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Élections des Chambres d’agriculture : les syndicats et les OGM

Par Antoine VEPIERRE

Publié le 14/01/2025

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Les élections des Chambres d’agriculture se tiendront du 15 au 30 janvier 2025. Au cours de ces deux semaines, 2,2 millions de travailleurs du secteur agricole (chefs d’exploitation, salariés, propriétaires fonciers, coopératives, MSA et assureurs, Crédit Agricole, organisations syndicales…) seront appelés à élire 3 200 représentants. Ces derniers auront la responsabilité de représenter et de défendre les intérêts des acteurs du monde agricole. C’est à ce titre qu’Inf’OGM a décrypté les positions des principaux syndicats agricoles sur la proposition de déréglementation des OGM/NTG.

Les Chambres d’agriculture sont des assemblées professionnelles représentatives de la diversité du monde agricole. Elles ont notamment une fonction de représentation des intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Elles contribuent également à « l’amélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières et accompagnent, dans les territoires, la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création d’entreprises et le développement de l’emploi »i.

Du 15 au 30 janvier 2025 se dérouleront les élections des représentants du monde agricole au sein de ces assemblées pour un mandat de six ans. Dans un contexte où les chantiers législatifs concernant les OGM sont une actualité forte au niveau européen, Inf’OGM a souhaité faire le point sur les positions défendues par les cinq syndicats représentatifs des travailleurs du secteur agricole français.

Confédération paysanne (CP)

La Confédération paysanne est historiquement opposée aux OGM. Elle fait partie des neuf organisations plaignantes opposées au gouvernement sur certaines techniques de modification génétique par mutagénèse depuis 2015ii. Dans son programme, ce syndicat :

Dans une récente communicationiv faisant suite à un arrêt du Conseil d’État du 23 octobre 2024, la CP « se félicite » de la condamnation de « l’État pour son inaction concernant la traçabilité des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) », rappelant qu’elle exige « la traçabilité de l’usage des semences VRTH jusqu’à l’utilisation finale des cultures ». La CP réaffirme également son « opposition aux OGM, à toute forme de brevet sur le vivant ainsi qu’à toutes les actions induisant une réduction de la biodiversité cultivée ».

Au niveau européen, par le biais de la Coordination européenne de la Via Campesina (ECVC), la CP rappelle que « que tous les OGM, y compris ceux issus des nouvelles techniques de modification génétique, sont brevetés » et qu’« en cas de déréglementation des nouveaux OGM, [la] concentration [du marché semencier global] serait accrue à cause du modèle économique du brevet »v.

Coordination rurale (CR)

Sur son site Internet, la CR propose des « revendications » sur les OGM datant de 2016vi. Elle y « affirme que l’agriculture européenne a tout intérêt à se préserver des OGM, pour valoriser sa production auprès des consommateurs européens qui en majorité les refusent. La CR revendique logiquement l’interdiction de toute importation d’OGM (soja, maïs…) non autorisés à la culture en Europe. […]La CR plaide pour un étiquetage OGM obligatoire pour les aliments qui en contiennent ». C’est ce qu’elle a réaffirmé, le 20 novembre dernier, lors d’une mobilisation du syndicat devant l’entreprise Saipol (à laquelle Inf’OGM avait consacré une enquêtevii) sur le port de Rouen. Elle entendait y montrer « comment on fait entrer des OGM […] qui ont été traités avec du glyphosate pourtant interdit en France » et dénoncer « l’arrivée massive de colza et de canola étrangers, bourrés d’OGM, qui ne correspondent pas aux normes françaises »viii.

Point important, la CR fait une différence entre les OGM transgéniques et ceux issus de nouvelles techniques de modification génétique. Ce syndicat « rejette systématiquement toute variété issue d’une manipulation génétique ayant entraîné l’insertion d’un gène d’une espèce différente de celle à laquelle appartient cette variété [NDLR : transgénèse] ». Mais, « pour les manipulations aboutissant à insérer par différents moyens un ou des gènes provenant d’autres sujets de la même espèce de même que les manipulations pouvant réduire ou supprimer l’expression d’un gène résidant dans une plante, elle considère a priori qu’il ne s’agit pas d’OGM ». Une position qui va contre le droit européen actuel, mais qui fait écho à la proposition de déréglementation formulée par la Commission européenne en 2024 et en cours de discussion. La CR précise qu’« elle demande toutefois une procédure spécifique d’inscription avec un examen au cas par cas, y compris pour ce qui concerne les finalités (aspects économique, éthique et social) aboutissant à une inscription sans réserve, avec réserves et contraintes y afférant, ou à un refus d’inscription ».

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

Le 5 juillet 2023, jour de la publication de la proposition de déréglementation des OGM/NTG faite par la Commission européenne, la FNSEA, via un communiqué de presse du Collectif pour l’innovation variétale dont elle est membre, se félicitait « de cette première étape vers une réglementation européenne modernisée et adaptée pour l’utilisation de techniques prometteuses »ix. Selon ce même collectif, « l’adaptation du cadre réglementaire relatif aux OGM est donc indispensable pour prendre en compte le progrès scientifique et envisager le développement de ces variétés au niveau de l’Union européenne sans générer de distorsions de concurrence avec le reste de la planète ». Dans une tribune publiée en janvier 2024, le collectif précise que « la traçabilité liée à l’utilisation de ces techniques devra également être prise en compte, avec une mention dédiée au sein du catalogue d’inscription des variétés pour permettre aux agriculteurs de faire des choix éclairés »x.

Au niveau européen, par le biais de la Copa-Cogeca dont elle est membre, la FNSEA salue « le fait que la proposition de la Commission envisage des exemptions à la législation européenne sur les OGM pour certaines NBT spécifiques et pour les végétaux NTG de catégorie 1 ainsi que les produits qui en sont dérivés »xi. Avec ces positions, la FNSEA affiche clairement sa volonté de déréglementer les OGM en Europe, impliquant qu’ils ne soient plus évalués en termes de risque et qu’ils ne soient plus étiquetés pour les consommateurs (seuls les lots de semences le seraient).

Jeunes Agriculteurs (JA)

Les JA font également partie du Collectif pour l’innovation variétale et, à ce titre, tout comme la FNSEA, demandaient en 2019 à la France « de rejoindre l’initiative de plusieurs États membres en faveur d’une adaptation de la directive OGM »xii.

Les JA n’affichent pas de position sur les OGM sur leur site Internet. Cependant, lors de son élection en tant que président des JA, en 2022, Pierrick Horel a rappelé que, dans le cadre de son Rapport d’orientation 2022, le syndicat « s’est positionné favorablement à la révision de la réglementation européenne sur l’utilisation des NBT ainsi que sur un encadrement de leur utilisation. Il faut remettre la science au cœur du débat et fermer la porte aux anti-tout qui s’enferment dans des certitudes et nous empêchent d’avancer »xiii.

Le Rapport d’orientation 2024 fait même référence à l’« automatisation et [la] robotique », à « l’agriculture de précision », aux « biotechnologies » et à « l’intelligence artificielle »xiv. Pour les JA, « ces innovations redéfiniront les contours du métier agricole, l’organisation du travail, la taille des exploitations et les structures de production. Simultanément, par les gains de productivité qu’elles engendrent, elles renforceront la compétitivité dés exploitations ».

Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef)

Pour le Modef, qui s’exprimait en 2023 dans le journal L’Humanitéxv par la voix d’Olivier Morin, Secrétaire national, « jusqu’à maintenant, les modifications du génome ont toujours été classées OGM, ce qui entraînait un protocole d’étude important sur les risques et un encadrement strict de la législation ». Une situation qui sied au Modef, qui « a toujours soutenu cette position car il [lui] semble que les risques liés à l’utilisation des plantes OGM ont toujours largement dépassé les avantages ». De plus, au sujet des brevets attenant à ces OGM, le Modef défend « le droit des agriculteurs à réutiliser leur propre semence, il ne faudrait pas que l’arrivée des NTG mette en danger les semences de ferme d’une manière ou d’une autre ». A ce titre, « il [lui] semble exister des doutes raisonnables sur la proposition européenne sur les NTG ».

i Chambres d’agriculture, « Dossier de presse : élections 2025 – Chambres d’agriculture », octobre 2024.

ii Christophe Noisette, « Nouveaux OGM : chronologie des manquements de l’État français », Inf’OGM, 27 octobre 2022.

iii Confédération paysanne, « OGM: nos positions ».

iv Confédération paysanne, « Une victoire importante dans le combat contre les OGM cachés ! », 24 octobre 2024.

v ECVC, « Proposition de la Commission européenne sur les « nouveaux OGM » : Vers l’appropriation de toutes les semences par les brevets de quelques multinationales », 18 juillet 2023.

vi Coordination rurale, « OGM : la CR est pour le principe de précaution », août 2018.

vii Christophe Noisette, « Agrocarburants : des colzas transgéniques aux portes de Rouen », Inf’OGM, 2 mai 2022.

viii Fabien Massin, « Au port de Rouen, des agriculteurs dénoncent l’importation de colza « bourré d’OGM » », 76actu, 20 novembre 2024.

ix Collectif en faveur de l’innovation variétale, Communiqué de presse, « Les Nouvelles techniques d’amélioration des plantes (NGT) – Le Collectif en faveur de l’innovation variétale salue une première étape vers une réglementation européenne adaptée », 5 juillet 2023.

x Collectif en faveur de l’innovation variétale, « «Eurodéputés, donnez à notre agriculture les moyens de répondre aux défis de performance et de durabilité» – la tribune du Collectif en faveur de l’innovation variétale », L’Opinion, 22 janvier 2024.

xi Copa-Cogeca, « If the Commission believes in its own report on NGTs then it must act quickly on the subject, time is short! », 29 avril 2021.

xii « Des organisations agricoles veulent une révision de la directive OGM », EURACTIV France avec l’AFP, 11 septembre 2019.

xiii Jeunes Agriculteurs, Billet d’humeur du président, « Mes priorités pour la jeunesse agricole », 11 juillet 2022.

xiv Jeunes Agriculteurs, « Rapport d’orientation 2024 : Construire notre souveraineté, impulser les transitions », juin 2024.

xv Jérôme Skalski, « La dérégulation des « nouveaux OGM », une simple formalité ? », L’Humanité, 31 août 2023.

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