n°175 – avril / juin 2024

Prochaine étape de la déréglementation : les MGM

Par Eric MEUNIER

Publié le 01/04/2024, modifié le 09/04/2024

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A l’instar des plantes modifiées génétiquement par de « nouvelles techniques », des bactéries, levures et autres virus génétiquement modifiés pourraient faire l’objet d’une proposition de déréglementation en vue d’être disséminés dans l’environnement sans aucun encadrement. Depuis quelques temps, le lobby industriel en ce sens se fait pressant. Les eurodéputés ont d’ailleurs formalisé une telle demande en février 2024.

La modification est passée assez inaperçue mais, le 7 février 2024, réuni en séance plénière à Strasbourg, le Parlement européen a voté un amendement important du texte présenté par la Commission européenne pour déréglementer les OGM. Les eurodéputés y écrivent que « les connaissances disponibles sur […] les micro-organismes, les champignons et les animaux, devraient être examinées aux fins de futures initiatives législatives les concernant ». Une demande confirmée plus loin dans le texte du Parlement quand il demande que « d’ici 2024, la Commission soumet[te] un rapport au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions un rapport évaluant les spécificités et les besoins d’autres secteurs non couverts par cette législation, tels que les micro-organismes, y compris une proposition pour d’autres actions politiques ».

Un lobbying de longue haleine

Mi-2022, la Commission européenne n’a pas encore rendue publique sa proposition de déréglementation des plantes OGM/NTG, ce qu’elle fera un an plus tard. Mais le sujet des micro-organismes OGM (MGM) arrive déjà sur son bureau par le biais de lettres et rendez-vous avec des acteurs souhaitant leur déréglementation. Dès juillet 2022, EuropaBio, une organisation européenne de lobbying historiquement active sur les végétaux OGM, ainsi que l’Association des fabricants et formulateurs de produits enzymatiques (Amfep) et l’Association européenne des producteurs et livreurs d’ingrédients et leurs mélanges en nutrition animale (Fefana), écrivaient à la Commission que toutes actions politiques sur les plantes OGM/NTG impacteraient également les micro-organismes.

En novembre 2022, un Forum européen des industries de biotechnologies, à Vilnius, concluait que « de nombreuses techniques d’ingénierie génétique […] sont déjà activement utilisées de manière confinée ». La déclaration finale contenait une demande au législateur européen d’adopter « une approche cohérente inter-secteur » et que « les connaissances sur les micro-organismes [soient] reconnues et prises en considération lorsque des actions politiques pour les plantes obtenues par des NTG sont développées ». Début 2023, EuropaBio rencontrait la Commission et l’informait avoir préparé un document résumant les connaissances actuelles sur la sécurité des MGM disséminés dans l’environnement, les évaluations des risques ayant été faites et des recommandations pour un encadrement réglementaire.

Pour la Commission, la porte est ouverte

A chaque fois, la Commission européenne s’est déclarée ouverte à des discussions quant aux problèmes réglementaires qui se poseraient pour les MGM. Elle informera d’ailleurs EuropaBio, début 2023, qu’un travail est en cours avec les États membres sur la mise en œuvre du règlement 1829/2003 dans des domaines spécifiques liés aux MGM. Deux comités d’experts européens travaillent également sur le sujet des MGM.

Les experts du Réseau Européen de Laboratoires sur les OGM (ENGL) ayant travaillé au rapport sur la détection des plantes OGM/NTG ont « modifié leur mandat pour y inclure les micro-organismes et animaux ». Ils sont « toujours en train d’évaluer si le rapport [sur les plantes] peut être étendu pour les couvrir également ».

De son côté, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a rendu à la Commission européenne son tour d’horizon des MGM destinés à être disséminés dans l’environnement. Si elle a péniblement trouvé des informations sur ces MGM et qu’elle ne finit par en lister que huit commercialisés, l’AESA affirme qu’une « adoption généralisée des NTGs pour produire des MGM à destination des secteurs alimentaires » serait en cours…

Une éventuelle proposition de déréglementation des MGM disséminés dans l’environnement est aujourd’hui du ressort de la Commission européenne. Les discussions concernant les plantes n’avançant pas et les élections européennes approchant, le calendrier est inconnu. Mais si les MGM devaient être déréglementés, nombreuses seront les questions soulevées, au premier rang desquelles l’absence d’évaluation des risques sur l’environnement.

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