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Du maïs muté tolérant aux herbicides semé en Nouvelle-Calédonie
L’association STOP OGM Pacifique a révélé le 25 juillet 2016 qu’une variété de maïs muté rendue tolérante à un herbicide (VrTH) avait été semée sur quelque 300 hectares en Nouvelle-Calédonie. Elle demande un état des lieux précis de ces cultures, leur destruction et l’indemnisation des agriculteurs concernés.
STOP OGM Pacifique [1] a appris que des semences de maïs génétiquement muté pour tolérer un herbicide avaient été importées en Nouvelle-Calédonie, dans un document du Sénat français, « les comptes rendus de la délégation sénatoriale à l’Outre-mer », daté du 12 mai dernier [2]. Dans ce document, François Mademba-Sy, conseiller agriculture auprès du président du gouvernement calédonien, annonce avoir « assisté récemment à l’introduction de maïs issu de mutagénèse vendu par un fournisseur avec un herbicide interdisant toute utilisation d’autres plantes que celles de ce fournisseur ». L’association a donc mené une enquête pour en savoir plus et a découvert que les semences importées provenaient d’Australie et qu’elles avaient été « fournies par l’entreprise Pacific Seeds ». L’herbicide toléré par ce maïs n’est pas homologué en Nouvelle-Calédonie.
Suite à cette révélation, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a reconnu, le 26 juillet dans un communiqué de presse que « fin mars 2016, les services du gouvernement ont été alertés sur ce sujet. Après enquête, il a été constaté que lesdites semences n’étaient pas génétiquement modifiées conformément à la réglementation en vigueur en Nouvelle-Calédonie et en Union européenne ».
Le lendemain, la Province du Sud reconnaissait qu’une expérimentation avait été réalisée, en 2015, sur trois parcelles d’un hectare avec une variété de maïs tolérante à l’herbicide Lightning. Elle précise que cet herbicide a bénéficié d’une dérogation car il s’agissait d’une expérimentation, mais qu’il « s’est avéré si persistant que ces parcelles n’ont pas pu être remises en culture en 2016, et ne pourront probablement l’être qu’en 2018 ». Ce qui inquiète le plus les responsables de la Province, ce ne serait pas tant ces OGM que le fait que ces variétés constituent une porte d’entrée potentielle pour des pesticides agressifs, « qui n’ont probablement pas leur place en Nouvelle-Calédonie ». La Province a aussi précisé que « constatant qu’un autre importateur avait, par erreur, reçu cette variété de maïs VTH, la Province a aussitôt demandé à l’importateur concerné de faire venir en urgence des semences non VTH, conformes à la commande initiale ».
Interdire les plantes mutées ?
Les semences issues de la mutagenèse, considérées comme des OGM par la directive européenne 2001/18, sont pourtant exclues de son champ d’application. Ainsi, concrètement, ces maïs mutés, comme les colzas ou tournesols mutés qui poussent en France métropolitaine, sont autorisés… La Nouvelle-Calédonie et la France ont interdit uniquement les variétés de maïs génétiquement modifiées par transgenèse. Mais le gouvernement de Nouvelle-Calédonie reconnaît que « de nombreux scientifiques et professionnels considèrent ces variétés comme des OGM cachés ».
D’après le journal Les Nouvelles Calédoniennes [3], François Mademba-Sy leur aurait confié : « oui, il y a eu une introduction d’un maïs issu de la mutagénèse. On s’en est rendu compte a posteriori. La réglementation actuelle ne couvre pas ce genre d’OGM “caché”. Et nous sommes en train de travailler entre le gouvernement et les provinces pour réviser cet arrêté, pour qu’il intègre la mutagénèse et la culture maraîchère, qui en étaient jusqu’à maintenant exclues ». Cette interdiction serait alors une première mondiale.
STOP OGM Pacifique nous met en garde contre ce discours lénifiant de la Province. En effet, précise l’association, « il y a encore à peine dix jours, suite à nos nombreuses relances sur la réglementation OGM, la Province Sud nous répondait que les OGM ne sont pas de leur compétence… alors qu’ils sont en charge du code de l’environnement, et du développement durable. De même, récemment, une élue de l’opposition nous transmettait un document dans laquelle la Province Sud affirme qu’il est impossible de produire des semences de maïs localement [4]. Certes on soutien une telle proposition d’interdire tous les OGM, transgéniques ou mutés, mais on ne croit pas trop à leurs déclarations chocs. ».
En attendant une telle interdiction, qui ressemble plus à un vœu pieu, la province Sud affirme avoir contacté les agriculteurs concernés par ces semis et leur avoir proposé une substitution de semences avant plantation, substitution « acceptée par la plupart » d’entre eux. Cependant, précise le communiqué de presse de la Province, « malheureusement, plusieurs agriculteurs avaient déjà planté ces semences, ou ont jugé que cette substitution ne pouvait pas leur permettre de planter leur maïs dans les temps ».
Cette découverte tardive de la part des autorités laisse plutôt pantois. En effet Christopher Chambault, directeur commercial d’Hortical, qui sélectionne et distribue des semences en Calédonie, affirme qu’il a importé depuis des années de telles variétés tolérantes aux herbicides de façon légale, c’est-à-dire avec l’accord des services phytosanitaires.
Contacté par Inf’OGM, Stop OGM Pacifique nous confie alors : « Nous ne sommes pas dupes, ce n’est probablement que l’arbre qui cache la forêt. La plus grande opacité règne ici sur les institutions agricoles. Il n’y a aucune transparence sur la recherche publique ou les financements agricoles. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une version approximative, ni d’annonces et promesses politiques qui nous renvoient en fin d’année. Le maïs commence à fleurir… Nous souhaitons des mesures fortes et immédiates pour que le pollen muté n’aille pas contaminer un des berceaux de la biodiversité mondiale ».
Stop OGM Pacifique demande donc au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et aux provinces : un état des lieux précis des parcelles de culture de ce maïs génétiquement muté, une destruction des parcelles semées avant pollinisation et une indemnisation des agriculteurs concernés.
De nouvelles promesses…
Suite à ce scandale, le président du gouvernement calédonien, Philippe Germain, a, dans un communiqué de presse publié le 26 juillet, annoncé que « soucieux de préserver la santé des Calédoniens et notre patrimoine environnemental, le président du gouvernement a entrepris des consultations afin de faire évoluer la réglementation et de viser la stricte interdiction d’OGM sous toutes ses formes d’ici à la fin de l’année 2016 ».
[4] La note dit précisément : « La semence de maïs est impossible à produire localement. En effet, le maïs est une plante allogame, c’est-à-dire une plante dont la fécondation se fait par le pollen issu d’un autre individu. Ces fécondations croisées permettent de profiter d’un phénomène d’hétérosis pour produire des semences hybrides à 2 voies (à partir de 4 grands parentaux). On ne peut donc pas multiplier les semences achetées en replantant leur descendance car celle-ci donnera une population hétérogène ». Une argumentation qui laisse à désirer. N’ont-ils jamais entendu parler des semences populations, reproductibles et libres de droit de propriété intellectuelle ?