce pollen n’avait jamais fait l’objet d’aucune autorisation pour l’alimentation humaine. Il était temps de s’en rendre compte, le MON810 étant autorisé à la culture depuis 1998 [2].

C’est une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) [3] qui a mis sous les projecteurs cette affaire : un apiculteur allemand, M. Bablok, ayant vu sa production contaminée par du pollen de maïs MON810 de Monsanto, avait porté plainte. Bien que le MON810 soit cultivé dans certains pays européens, principalement en Espagne, le pollen qui en est issu n’avait pourtant jamais été autorisé dans l’alimentation humaine. Monsanto a fini par contourner cette difficulté en obtenant en novembre 2013 l’autorisation commerciale pour le pollen issu de maïs MON810 [4]. Cette décision de justice a surtout mis en lumière le statut du pollen dans le miel en considérant que ce pollen est un ingrédient du miel. C’est une question plus importante qu’il n’y paraît puisqu’elle détermine la question du besoin d’étiquetage de la présence de ce pollen sur les pots de miel. Face à cette interprétation qui ne lui convenait pas, la Commission européenne a décidé, en septembre 2012 [5], de proposer une modification de la directive 2001/110/CE, dite directive Miel, pour que le pollen ne soit pas considéré comme un ingrédient, mais comme un constituant.

Novembre 2013 – La commission « environnement » du Parlement refuse la proposition de la Commission européenne

Le 27 novembre, la commission « environnement » du Parlement avait voté un rapport contre le projet de la Commission et en faveur d’un étiquetage du miel en présence de pollen GM : elle proposait de ne considérer comme ingrédient du miel que le pollen issu d’OGM (amendement 3 et 4) [6]. Cet amendement avait été proposé par les Verts au Parlement européen : il s’agissait de leur interprétation de la décision de la CJUE, une interprétation qui faisait débat. D’autres considèraient en effet que c’était l’ensemble du pollen GM et non GM qui devait être considéré comme un ingrédient. Dans les deux cas, l’étiquetage serait resté néanmoins de mise… Cet amendement permettait d’introduire une exception à la réglementation générale sur la consommation en introduisant un étiquetage en vertu du règlement 1829/2003 sur les OGM.

La commission « agriculture » soutenait, quant à elle, la proposition de la Commission, mais elle n’était consultée que pour avis.

Janvier 2014 : le Parlement européen s’allie à la Commission pour bouter le pollen OGM hors de l’étiquetage

Le 15 janvier, c’était au Parlement européen de se prononcer sur le rapport de la Commission environnement. C’est l’euro-députée Julie Girling, qui, bien qu’étant la rapporteure de ce texte, avait pris le contre-pied de son contenu, affirmant la nécessité de considérer le pollen comme un constituant et non un ingrédient. Si son rapport avait bel et bien été voté par le Parlement, son contenu avait tellement été modifié qu’il se rapprochait finalement de la proposition de la Commission européenne, notamment en ce qui concernait la définition du pollen : « le pollen, étant un constituant naturel propre au miel, n’est pas considéré comme un ingrédient […] ».

Le Conseil de l’UE valide la proposition de la Commission européenne, déjà adoptée par le Parlement européen

Étant donné que c’est via la procédure de « co-décision » que la proposition de la modification de la directive « miel » faite par la Commission européenne en 2013 doit être adoptée, le texte adopté par le Parlement européen devait faire l’objet d’un accord du Conseil. Julie Girling avait obtenu le mandat de la part du Parlement, pour entamer les discussions avec le Conseil. Le débat entre les instances avait abouti à un texte de compromis qu’Inf’OGM s’était à l’époque procuré. Ce texte reprenait la proposition initiale de la Commission européenne, à savoir que le pollen (qu’il soit ou non génétiquement modifiée) était un constituant naturel du miel et non un ingrédient.

Avril 2014 – Le Parlement européen confirme, en deuxième lecture, sa position

Comme le Conseil n’avait pas validé entièrement les amendements du Parlement, le texte devait alors faire l’objet d’une deuxième lecture du Parlement sur les modifications apportées, une procédure plus longue, avant de voir l’émergence du texte définitif. Les points qui ont été modifiés entre la version du Parlement et celle du Conseil sont anecdotiques, comme par exemple de remplacer sur l’étiquetage des pots de miels « Communauté européenne » par « Union européenne ».

Ainsi, c’est tout d’abord la commission « environnement » du Parlement européen qui s’est prononcée sur ce nouveau texte. Le 19 mars, les eurodéputé-e-es de la commission « environnement » ont voté à une faible majorité (28 pour, 25 contre et 2 abstentions) le texte de compromis qui définit le pollen comme un constituant naturel du miel.

Le 16 avril 2014, les euro-député-e-s ont confirmé à une assez faible majorité (283 voix pour, 248 contre, et 45 abstentions) que le pollen issu de plantes génétiquement modifiées dans le miel est « un composant naturel du miel », ce qui de fait l’exclut du champ d’application de l’étiquetage des OGM [7].

Les élu-e-s de droite (groupe PPE au Parlement européen) s’étaient exprimé en janvier et avaient soutenu l’absence d’étiquetage, considérant que « l’exigence d’information des consommateurs est bien sûr légitime. Mais elle ne justifie pas que nous prenions la filière apicole en otage du débat général sur les cultures OGM«  [8]. Il s’agit, affirment-ils, d’une position pragmatique : « Les abeilles butinent parfois à plus de 10 km de leur ruche. Il aurait été totalement irresponsable d’obliger tous les apiculteurs à tester chacun de leur pot de miel pour vérifier que les abeilles n’ont pas été au contact d’OGM ».

Cependant, les député-e-s socialistes français, dans un communiqué de presse [9], rappellent qu’ils ont défendu au cours des débats au PE une alternative : éloigner les ruches des zones cultivées avec des PGM pour éviter toute contamination ! Le statut du pollen dépendrait de la proximité des cultures GM : ainsi, « en cas de présence de champs OGM dans un rayon de 10 kilomètres, le pollen devait être considéré comme un ingrédient, statut qui implique des analyses approfondies. Notre approche permettait de soutenir tous les producteurs qui s’efforcent de mettre sur le marché des miels de qualité, et sans OGM, répondant à la demande des consommateurs. Elle conciliait à la fois l’information du consommateur, la lutte contre les OGM, et la proportionnalité des contrôles ». Les votes au sein des groupes PPE ou socialiste étaient divisés [10].

Quant aux député-e-s écologistes, ils étaient quasiment unanimes [11], au niveau européen, pour dénoncer une proposition « malheureusement » adoptée après un « lobbying massif de l’industrie et des pays tiers producteurs d’OGM comme l’Argentine ». Ainsi, l’eurodéputé Vert allemand Martin Häusling a souligné que le fait que « l’UE importe beaucoup de miel de pays tiers qui cultivent des OGM et que deux des principaux États membres mellifères (l’Espagne et la Roumanie) cultivent du maïs génétiquement modifié MON810, fera qu’il est pratiquement certain que du miel contaminé aux pollens GM sans aucune indication arrive sur les étals ».

Si pour la droite, cette clarification du statut du pollen évitera « les conséquences négatives, directes et indirectes, que le secteur de l’apiculture subirait si le pollen était qualifié comme un ingrédient externe », les élu-e-s écologistes répondent que ces conséquences négatives sont liées à la présence des OGM et non pas au statut du pollen. En l’absence d’OGM, la question du coût des contrôles et autres tracas pour les apiculteurs disparaissent. Pour eux, défendre la filière apicole en jouant à l’autruche ne lui profitera pas longtemps.

Rappelons que les syndicats apicoles, dans leur ensemble, sont opposés à la dissémination des OGM dans l’environnement mais divisés sur la question de l’étiquetage [12].

[2Inf’OGM, « Maïs Mon810 », Inf’OGM, 4 juillet 2017

[6Amendement 3 : « La présente directive devrait considérer le pollen comme un ingrédient, mais uniquement au sens de l’article 2 et de l’article 12, paragraphe 2, du règlement (CE) n°1829/2003 ».
Amendement 4 : « Le règlement (UE)n° 1169/2011 définit un ingrédient en tant que substance utilisée dans la production d’une denrée alimentaire. Il est indispensable pour la production de miel et pour la pollinisation des cultures que les ruches soient intentionnellement placées dans des lieux où les abeilles ont la possibilité de visiter certaines variétés de plantes. La composition du miel produit dépend essentiellement de l’endroit où les ruches sont placées et de l’époque où le miel est récolté. Le pollen issu de cultures génétiquement modifiées devrait dès lors être considéré comme un ingrédient spécifique à chaque variété de plante ». Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/110 relative au miel http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bREPORT%2bA7-2013-0440%2b0%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR

[11Mark Demesmaeker, député écologiste vert, a voté pour le texte de compromis et Amelia Andersdotter, de Suède s’est abstenue

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