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Autorisations de maïs OGM : le Gers jugé irrecevable

Par Pauline VERRIERE

Publié le 21/04/2011

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Le 11 avril dernier, le Tribunal [1] de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une ordonnance [2] dans laquelle il conclut à la non recevabilité du recours du Gers. En octobre 2010, ce département avait engagé plusieurs actions, dans le but d’obtenir l’annulation de six autorisations de mise sur le marché de variétés de maïs GM [3] données en juillet 2010 par la Commission européenne. Mais selon le Tribunal, le département du Gers ne réunit pas toutes les conditions nécessaires pour présenter une telle demande. Les arguments sur la légalité de ces autorisations n’ont donc pas été étudiés.

Dans cette affaire, le Gers, rejoint dans son recours par quatorze autres régions et départements français [4] et soutenu par quelques autres, s’opposait à la Commission européenne qui avait autorisé la mise sur le marché de cinq nouvelles variétés de maïs GM et le renouvellement d’une sixième. Le Gers demandait l’annulation de ces autorisations invoquant notamment les effets négatifs affectant ses efforts pour soutenir sur son territoire une agriculture biologique et de qualité. En réponse, la Commission européenne a notamment fait valoir devant le Tribunal, l’irrecevabilité de la demande du département.

Conformément à son Règlement de procédure, avant de considérer les arguments des uns et des autres, le Tribunal s’est penché sur cette question de recevabilité. Pour attaquer une décision, les « entités régionales ou locales » qui font la demande de l’annulation doivent remplir deux conditions simultanées : être directement et individuellement concernées par cette décision.

Le Tribunal rappelle que le caractère d’individualité est reconnu « si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait ». Or, les arguments présentés par le Gers ne permettent pas de l’individualiser par rapport à l’État français. La défense de l’intérêt général relève donc seulement de la compétence de l’État membre. On peut se demander cependant si l’intérêt général ne s’exprime pas dans le soutien manifesté par une large majorité des régions françaises.

Par ailleurs, l’autorisation attaquée ne concerne que la mise sur le marché de maïs GM et non une autorisation de culture. Pour le Tribunal, le risque de dissémination involontaire n’est donc pas avéré et ne serait de toute façon pas plus particulièrement dommageable pour le territoire de ce département, que pour l’ensemble de la France : le Tribunal ne reconnaît donc pas ici une spécificité locale. L’accent mis par le Gers sur le développement de l’agriculture biologique et la forte concentration agricole de son territoire ne sont pas pour le Tribunal de nature à l’individualiser.

Le Gers n’étant pas individuellement concerné par cette décision, le Tribunal ne prend pas la peine d’examiner la seconde condition, à savoir le caractère direct, et rejette son recours. Le fond de la demande du Gers, les arguments en faveur de l’annulation des autorisations, ne seront donc pas examinés par le Tribunal. A moins que… Car interrogé par Inf’OGM, le Gers souligne qu’il ne souhaite pas en rester là et envisage les différentes voies qui lui sont ouvertes. Si le département a deux mois pour faire appel de cette ordonnance devant la CJUE, il étudie diverses voies légales qui permettraient de saisir, en France, le Conseil d’État sur la légalité des autorisations. Devant cette instance, le Gers a en effet plus de chance d’être jugé recevable, sa spécificité agricole ayant déjà été reconnue. Dans un tel cas, le Conseil d’État devrait donc ensuite poser une question préjudicielle à la CJUE sur la légalité des six décisions de la Commission européenne. Et le fond de cette affaire pourrait alors être enfin examiné.

Cette ordonnance intervient dans un contexte chargé au niveau des actualités européennes. La Commission environnement du Parlement européen, concernant la modification de la directive 2001/18, s’est positionnée en faveur d’une plus grande place donnée aux collectivités locales et régionales dans l’interdiction des PGM autorisées au niveau européen. Mais cette modification concernerait les autorisations à la culture. La mise sur le marché resterait donc de la compétence européenne, parce que selon le Tribunal, elle n’aurait pas de répercutions locales. La demande du Gers concernant une annulation des autorisations, les conséquences étaient donc européennes. Or, en matière de culture, la modification de la directive 2001/18 porte sur la possibilité d’une interdiction nationale ou locale. On peut se demander si, une fois la directive modifiée, l’interdiction nationale ou locale pourra effectivement être mise en œuvre par les États membres après concertation avec leurs collectivités ou si toute tentative de leur part fera systématiquement l’objet d’un recours par la Commission européenne devant la CJUE.

[1Le Tribunal assiste la CJUE. Il intervient en première instance notamment dans les cas de recours directs des personnes physiques ou morales.

[2Ordonnance en instance de publication.

[3cf. Christophe NOISETTE, « FRANCE – Le Gers appelle les Régions à soutenir son recours contre les OGM », Inf’OGM, 20 décembre 2010.

Les maïs concernés sont : 1507×59122, 59122x1507xNK603 de Pioneer, Mon88017xMON810 et Mon89034xNK603 de Monsanto et Bt11xGA21 de Syngenta, ainsi que le maïs Bt11, de Syngenta, dont la Commission européenne avait autorisé le renouvellement.

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