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États-Unis – Un OGM à ARN « insecticide » autorisé sous conditions !
En juin 2017, le ministère étasunien de l’Environnement a autorisé, pour un usage commercial, la première plante génétiquement modifiée pour produire un insecticide en utilisant l’interférence ARN. L’événement transgénique MON87411, dont le dossier a été déposé conjointement par Monsanto et Dow AgroSciences, est donc autorisé mais pour cinq ans et sous conditions. Une autorisation qui semble bien acter l’échec des protéines transgéniques insecticides « classiques ».
Dans son communiqué de presse, le ministère étasunien de l’Environnement (EPA) laisse poindre une certaine fierté de sa décision d’autoriser l’évènement transgénique MON87411 : « Nous utilisons innovation et technologies émergentes pour résoudre des problèmes comme l’infestation par la chrysomèle des racines des cultures de maïs [surnommé l’insecte à un milliard de dollars] de notre nation » [1]. Pourtant, la chrysomèle des racines du maïs (Diabrotica virgifera) ne devrait être qu’un mauvais souvenir depuis l’adoption des cultures transgéniques aux États-Unis, censées les combattre, comme le MON863 ou le MON88017. Mais les « technologies émergentes » des années 2000 ont montré leurs limites [2] et comme les promesses sont le meilleur outil de vente du « progrès », voici donc une nouvelle « innovation et technologie émergente » de Monsanto et Dow AgroScience, l’évènement transgénique MON87411. Une innovation dont l’objectif est de pallier l’échec de la précédente…
MON87411, un concentré de transgènes
On connaît les évènements transgéniques codant pour une protéine. On connaît les évènements transgéniques empilés codant donc pour plusieurs protéines transgéniques. L’évènement MON87411 code à lui seul pour deux protéines transgéniques et… un ARN, une molécule d’acide nucléique synthétisée à partir d’ADN et jouant soit un rôle de régulateur dans la cellule, soit de molécule intermédiaire dans la synthèse de protéine. Comme l’explique l’EPA [3], les deux protéines sont l’EPSPS (pour une tolérance au glyphosate) et Cry3Bb1 (pour tuer des insectes comme la chrysomèle… une protéine Bt assez « classique »). L’originalité du MON87411 est l’ARN DvSfn7. Cet ARN, issu de la chrysomèle des racines du maïs, va être exprimé par la plante (sous une forme qui n’induit pas de synthèse de protéine). Lorsque la chrysomèle se nourrit de la plante, ses cellules reconnaissent l’ARN transgénique (puisqu’il est fait à partir d’un gène présent aussi dans son génome) et déclenche un phénomène d’interférence ARN qui détruit tout ARN homologue [4]. Conséquence ? En théorie, la chrysomèle meurt car cet ARN code une protéine vitale qui ne sera donc plus synthétisée.
Une autorisation ministérielle restreinte à cinq années
C’est dans le cadre d’une demande d’autorisation concernant un maïs à quatre évènements transgéniques empilés (MON89034*TC1507*MON87411*DAS-59122-7) que l’évènement MON87411 a été évalué et autorisé pour la première fois. Ce maïs empilé produit cinq protéines Bt transgéniques : Cry1A.105, Cry2Ab2, Cry1F contre des lépidoptères, Cry3Bb1 et Cry34/35Ab1 contre des coléoptères (la chrysomèle) ainsi que l’ARN DvSnf7 contre… la chrysomèle [5]. Selon les conclusions rendues publiques [6], le ministère a la « raisonnable certitude » que l’ARN DvSfn7 ne présente pas de dangers pour l’être humain. Il en est de même pour les oiseaux, les mammifères ou les poissons et invertébrés, du fait notamment « d’une faible exposition environnementale attendue »… Les autres plantes ne devraient pas non plus subir d’impacts : « l’ARN DvSfn7 ne devrait pas persister ou être présent dans le sol à des doses » permettant d’être absorbé par les plantes poussant sur ce sol. De potentiels effets non anticipés ou inattendus ? Le ministère considère qu’ils « ne devraient pas être biologiquement significatifs »… Tout va bien donc, ou presque.
Car le ministère conclut d’une manière plus générale que « bien que les données fournies soient satisfaisantes […] elles ne suffisent pas à obtenir une autorisation inconditionnelle. Des données additionnelles, notamment pour la destinée environnementale et la gestion des résistances d’insectes sont nécessaires ». Malgré cette insuffisance de données – et donc d’évaluation des risques – l’autorisation commerciale a été accordée mais limitée à cinq ans, avec obligation pour les entreprises de fournir dans un délai de deux ans [7] des données concernant les quantités d’ARN DvSnf7 dans le sol pendant et après culture, la dégradation de cet ARN dans des tissus de maïs transgénique présent dans un environnement aquatique et des données de gestion de la résistance d’insectes à l’ARN.
Cet évènement transgénique MON87411 est également présent dans quatre PGM faisant l’objet de demande d’autorisation commerciale en Europe, seul ou combiné à d’autres évènements transgéniques [8]. Mais il n’est pas encore possible de connaître le résultat de l’évaluation des risques, car sur son site, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) affiche qu’elle est en cours d’examen ou a demandé des informations complémentaires…
Monsanto ou l’obsolescence programmée
La technique de l’interférence à ARN n’est pas nouvelle. La tomate transgénique Flavr/Savr par exemple, autorisée en 1996 aux États-Unis, utilisait déjà ce phénomène pour retarder son mûrissement. Inf’OGM avait listé dans un article de février 2015 [9] des exemples de telles PGM au stade expérimental ou commercial : la vigne pour résister au virus du court-noué expérimenté à Colmar, les pruniers pour résister au virus de la Sharka expérimenté en Roumanie, les sojas transgéniques MON87705 et 305423 (autorisés dans l’Union européenne en 2015) ou le soja GTS40-3-2*305423 (demande d’autorisation en cours d’examen dans l’Union européenne), tous trois modifiés pour tolérer des herbicides et avoir une composition différente en acide gras oléique. Plus surprenant, les plantes de cette liste autorisées commercialement n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation des risques adéquate. En effet, ce n’est qu’en juin 2014 que l’AESA a organisé un colloque international consacré à « l’évaluation des risques des plantes génétiquement modifiées à l’aide d’ARNi » [les ARN interférents].
Aujourd’hui, les entreprises semblent néanmoins considérer avoir les coudées franches. Monsanto liste ses projets en cours de développement qui pourraient déboucher sur des commercialisations [10]. On trouve ainsi pas moins de quatorze projets qui concernent du colza, des pommes de terre, du soja, du coton ou du maïs. Des projets nombreux dont plusieurs promettent de résoudre des problèmes… que les plantes transgéniques des années 90 et 2000 devaient déjà faire oublier… Mention spéciale pour le coton Bollgard III, voué à remplacer les cotons Bollgard I et II dont Monsanto clame le « succès » et le coton Bollgard… de quatrième génération qui devrait remplacer (ou compléter) le coton Bollgard de troisième génération ! Un rythme de remplacement soutenu, pour des bénéfices d’entreprises en hausse [11].
[2] , « Initiative française du Forum Mondial Sciences et Démocratie (FMSD) », Inf’OGM, 23 janvier 2010
[3] Registration decision for commercial use of corn products containing the DvSnf7 dsRNA plant-incorporated protectant (Event MON87411). EPA, 8 june 2017. Disponible sur regulations.gov, document EPA-HQ-OPP-2014-0293-0407.
[4] , « Interférence ARN : 20 ans d’autorisations commerciales… sans évaluation », Inf’OGM, 25 février 2015
[5] MON89034 = Cry1A.105 et Cry2Ab2 ; TC1507 = Cry1F ; MON87411= EPSPS, DvSnf7 et Cry3Bb1 ; DAS- 59122-7 = Cry34/35Ab1
[6] voir la note 3
[8] – Maïs MON87427*MON89034*1507*MON87411*59122*DAS-40278-9, pour l’alimentation humaine et animale, l’importation et la transformation, par Dow AgroScience (Dossier NL-2017-145) ;
Maïs MON87427*MON89034*MIR162*MON87411, pour l’alimentation humaine et animale, l’importation et la transformation, par Monsanto (Dossier NL-2017-144) ;
Maïs MON87427*MON87460*MON89034*1507*MON87411*59122, pour l’alimentation humaine et animale, l’importation et la transformation, par Monsanto (Dossier NL-2017-139) ;
Maïs MON87411, pour l’alimentation humaine et animale, l’importation et la transformation, par Monsanto (Dossier NL-2017-124).
[9] , « Interférence ARN : 20 ans d’autorisations commerciales… sans évaluation », Inf’OGM, 25 février 2015
[11] « Monsanto : bénéfices en hausse au 3T« , Le Figaro.fr avec AFP, 28/06/2017.