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FRANCE – La CGT – Inra : « une autre génétique est possible ! »

Par Christophe NOISETTE

Publié le 15/03/2012

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Dans un communiqué de presse du 7 mars 2012, intitulé « Résister à la domination des grands groupes de l’agrobusiness et de l’alimentation : une autre génétique est possible » [1], le syndicat majoritaire au sein de l’Inra, la CGT, déplore que « certains utilisent, auprès des élus ou des medias, les conclusions de l’Inra pourtant diverses et mesurées, pour appeler à la généralisation des cultures d’OGM [… alors] que les choses sont loin d’être aussi simples ».

La CGT–Inra précise et déplore le contexte actuel qui entoure les recherches scientifiques : la course au profit, la création d’oligopoles, et le marché capitaliste. Pour le syndicat, « le développement à marche forcée de la transgenèse vise surtout à accroître la marchandisation du vivant ». Ainsi, la CGT regrette que « cette technique [qui] pourrait être porteuse de progrès », et qu’« une recherche publique dans ce domaine qui pourrait être socialement utile » soient mises à mal par des entreprises transnationales. La CGT ne remet donc pas en cause dans son principe « la recherche génétique […] plus que nécessaire dans un monde soumis aux changements climatiques et dans lequel la demande alimentaire ne cesse de croître […]. Les plantes transgéniques auront peut-être un rôle à jouer dans la production agricole, tout comme certains micro-organismes transgéniques permettent l’obtention de substances de synthèse difficiles à obtenir autrement. Nous ne devons pas nous interdire la recherche sur ces plantes. Ce n’est pas parce qu’à ce jour les variétés végétales transgéniques ne constituent pas un progrès décisif qu’elles n’y contribueront jamais ».

Cependant, elle précise aussi que « ce progrès génétique ne se limite pas aux recherches sur la transgénèse, les OGM ou d’autres manipulations à l’échelle moléculaire, tant il est possible de créer des variétés améliorées et performantes, répondant à la demande sociale, en utilisant des techniques prenant en compte d’autres échelles d’organisation du vivant ».

La CGT déplore deux limites au développement d’une recherche publique : « La recherche est en danger quand elle est soumise aux seuls intérêts de l’industrie agro-alimentaire, mais la CGT-Inra n’accepte pas que des organisations, revendiquant une légitimité supposée vis-à-vis de la population, viennent contrôler le caractère scientifique des recherches de l’Inra. Il n’est pas admissible que des organisations se réclamant de l’écologie politique, investissent le champ de l’écologie scientifique, prétendant notamment que des résultats obtenus en conditions contrôlées seraient automatiquement valables en conditions du champ cultivé, et mettent un terme à des expériences à leurs yeux inutiles ». Ce qui est très clairement ici sous-entendu, ce sont les actions des Faucheurs, et notamment la destruction de la parcelle de vignes GM résistantes au court noué à Colmar [2]. La CGT Inra avait déjà communiqué sur cette action et titrait alors son communiqué « ceux qui se trompent de combat donnent des armes aux adversaires d’une recherche publique indépendante » [3].

L’instrumentalisation de la faim dans le monde est « outrancière »

Le raisonnement de la CGT sur cette question rejoint nombre d’analyses, notamment d’agronomes comme celle de Marc Dufumier, agronome chercheur à AgroParisTech. Premièrement, « la mise en culture immédiate des OGM ne permettra pas de résoudre les problèmes de souveraineté alimentaire que connaissent de nombreuses populations. Suggérer que la solution principale à la production d’alimentation en quantité et qualité suffisantes serait technologique et nécessiterait absolument celle des OGM est outrancier ». D’autre part, « les crises alimentaires sont avant tout dues aux inégalités économiques et de nombreuses familles de notre pays connaissent aussi des problèmes croissants de nutrition sans relation avec la moindre pénurie de denrées aux échelles mondiale ou nationale ». Au final, la faim est surtout le signe « de la domination d’un système de dérégulation généralisée qui, pour le moins, s’accommode de la souffrance de centaines de millions d’êtres humains. C’est ce système qu’il faut avant tout changer  ».

Propriété intellectuelle sur le vivant : une demie critique

Pour la CGT-Inra, l’Institut doit mettre « dans le domaine public l’ensemble des brevets sur les connaissances en biologie qu’il détient qui ne correspondent pas à de vraies inventions de technologie ». Et les autres brevets ? La CGT ne s’y oppose donc pas formellement. Si le syndicat fait « bonne figure » auprès de la société civile en déplorant « la mauvaise loi 2011-1843 du 8 décembre 2011 qui impose aux exploitants agricoles de payer pour pouvoir réutiliser les semences de leurs propres récoltes, sans attaquer aucunement les géants de la semence qui rêvent de remplacer le COV par des brevets », elle ne s’oppose pas aux droits de propriété intellectuelle sur les plantes. Elle fait une différence entre brevet et Certificat d’Obtention Végétale (COV). Ainsi, le COV « doit rester la base sur laquelle les variétés sont protégées car, en retrouvant l’esprit qu’il avait en 1961, le COV enrichit les ressources génétiques en même temps qu’il rend disponible le progrès génétique au plus grand nombre dans notre pays et au-delà ». Interrogé par Inf’OGM, le Réseau Semences Paysannes (RSP) nous précise que si le RSP ne soutient pas le COV version 61, il ne s’y oppose pas non plus formellement, car ce dernier ne concerne que la production de semences destinées à la commercialisation. Le RSP, en revanche, s’oppose aux lois nationales qui complètent la COV par une interdiction de la production de ces semences à la ferme, comme la loi française de 1970. Dommage que la CGT-Inra ne se soit pas prononcée plus précisément sur ce point. Le RSP précise encore son opposition totale à la convention UPOV de 1991 « qui fait des semences de ferme, et des variétés dites « essentiellement dérivées », des contrefaçons, en étendant la protection du COV à la reproduction de la variété protégée et, en cas de contre-façon, à la récolte et au produit de la récolte ».

Un appel au dialogue

La CGT reconnaît qu’ « un dialogue est évidemment nécessaire entre chercheurs et militants de l’écologie politique et plus généralement tous ceux qui promeuvent des agricultures diverses. […] Nous appelons à agir avec nous tous ceux qui souhaitent le développement d’une autre agriculture satisfaisant efficacement les besoins sociaux, et d’une recherche résolument engagée vers une diversification des solutions génétiques : multi-échelles, multi-espèces et multi-critères. Cette orientation, qui doit être élaborée notamment dans des conseils de départements de recherche de l’Inra dotés de réels pouvoirs et de modalités de fonctionnement démocratiques, passe en particulier par un rééquilibrage des moyens accordés aux différentes disciplines grâce au renforcement de certaines approches sous estimées. Seule une recherche publique et totalement indépendante des financements privés est légitime pour mener des études sur les avantages et les inconvénients des OGM ».

Il aurait été pertinent d’aller plus loin dans la définition de ce dialogue : en l’état, il fait un peu figure de vœu pieux… La question soulevée est celle de la gouvernance de la recherche. Avec peut-être comme préambule, pour paraphraser Clémenceau, ce constat : « la recherche est une chose trop grave pour être confiée aux chercheurs ». Comment construire ce dialogue sans que l’une ou l’autre partie soit instrumentalisée ? Pour la Confédération paysanne, par exemple, le processus de dialogue sur le projet OGM vignes n’était pas satisfaisant. L’était-il pour la CGT-Inra ? Préciser ce point aurait permis aux citoyens de mieux comprendre les clivages et les alliances possibles.

Les revendications

La CGT soutient un moratoire sur les cultures GM, demande que l’Etat assure à l’Institut les moyens de conduire des recherches sur le sujet, que le « brevetage des connaissances en biologie » soit interdit par une loi, que « la Direction Générale de l’Inra [prenne] des mesures pour libérer la recherche publique de ses liens exclusifs avec quelques compagnies semencières (notamment à travers les contrats de l’ANR) et argumenter auprès des autorités de tutelle pour une nouvelle orientation de la recherche publique dans le domaine de l’amélioration des plantes et dans celui de la biologie végétale ». Ainsi, et concrètement, « la CGT-Inra exprime de grandes réserves par rapport aux objectifs stratégiques de l’Inra, une nouvelle fois exprimés dans le contrat d’objectifs Inra-Etat 2012-2016. Nous déplorons en particulier le monolithisme de la stratégie en génétique végétale qui tend à concentrer tous les moyens sur l’échelle moléculaire et pour un nombre réduit d’espèces, le tout « valorisé » par des prises de brevets sur les connaissances ».

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