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En 2025, toujours plus d’organisations opposées à la déréglementation des OGM

Par Antoine VEPIERRE

Publié le 06/03/2025

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En février 2025, deux tribunes opposées à la proposition de déréglementation d’OGM de la Commission européenne sont parues. Le 11 février 2025, plus de 200 organisations, parmi lesquelles des syndicats agricoles, ONG, petits et moyens sélectionneurs, acteurs des secteurs biologiques et non-OGM… publiaient une « déclaration commune sur la déréglementation des nouveaux OGM ». Le 21 février 2025, plus de 70 acteurs français du secteur bio mettaient en ligne une tribune collective dans Mediapart.

Coup sur coup, en février, sont parus deux positionnements collectifs s’opposant à la déréglementation des « nouveaux OGM ». Dans un premier temps, un important front commun de la société européenne appelle d’une même voix les institutions européennes à arrêter le dialogue des instances européennes sur une proposition de déréglementation des OGM initiée en 2023 par la Commission européenne. Dans un second temps, en amont du Salon de l’agriculture de Paris, 70 acteurs du secteur bio ont appelé professionnels, militants et scientifiques du secteur à échanger, coopérer, lutter et s’organiser « autour d’une politique ambitieuse qui associe tous les acteurs de la filière professionnelle » pour se « donner dès à présent les moyens de relever les défis alimentaires et environnementaux qui sont en jeu ».

Un important front commun de la société européenne

Le 11 février dernier, à l’initiative de Greenpeace, du Centro Internazionale Crocevia, de la Coordination européenne de la Via Campesina, d’IFOAM Organics Europe, de Nordic Maize Breeding et de Pollinis, plus de 200 organisations ont rendu public une « déclaration commune sur la déréglementation des nouveaux OGM » visant à « protéger l’activité des petits et moyens sélectionneurs, des agriculteurs et des secteurs biologiques et non OGM dans l’UE »i. Depuis juillet 2023, date de la publication de la proposition de déréglementation de nombreux OGM par la Commission européenne, aucune déclaration ou pétition n’avait jusqu’alors rassemblé autant d’organisations signataires. Ce document paraît alors que les présidences successives de l’UE (Espagneii, Belgiqueiii, Hongrieiv, Polognev) tentent « de conclure dans la précipitation un accord au sein du Conseil, ainsi que des négociations entre le Conseil et le Parlement », laissant de nombreuses questions problématiques en suspens.

S’appuyant sur un argumentaire détaillé, les organisations se disent préoccupées par « les risques potentiels des nouveaux OGM pour l’environnement et pour la santé humaine, ainsi que […] les brevets, [l’absence de publication] des méthodes d’identification et de détection, le prix des semences, la diversité des semences, la coexistence, les impacts socio-économiques négatifs et le risque d’un plus grand contrôle de la chaîne alimentaire par les grandes entreprises ». On le voit donc, les griefs à l’encontre de la proposition de la Commission européenne sont nombreux. Outre les risques environnementaux et l’absence de transparence pour les consommateurs, les signataires soulignent ce qu’ils estiment être les effets dangereux d’une déréglementation de nombreux OGM pour les les agriculteurs, les secteurs bio et sans-OGM et les petits et moyens sélectionneurs de l’Union européenne :

« 1. Les brevets sur le vivant conduisent à la biopiraterie.
2. Incertitude juridique accrue pour les sélectionneurs et les agriculteurs et risque accru de poursuites judiciaires à leur encontre, mettant leur activité en péril.
3. Menace sur la viabilité et l’existence des secteurs économiques biologiques et sans OGM.
4. Accroissement irréversible de la dépendance des agriculteurs à l’égard d’un petit nombre de semenciers et augmentation attendue de leurs coûts de production.
5. Réduction de la diversité des semences adaptées aux conditions locales et au changement climatique et risques pour la sécurité alimentaire.
6. Augmentation probable de la vulnérabilité de la chaîne alimentaire de l’UE. »

Face à ces inquiétudes, les plus de 200 organisations signataires appellent donc « les pays européens à protéger leurs agriculteurs et sélectionneurs, ainsi que les citoyens et l’environnement » en arrêtant « la déréglementation des nouvelles plantes génétiquement modifiées ».

En France, une tribune collective d’acteurs du secteur bio

Le 21 février dernier, à l’initiative de l’association Minga Faire ensemble, ce sont plus de 70 entreprises et organisations qui ont décidé, deux jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture, de publier la tribune « Produire dans le respect du vivant : un enjeu vital »vi. Avec cette tribune, les signataires tiennent à rappeler que « le fondement de l’agriculture biologique repose avant tout sur un engagement agricole selon lequel il est impossible de produire durablement une alimentation de qualité en maltraitant les écosystèmes ».

Puis, prenant acte de la réalité scientifique du changement climatique, les signataires se montrent intransigeants envers les climato-sceptiques et les techno-solutionnistes : « La guerre contre le vivant est perdue d’avance. Les cultures agricoles artificialisées et hors sol, les OGM, les nouvelles techniques génomiquesvii, la remise en cause du principe de précaution et la privatisation du vivant, toutes ces tentatives n’y changeront rien ». Et d’ajouter, à propos du contexte politique français des dernières semaines, que « la tentative de fermeture de l’Agence Bio, […] les attaques systématiques contre l’Office français de la biodiversité (OFB) […], la volonté du Sénat de réintroduire l’usage des néonicotinoïdes […] révèlent une politique irresponsable qui confond l’intérêt du plus fort avec l’intérêt général ».

Cependant, les structures signataires n’en sont pas moins autocritiques envers leurs propres lacunes, affirmant que « cette fuite en avant des tenants d’une agriculture productiviste est aussi l’aboutissement d’une trop longue période de dépolitisation du sujet de la bio par les acteurs eux-mêmes ». C’est pourquoi, elles concluent en insistant sur la nécessité de se mobiliser et de se donner « les moyens de relever les défis alimentaires et environnementaux qui sont en jeu […] autour d’une politique ambitieuse qui associe tous les acteurs de la filière professionnelle […]. Non plus seulement du « champ à l’assiette », mais de « la graine à l’assiette », depuis les artisans semenciers et les artisanes semencières qui sélectionnent les semences de demain en plein champ, des cultivateurs·trices et des éleveurs·ses, des chercheurs·ses, des enseignant·e·s, les agent·e·s des collectivités locales, en passant par les transformateurs·trices, les cuisiniers·ères, les distributeurs.trices jusqu’aux consommateurs·trices ».

Ces deux prises de position sont publiées alors que certaines des organisations signataires ont également lancé des pétitions appelant « la Commission européenne et les États membres de l’UE à adopter une position ferme contre toute tentative d’exclusion des nouveaux OGM de la législation européenne en vigueur sur les OGM »viii ou demandant au gouvernement français « d’adopter une position ferme lors des discussions à venir, contre toute tentative de soustraire les nouveaux OGM aux réglementations européennes existantes sur les OGM »ix. Ces mobilisation simultanées interviennent au moment où la Pologne a mis sur la table des États membres de l’Union européenne une proposition visant à « résoudre » les problèmes liés aux brevets, point de blocage des discussions sur la proposition de déréglementation des OGMx. De plus en plus d’organisations de la société civile européenne semblent bien décidées à maintenir la pression sur les instances nationales et européennes afin qu’elles abandonnent cette proposition de déréglementation des OGM.

i Greenpeace, Centro Internazionale Crocevia, ECVC, IFOAM Organics Europe, Nordic Maize Breeding et Pollinis, « Déclaration commune sur la déréglementation des nouveaux OGM – Protéger l’activité des petits et moyens sélectionneurs, des agriculteurs et des secteurs biologiques et non OGM dans l’UE », 11 février 2025.

ii Eric Meunier, « Le législateur est prié de ne pas trop discuter », Inf’OGM, le journal, n°175, avril/juin 2024.

iii Eric Meunier, « Les États membres bloquent la déréglementation des OGM », Inf’OGM, 8 février 2024.

iv Eric Meunier, « La Hongrie tente de faire bouger les États membres », 1er octobre 2024.

v Eric Meunier, « La proposition polonaise sur les brevets et les OGM plonge les États membres dans le doute », Inf’OGM, 28 janvier 2025.

vi Minga Faire ensemble, « Produire dans le respect du vivant : un enjeu vital », 21 février 2025.

vii Rappelons que les produits issus de ces « nouvelles techniques génomiques » sont considérés comme des OGM selon la loi européenne et sont donc encadrés par la Directive 2001/18.

viii Biodynamic Federation Demeter International, WeMove Europe, Friends of the Earth EUrope, ECVC, Slow Food Europe et CEO, « Maintenez le contrôle et l’étiquetage des aliments génétiquement modifiés ! ».

ix Pollinis, « Contre un monde génétiquement modifié, exigez du gouvernement qu’il dise non à la dérégulation des nouveaux OGM ».

x Eric Meunier, « La proposition polonaise sur les brevets et les OGM plonge les États membres dans le doute », Inf’OGM, 28 janvier 2025.

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