Commission européenne et multinationales : même combat pour les PGM ?
Nestlé demande à l’Union européenne d’assouplir ses règles sur les PGM pour lutter contre la hausse des prix alimentaires, rejointe en cela par le Président de la Commission européenne et le Premier Ministre britannique. De son côté, Bruxelles veut accepter en Europe les PGM non autorisées. Le tout sans explication quant aux impacts économiques des PGM. Le vieil argument de lutte contre la faim dans le monde grâce aux PGM revient sur la table des européens.
Etre plus souple avec les OGM…
Récemment, les propos du Président de Nestlé, Peter Brabeck, ne sont pas passés inaperçus : “On ne peut pas nourrir la planète sans les OGM”, les PGM étant le fruit d’“une des technologies les plus sûres que nous ayons jamais vues”. Nestlé appelle donc l’Union européenne à “assouplir ses règles sur les OGM, pour faire face à la montée des prix des matières premières agricoles”. Au sein des instances européennes, l’analyse semble proche puisque pour le Président de la Commission, J.M. Barroso, “les obstacles actuels aux produits GM pourraient conduire à des prix des aliments plus élevés en Europe qu’ailleurs dans le monde”. En attendant de savoir officiellement si, comme l’indique le journal The Independant, l’Europe envisage de revoir le système d’autorisation des PGM pour le rendre plus simple, on observe qu’elle travaille déjà à en faciliter le commerce : tolérance de PGM non autorisées et présentes dans l’alimentation animale, pour ne pas “freiner” l’approvisionnement de la filière d’élevage du bétail en Europe (cf. Inf’OGM n°93) et proposition d’invalider en tout ou partie, car non justifiés scientifiquement, les moratoires nationaux grec, hongrois, polonais et sûrement français sous peu (cf. Inf’OGM Actu n°12, Commission européenne : pour qui roule-t-elle ?). Pour le Premier Ministre britannique, Gordon Brown, favorable à cette approche scientifique, “l’attitude adoptée sur les PGM par les consommateurs dépendra des données scientifiques et médicales”, le gouvernement britannique entamant une réflexion sur le développement des cultures GM.
… va provoquer des conflits et augmenter les risques
Si elles ignorent les risques déjà démontrés liés aux PGM comme le rappellent les Amis de la Terre, ces prises de position laissent supposer que des données économiques les justifient. Or les études d’impacts socio-économiques ne sont pas légions (cf. Inf’OGM n°93). Et des instances internationales comme le Comité des Nations unies sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels estiment déjà que les PGM présentent plus de risques de dépendances aux multinationales qu’elles ne sont une solution contre la faim dans le monde.
Mais commercialement, le rejet européen des PGM a conduit à une impasse pour les producteurs de PGM qui voient se fermer les portes d’un des principaux importateurs. La crise que les riziculteurs états-uniens ont connue en 2006 et 2007 suite à une contamination par des riz GM LL l’illustre parfaitement. Il faut donc agir, et ce bien que les conséquences d’une ouverture plus large aux PGM soient déjà envisageables. Pour la tolérance de PGM non autorisées, Yves Bertheau expliquait dans nos colonnes (cf. Inf’OGM n°93, Commission européenne : pour qui roule-t-elle ?) qu’ “il faudra [entre autres] valider des méthodes quantitatives : une surcharge de travail qui risque de ralentir encore l’autorisation des PGM. Pour les opérateurs privés, on peut s’attendre à une aggravation des coûts d’analyses, des poursuites judiciaires en cas de retrait de produits par erreur, des conflits d’intérêt qui vont s’aggraver entre opérateurs des filières. Eco-nomiquement, l’ensemble des opérateurs risque donc d’être perdant à long terme, comme les consommateurs”.
Une ouverture du marché européen aux PGM, y compris celles non autorisées, permettrait donc une diminution des cas de refus d’importation de produits contaminés et une appropriation du marché alimentaire européen par les producteurs d’aliments GM notamment. Mais cela semble promettre également un alourdissement de la gestion des PGM par le système européen, à moins que la prochaine étape soit une simplification du processus de gestion de ces plantes.