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FRANCE – Maïs OGM Mon810 : Pas de risques majeurs mais des lacunes et des questions persistantes !
Le maïs génétiquement modifié Mon810 (mis au point par Monsanto) est actuellement en cours de renouvellement au niveau européen. Afin d’éclairer la position que la France tiendra lors des prochains votes européens (lors du conseil des experts et lors du conseil des ministres), le gouvernement a saisi le Haut conseil des biotechnologies (HCB).
Le 22 décembre 2009, les deux comités du HCB ont donc apporté leurs expertises : s’il n’y a pas de « risques biologiques que l’on puisse qualifier de majeurs » liés à l’usage du maïs Mon810, une série de remarques viennent néanmoins fortement questionner l’intérêt et les risques d’un tel renouvellement d’autorisation (pour la culture, l’importation et la transformation) s’il devait avoir lieu.
Pour le comité scientifique (CS), il n’y a donc pas de « risques biologiques que l’on puisse qualifier de majeurs » liés à l’utilisation du maïs Mon810. Mais il relativise ce jugement par plusieurs remarques, lesquelles pourraient nuancer la position officielle du gouvernement. Ainsi, le CS souligne que les analyses statistiques fournies par le pétitionnaire, Monsanto, ne suivent pas les nouvelles recommandations et que certaines données issues d’expérimentations en laboratoires ou aux champs sont manquantes. Mais, par ailleurs, le CS précise que le caractère transgénique de ce maïs lui confère effectivement une efficacité à lutter contre les espèces cibles, la pyrale et la sésamie, et que les plans de surveillances du territoire établis par Monsanto seront efficaces.
Si le comité économique, éthique et social (CEES) reconnaît lui aussi que le maïs Mon810 est apparu efficace pour lutter contre les insectes cibles dans les zones infectées, il estime qu’il existe « deux séries d’éléments conduisant à relativiser ces avantages [et] une série d’inconvénients potentiels » à mettre en culture ce maïs. Ainsi, l’intérêt agronomique de ce maïs n’est valable que pour les zones infectées par la pyrale et la sésamie. Et cet intérêt agronomique doit être « mis en perspective avec d’autres modes de prévention et de traitement des ravageurs qui sont généralement efficaces et plus neutres pour l’environnement ». Mais, le CEES souligne surtout des inconvénients : « risque d’extension de la culture du Mon810 sur des surfaces actuellement non traitées par un insecticide chimique ; surcoût de l’achat de la semence non contrebalancé en cas d’absence de forte pression parasitaire ; incertitudes quant aux effets sub ?létaux pour les abeilles et animaux d’élevage ; possible impact économique sur les diverses filières agricoles existantes ». Autant dire que les membres du CEES ne semblent pas convaincus ni de l’absence de risques, ni de l’intérêt d’utiliser un tel maïs. Ce qui l’amène d’ailleurs à répondre majoritairement que les avantages d’une autorisation de mise en culture de ce maïs ne l’emportent pas sur les inconvénients !
Il faut par ailleurs noter que le CEES a également abordé la question des effets toxiques pour la santé humaine et animale. Et ce qu’il écrit dans son avis a le mérite d’être assez clair puisque le CEES se demande « comment il est possible de conclure scientifiquement, comme le fait l’AESA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) que le mon810 est aussi sûr, du point de vue de la toxicité, qu’un maïs conventionnel » [1]. Les raisons de cette remarque viennent de la position du CS qui note que l’AESA n’a pas répondu sur les réserves que les experts français avaient émises en janvier 2008 quant aux procédures statistiques utilisées par Monsanto pour les études de toxicité [2]. Le CEES reprend cette constatation à son compte en soulignant qu’il « s’interroge sur les raisons pour lesquelles elle [l’AESA] n’a pas répondu à la question de savoir si ces tests pouvaient ou non, scientifiquement, servir de base à son avis, favorable, concernant le renouvellement du Mon810 ».
Le gouvernement français a donc entre les mains les éléments nécessaires pour prendre une décision. Cependant, à l’heure actuelle, la position française n’est pas encore fixée et il est probable que les ministères de l’environnement et de l’agriculture ne l’établisse qu’à la veille du prochain comité européen d’experts qui pourrait avoir lieu en février 2010. La réponse de l’Union européenne, basée donc sur les votes des Etats membres, est attendue a priori pour 2010.
Les enjeux de ce dossier ne sont pas anecdotiques : le maïs Mo810 a acquis un symbolisme important dans le dossier des PGM en Europe car il s’agit de la seule plante GM autorisée à la culture ; qu’elle est l’objet de plusieurs interdictions nationales (France, Grèce, Autriche, Hongrie, Allemagne, Luxembourg), et qu’elle est la première PGM sur laquelle le HCB s’est penchée.
Le maïs Mon810, génétiquement modifié pour produire un insecticide contre la pyrale et la sésamie est autorisé en Europe depuis février 1998 pour l’alimentation humaine et animale, et depuis avril 1998 pour la mise en culture. Le maïs exprime une protéine Bt, qui, ingérée par les larves de ces deux insectes ravageurs du maïs, est transformée en toxine, laquelle leur est fatale. Ce maïs a été l’objet de nombreux questionnements, notamment par les experts français officiant au sein du Comité Provisoire de la Haute Autorité (CPHA) sur les biotechnologies en janvier 2008 qui avaient fait part de plusieurs doutes sur les impacts liés à ce maïs (cf. Inf’OGM Actu n°91, avril 2008, Les bases scientifiques de l’avis du Comité de Préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM sur le maïs Mon810).