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La France veut changer les règles du jeu sur les autorisations des OGM dans l’UE

Par Eric MEUNIER

Publié le 20/02/2014

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« S’agissant de la mise en culture, on est sur un système qui ne fonctionne pas, donc il faut changer ce cadre pour que la responsabilité des États membres puisse s’exercer pleinement » [1] : ce constat du ministre français de l’Agriculture fait écho à la probable autorisation à venir du maïs TC1507, les États membres de l’Union européenne n’ayant pas atteint de majorité qualifiée pour ou contre son autorisation le 11 février 2014 [2].

Actuellement, le gouvernement français essaie de faire passer une loi pour interdire la mise en culture de «  variétés de maïs génétiquement modifié » [3]. Cette action va de pair avec celle qu’il mène au niveau européen. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, souhaite que la décision d’autoriser ou non une plante génétiquement modifiée (PGM) à la culture soit nationale et donc ne relève plus du niveau européen comme c’est le cas aujourd’hui [4]. Ceci dit, il ne souhaite pas que l’évaluation soit nationale. Ainsi, concrètement, « la Commission procéderait à l’évaluation sanitaire des OGM soumis par les producteurs et leur plantation serait autorisée État par État » [5]. Si cette proposition « doit être discutée avec d’autres États membres et avec la Commission pour voir si ça peut satisfaire un maximum d’États membres et avoir une chance d’avancer, (…) c’est [au final] la Commission qui prendra sa plume pour rédiger un texte sur la base de cette proposition », comme le rapporte Reuters.

Le 3 mars, au cours du Conseil des ministres de l’Environnement, les États membres discuteront de la proposition de la Commission européenne faite en 2010, dite « proposition Dalli » [6] : cette dernière vise à permettre aux États membres d’interdire nationalement la mise en culture d’un OGM pour des raisons autres que sanitaires et environnementales. Or, cette proposition n’a jamais reçu l’aval des États membres car plusieurs d’entre eux estiment qu’une interdiction nationale dans ce cadre-là serait fragile juridiquement, notamment vis-à-vis de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui requiert une base « scientifique » pour les décisions politiques. Profitant du débat sur le maïs TC1507, la France affiche depuis plusieurs semaines son mécontentement de la procédure d’autorisation actuelle et continue de considérer la proposition de la Commission comme inadéquate, bien qu’elle partage son objectif de renationaliser les autorisations. Elle profitera donc des débats du 3 mars pour mettre sa proposition sur la table.

Des acteurs français peu favorables

La Confédération paysanne se dit réservée sur cette proposition. « Nous avons besoin de précisions sur son contenu, notamment pour voir si les États seront limités ou non quant à la nature des motivations pouvant justifier une décision nationale » nous explique Guy Kastler, responsable du dossier OGM pour ce syndicat agricole. Celui-ci considère en effet que cette proposition devrait d’une part concerner tout autant les autorisations d’importation que de culture et d’autre part ne pas « laisser aux États les seuls arguments qui ne seront pas acceptés par les engagements internationaux déjà pris par la France ou l’Union européenne à l’OMC et dans les accords de libre échange déjà signés ou en cours de négociation avec le Canada et les États-Unis », arguments qui seraient de ce fait non recevables devant toute juridiction qu’elle soit nationale ou internationale.

De l’autre côté de l’échiquier des OGM, l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) ne soutient pas une telle proposition : « Nous considérons qu’il ne faut pas créer de différences, de distorsions au sein de l’Union européenne » nous a indiqué Luc Esprit, directeur de l’AGPM. Pour ce dernier, cette proposition témoigne concrètement que « le gouvernement français n’a plus d’argument pour interdire le maïs MON810 ». L’AGPM s’était également déclarée opposée à la proposition initiale portée par la Commission européenne comme son directeur nous l’a rappelé. Pour mémoire, l’AGPM a annoncé il y a quelques jours que 400 000 hectares de maïs GM pourraient être semés en France cette année. En 2007, l’année précédant le moratoire, la France avait accueilli 22 000 hectares de maïs GM, soit une proportion anecdotique du maïs cultivé en France (1,37% des 1,6 millions d’hectares selon http://www.infocereales.fr) [7].

Des conséquences collatérales négatives ?

Au cours du débat parlementaire du 17 février sur la proposition de loi déposée par le sénateur Alain Fauconnier, le ministère de l’Agriculture a reconnu l’incompatibilité de la loi proposée avec la législation européenne, mais a affirmé ne pas avoir d’autres solutions actuellement [8]. Ce constat explique la proposition que la France portera au niveau européen. Car les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont voulu interdire les cultures de maïs GM, mais les tentatives précédentes (clause de sauvegarde, ou mesure d’urgence) n’ont été sources que d’imbroglios judiciaires, n’apportant aucune sécurité pour les filières agricoles et apicoles sans OGM.

Cependant une telle proposition pourrait avoir des impacts collatéraux : une réforme pourrait en cacher d’autres. En effet, si les États membres venaient à s’accorder sur la proposition de la Commission ou sur celle de la France, pour renationaliser les autorisations de PGM à la culture, il faudrait alors traduire cette modification substantielle par un écrit réglementaire européen. Si d’aventure cela devait être une modification de la directive 2001/18, toute autre proposition de modification serait alors possible.

Et ce, alors qu’un autre débat agite l’Union européenne, celui des nouvelles techniques de biotechnologie. Pour ces dernières, l’enjeu actuel est de savoir si elles donnent des produits soumis à la législation européenne sur les OGM ou non. En 2012, un groupe d’experts nommés par la Commission européenne avait tenté de répondre à cette question. Dans leur rapport, ces derniers s’étaient principalement attachés à définir un OGM pour analyser ensuite chaque technique. Et la Commission de constater que « les scientifiques ne sont pas toujours d’accord » [9]. Un constat qui n’empêche pas la Commission d’envisager aujourd’hui d’apporter une réponse sur le statut OGM ou non des techniques qui soit générale, évitant donc le cas par cas, et l’on se doute que les lobbys prônent un statut non OGM de ces nouvelles techniques. Parmi les options permettant une telle réponse générale, la modification de la définition d’un OGM pourrait être envisagée, mais il faudrait pour cela que la législation européenne soit remise sur la table des discussions… Le Foll sera-t-il, même involontairement, le déclencheur d’une telle entourloupe ?

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