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L’Office Européen des Brevets suspend la délivrance de brevets sur les produits issus de méthodes de sélection conventionnelle
Alors que l’Office Européen des Brevets (OEB) attribuait jusqu’à une douzaine de brevets, selon l’organisation de veille « No Patents on Seeds », sur les plantes et les animaux issus de méthodes de sélection conventionnelle au printemps dernier [1], il vient de suspendre cette envolée : son Président a annoncé « la suspension des procédures dont l’issue dépend entièrement de la décision de la Grande Chambre de recours et jusqu’à ce que celle-ci ait statué » [2].
Cette Grande Chambre de recours a en effet été mobilisée sur deux affaires : celle de la « tomate » (numéro de dossier G 2/12) et celle du « brocoli » (G 2/13) [3]. Elle doit, depuis un certain temps déjà, répondre à une question majeure, à savoir « déterminer si l’exclusion des procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux peut avoir une incidence sur l’admissibilité d’une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale ». En d’autres termes, si les procédés d’obtention de plantes ou d’animaux ne sont qu’essentiellement biologiques et donc non brevetables, les produits issus de ces procédés peuvent-ils, eux, être brevetés ? Tant qu’elle n’aura pas tranché, aucun nouveau brevet sur des produits issus de méthodes de sélection conventionnelle ne sera délivré. Demi-victoire donc.
La décision annoncée par le Président de l’OEB est jugée « importante » mais nécessiterait de devenir « permanente et exhaustive » estime la coalition « No Patent on seeds » [4]. Cette coalition est mobilisée depuis longtemps sur la question des brevets accordés sur des produits issus de procédés de sélection conventionnelle. Elle considère que ces brevets pourraient « encourager la concentration du marché, renforcer la dépendance des paysans et autres acteurs de la chaîne alimentaire à quelques multinationales et en dernier ressort donner moins de choix aux consommateurs ».
Les fortes mobilisations citoyennes des mois précédents pourraient être une des raisons de la dernière prise de position du Président [5], l’OEB cherchant a redorer son blason auprès de la société civile et plus encore l’année de son 40e anniversaire ! Mais y aurait-il d’autres motivations ? Les avancées et reculs en matière d’extension du droit des brevets ne résultent bien souvent que d’une guerre entre firmes. Et aujourd’hui, le développement des nouvelles techniques génétiques (OGM cachés) d’une part, et l’octroi de brevets sur des gènes « natifs » d’autre part, risquent de conduire à l’appropriation par une dizaine de multinationales de tous les caractères de toutes les ressources génétiques des plantes… avec à la clé un effondrement de tout le tissu semencier industriel mondial actuellement basé sur la mutualisation des ressources génétiques. A la clé aussi, de sérieux problèmes de sécurité alimentaire, donc de sécurité politique pour certains gouvernements. Les derniers évènements ne viennent que ralentir la course aux brevets et n’annoncent en rien la fin des brevets sur le vivant.
[2] http://www.epo.org/law-practice/legal-texts/official-journal/information-epo/archive/20131002_fr.html
[3] pour un rappel des faits http://www.infogm.org/spip.php?article4645
[5] cf. note 3