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Veille juridique Inf’OGM du 9 septembre au 30 septembre 2024

Par Denis MESHAKA

Publié le 30/09/2024

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FRANCE

Nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale

Le 22 septembre, après de longs mois d’attente, Michel Barnier, nommé premier ministre le 5 septembre, a présenté son gouvernement composé de 39 ministres dont huit occupaient déjà cette fonction sous la présidence Macron. Deux ministres additionnels ont été nommés depuis, au Handicap et aux Armées.

Le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt est confié à Annie Genevard, co-dirigeante par intérim du parti Les Républicains et longtemps députée du Doubs. La nomination à ce poste de cette ancienne professeure de lettres classiques n’était pas attendue, d’autant qu’elle avait fait part quelques jours auparavant de son intérêt pour le ministère de l’Éducation. Annie Genevard se présente comme proche du monde agricole et sensible aux préoccupations rurales : « Je travaille pour les agriculteurs depuis bien longtemps, […] je connais la diversité de leurs métiers comme leur respect de la terre et des bêtes. Je connais aussi leurs difficultés et leurs attentes. […] Les agriculteurs ont besoin d’actes, de vérité, de respect. Telle sera ma ligne de conduite. Je rencontrerai rapidement leurs représentants ». On ne connaît pas à Annie Genevard de position publique claire sur les NTG (nouvelles techniques génomiques) ou les pesticides, mais on peut s’attendre à ce qu’elle promeuve une agriculture française « compétitive » à l’échelle européenne.

Succédant à Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher, ministre proche d’Emmanuel Macron, se voit confiée le ministère de la Transition écologique, de l’Énergie et du Climat. Elle a déjà été ministre de la Transition énergétique sous le gouvernement Borne (2022-2024), puis ministre déléguée à l’Agriculture (plus particulièrement à la Forêt) sous le gouvernement Attal (2024). Elle se présente comme favorable à la l’utilisation de « solutions alternatives », dont celles des NTG dans l’agriculture.

Ces deux ministres travailleront sous l’égide d’un premier ministre, qui fut lui-même ministre de l’Agriculture et de la Pêche, de 2007 à 2009, et très impliqué dans des réformes de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne. En tant que ministre de l’Environnement entre 1993 et 1995, il fut également l’acteur principal de l’introduction dans la loi française du principe de précaution (lié à la problématique des NTG) et de la loi pollueur payeur.

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UNION EUROPÉENNE

Nomination de nouveaux commissaires

Le 17 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé une liste de nouveaux commissaires pour le mandat 2024-2029. Ces nominations doivent encore être validées par le Parlement européen d’ici fin octobre ou début novembre.

Christophe Hansen (PPE – Parti Populaire européen) est nommé commissaire à l’Agriculture et à l’Alimentation. Ce luxembourgeois de 42 ans a été conseiller de l’eurodéputée Astrid Lulling, notamment sur les questions d’agriculture de 2007 à 2014. Il est attendu qu’il adopte une position pro-NTG, le PPE se présentant comme favorable à leur dérégulation. On note qu’il ne possède pas le statut de vice-président, contrairement à ce qui était souhaité par le Copa et la FNSEA, qui se disent néanmoins satisfaites de cette nomination. Le syndicat français a déclaré le 17 septembre sur le réseau social X : « Nous allons nous mettre en contact avec [Christophe Hansen] pour construire une stratégie, portés par une vision de rupture avec le Green Deal décroissant, voulant donner une vision de souveraineté alimentaire, de renouvellement des générations ou de sécurité sanitaire et alimentaire ».

Jessika Roswall (PPE – Parti Populaire européen) est nommée commissaire à l’Environnement, à la Résilience en matière d’Eau et à l’Économie circulaire compétitive. La Suède, qui a proposée la nomination de cette ancienne ministre des Affaires européennes, est actuellement favorable à la dérégulation des NTG dans l’UE et considère que les NTG1 sont aussi sûres que les plantes conventionnelles. Jessika Roswall est, en outre, chargée par Ursula von der Leyen de « simplifier » le règlement de l’UE sur l’Enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et la restriction des substances chimiques (REACH).

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INTERNATIONAL

Des brevets européens majeurs couvrant Crispr/Cas 9 retirés par leur titulaires

Le 20 septembre, les titulaires de brevets Crispr/Cas 9 – Universités de Californie et de Vienne – basés sur les travaux des prix Nobel Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont demandé la révocation de deux de leur brevets européens majeurs (EP2800811 et EP3401400). Ces brevets avaient été maintenus à l’issue d’une longue procédure d’opposition à l’Office européen des brevets (OEB), entre 2019 et 2022, suite à laquelle les parties opposantes qui n’avaient pas eu gain de cause avaient fait appel. C’est dans la perspective de cette procédure d’appel, qui aurait dû avoir lieu mi-octobre, que la Chambre de recours de l’OEB a émis, le16 août 2024, une opinion préliminaire défavorable sur ces brevets, fondée sur des documents fournis par les opposants. La décision inattendue des titulaires de ces brevets sur Crispr/Cas 9 de demander la révocation de leurs propres brevets fait suite à cette opinion.

Un des principaux arguments avancés par la chambre de recours de l’OEB est l’absence dans les demandes brevets déposées d’un aspect clé du mécanisme Crispr, à savoir les « motifs adjacents aux protospacers » (PAM). Ces séquences d’ADN jouent un rôle essentiel concernant l’endroit où Crispr peut couper l’ADN. Or, pour être valable, une demande de brevet doit au moment de son dépôt décrire l’invention de manière suffisamment claire et complète pour qu’un « homme du métier » puisse la réaliser. Dans leur demande de révocation du 20 septembre, les avocats des titulaires des brevets ont rejeté cette position de la Chambre de recours, la qualifiant d’injuste et de mal fondée. Ils font valoir qu’il n’était pas vraiment nécessaire de mentionner ces motifs PAM, qui, selon eux, étaient si évidents que « même des étudiants de premier cycle » auraient su qu’ils étaient nécessaires. Les avocats disent vouloir « rendre publiques les raisons pour lesquelles [les titulaires des brevets] sont en profond désaccord avec [l’]évaluation sur tous les points » et à « montrer clairement l’inexactitude » de la décision de la chambre qui, selon eux, « ne reconnaît pas la nature et l’origine de l’invention, interprète mal les connaissances générales communes et applique en outre des normes juridiques incorrectes ».

Les raisons pouvant expliquer cette démarche des titulaires de ces brevets Crispr/Cas 9 varient selon qu’elles émanent d’eux mêmes ou de leurs opposants. Il semble néanmoins se confirmer que la validité de ces droits est mise à mal et que les chances de succès pour les titulaires à l’issue d’une procédure d’appel seraient faibles. Cette révocation devrait impacter les programmes de licences de Crispr/Cas 9 en Europe, mais, comme le soulignent les titulaires de ces brevets Crispr/Cas 9, ils détiennent d’autres droits en instance qui pourraient encore protéger leur invention. On peut citer le brevet EP3597749, qui fait cependant lui aussi l’objet d’une opposition en cours à l’OEB.

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Douzième réunion du groupe de travail sur lamélioration du fonctionnement du Système Multilatéral (SM)

Du 16 au 19 septembre, a eu lieu à Rome la douzième réunion du groupe de travail pour l’amélioration du Système Multilatéral (SM) du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (Tirpaa). Le SM permet à tous les pays membres du Tirpaa d’accéder à un « pool » commun de ressources génétiques végétales nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale, en facilitant l’échange de ces ressources entre pays pour la recherche, la conservation et l’amélioration des cultures. En contrepartie, il exige un partage des avantages (monétaires et non-monétaires) issus de l’utilisation de ces ressources.

Cette réunion de Rome a principalement porté sur les négociations visant à renforcer le SM, en particulier via une nouvelle proposition de compromis. Celle-ci prévoit un mécanisme de souscription avec deux options pour le partage obligatoire des avantages monétaires, en l’espèce le paiement anticipé lors de l’enregistrement des ressources génétiques et un paiement différé lors de la commercialisation du produit développé. L’objectif est le rééquilibrage du partage des bénéfices, en tenant compte des besoins des pays en développement qui fournissent les ressources génétiques, tout en offrant aux entreprises plus de flexibilité financière.

Cette réunion a été notamment marquée par la position de la région « Amérique du Nord », critiquable pour son manque de flexibilité et de solidarité envers les pays du « Sud », ainsi que pour son approche favorable aux utilisateurs privés. Elle s’oppose notamment aux paiements anticipés pour l’accès aux ressources génétiques, ce qui pourrait limiter les flux financiers rapides nécessaires pour les pays en développement. Ils n’ont en outre pas proposé de solution claire pour intégrer les bénéfices liés aux informations de séquences numériques (DSI) surexploitées par l’industrie des biotechs notamment pour le dépôts de nombreuses demandes de brevets.

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