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« Seuls » trois OGM/NTG sont cultivés

Par Eric MEUNIER

Publié le 29/07/2025, modifié le 31/07/2025

    
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Au premier abord, le constat peut étonner. Seuls trois OGM obtenus par de nouvelles techniques génétiques seraient cultivés pour commercialiser leur récolte dans le monde. Les nombreuses promesses de leurs bienfaits pour la santé, l’environnement, la « compétitivité » ou encore l’argument d’un statut déréglementé déjà opérant dans de nombreux pays du monde laisseraient pourtant penser que ces produits « miracles » auraient été plus largement adoptés. Manifestement, tel n’est pas le cas.

Début juin, un rapport, publié par l’association allemande des industries sans OGM (ENGA), Non-GMO Projecti et Eva Gelinskyii, faisait la liste des OGM végétaux obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique (OGM/NTG) pour lesquels des cultures sont effectives avec commercialisation de la récolte. Il liste également les OGM/NTG non encore autorisés à la culture ou déjà autorisés, mais dont la récolte n’est pas commercialisée (en cours de développement), ainsi que ceux qui ont été retirés du marchéiii. Ce rapport montre, pour les auteurs, que « les nouveaux OGM sont souvent une promesse, mais pas une réalité commerciale ».

Trois « nouveaux OGM » cultivés commercialement dans le monde

Présenté comme une « vue concise des nouveaux OGM que [les opérateurs des filières alimentaires sans OGM] pourraient avoir à gérer aujourd’hui ou dans un futur proche », le rapport liste donc trois OGM végétaux, obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique, concernés par des cultures dont la récolte est effectivement commercialisée.

Parmi ces trois OGM/NTG, deux sont des variétés de maïs rendues tolérantes à des herbicides (VrTH) et produisant des insecticides. Obtenues via des protocoles complexes de modifications génétiquesiv utilisant notamment l’outil Crispr, ces deux variétés contiennent également des transgènes. Il s’agit des maïs DP915635 et DP910521 de l’entreprise Corteva, tous deux autorisés à l’importation à destination des filières alimentaires humaine et animale en Europe.

Listé dans le rapport, le troisième OGM/NTG se trouve au Japon. Il s’agit de la tomate modifiée génétiquement par l’entreprise Sanatech avec l’outil Crispr pour avoir un acide aminé, l’acide γ-aminobutyrique (dit GABA), produit à un taux plus élevév. Cette tomate n’est par contre pas autorisée à l’importation dans l’Union européenne, alors qu’elle aurait été vue en 2024 sur des étals de supermarchés au Japonvi.

49 « nouveaux OGM » en développement

Pour ce qui est des OGM issus de nouvelles techniques génétiques et en cours de développement, le rapport fournit une liste de 49 OGM/NTG appartenant à 20 espèces végétales différentes (voir tableau 1), en très grande majorité obtenus par des protocoles faisant notamment intervenir l’outil Crispr.

Selon les auteurs, ces OGM/NTG sont le fait d’une plus grande variété d’entreprises (voir tableau 2) par rapport à celles développant les OGM tels qu’on les connaît jusque aujourd’hui et qui sont le fait, en très grande majorité, de Corteva, Bayer, BASF et Syngenta. Si ces multinationales sont investies dans le développement d’OGM utilisant de nouvelles techniques de modification génétique, le rapport identifie également « de nombreuses autres entreprises et instituts publics ». Autre différence notable selon les auteurs, ces OGM/NTG seraient destinés à l’alimentation humaine, alors que jusqu’à présent, les OGM sont en très grande majorité destinés aux filières « de l’alimentation animale, des ingrédients pour aliments transformés, les agrocarburants ou le textile ». Surtout, les auteurs soulignent que si la contribution de ces OGM/NTG à la lutte contre le changement climatique est un argument massivement utilisé pour réclamer leur déréglementation en Europe, seuls 2 sur les 49 en développement revendiquent une caractéristique de tolérance à la sécheresse ou à la salinité.

Pour ce qui concerne les États-Unis, les auteurs du rapport soulignent que ce pays concentre 30 OGM/NTG sur les 49 identifiés. Si plusieurs ont d’ores et déjà obtenu une autorisation commerciale, aucune mise en culture avec commercialisation de la récolte n’est effective pour ces 30 OGM. Des OGM qui, d’ailleurs, « pourraient ne jamais arriver sur le marché » précise le rapport.

Des « nouveaux OGM » déjà retirés du marché

Comme l’indiquent les auteurs du rapport, il faut noter que « les deux premiers nouveaux OGM jamais introduits sur le marché [furent] des flops économiques ». Il s’agit d’un colza OGM de l’entreprise Cibusvii et d’un soja OGM de l’entreprise Calyxt. Outre ces échecs commerciaux, les auteurs rappellent que Calyxt a été rachetée par Cibus, qui fait elle-même l’objet de procédures en cours aux États-Unis pour « avoir trompé les investisseurs en survendant sa technologie ».

La conclusion tirée par les auteurs du rapport est assez simple et va en effet à l’encontre des impressions suggérées par la Commission européenne ou les multinationales pour obtenir la déréglementation des OGM/NTG. Pour eux, « les nouveaux OGM sont souvent une promesse, mais pas une réalité commerciale. Jusqu’à maintenant, pas une seule de ces plantes ne contribue à la durabilité (d’un système agricole). Le secteur alimentaire n’est en aucune façon face à un flot de nouveaux OGM mais seulement face à quelques plantes ».

Ce rapport devrait apporter un éclairage intéressant aux législateurs européens poussant la déréglementation urgente des « nouveaux OGM » au motif de leur indéniable contribution à la lutte contre le changement climatique, la perte de biodiversité, voire la perte de compétitivité face à des pays les ayant supposément adoptés.


PlantesNombre
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétiques et cultivés commercialementMaïs2
Tomate1
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétique en développement (non cultivés ou pas de commercialisation de la récolte)Maïs10
Soja9
Riz6
Blé3
Pomme de terre3
Cameline3
Canne à sucre2
Prêle2
Laitue2
Sorgho1
Luzerne1
Avocat1
Amande1
Banane1
Raisin1
Fraise1
Mûre1
Pastèque1
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétique retirés du marchéCanola1
Soja1
Tableau 1 : nombre de plantes en culture commerciale ou en développement, obtenues par de nouvelles techniques (synthèse par Inf’OGM de tableaux présentés dans le rapport).

EntreprisesNombre de dossier
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétiques et cultivés commercialementCorteva2
Sanatech1
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétique en développement (non cultivés ou pas de commercialisation de la récolte)Corteva5
Embrapa4
Inari3
Suzhou Qihe Biotechnology3
Green Venus3
Simplot3
Yield10 Bioscience3
GDM2
Cibus2
Bioheuris2
Pairwise2
Covercress2
Origin Agritech1
Weimi Biotechnology1
Amfora1
Shandong BellaGen Biotechnology1
KWS1
China Seed Group1
Insignium1
Biotechnology Company1
Indian Institute of Rice Research1
Indian Agricultural Research Institute1
Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria1
Calyxt1
Ohalo Genetics1
Tropic Bioscience1
Eto Life Sciences1
OGM obtenus par nouvelles techniques de modification génétique retirés du marchéCibus1
Calyxt1
Tableau 2 : entreprises impliquées dans la culture commerciale ou le développement d’OGM obtenus par de nouvelles techniques (synthèse par Inf’OGM de tableaux présentés dans le rapport).

i Le Non-GMO Project a été mis en place en 2007 aux États-Unis par deux supermarchés souhaitant s’organiser pour une filière sans OGM et informer les consommateurs via un étiquetage.

ii Eva Gelinsky est intervenue comme scientifique « free-lance ». Elle est par ailleurs co-coordinatrice de l’Initiative pour des semences et améliorations végétales sans OGM (Allemagne, Autriche et Suisse) et membre du Comité fédéral éthique sur les biotechnologies non humaines en Suisse.

iii Hans Eisenbeis, Eva Gelinsky et Heike Moldenhauer, « New GMOs Market Report », Édition 01, juin 2025.

iv Pour le maïs OGM DP915635, voir :
Eric Meunier, « Transgenèse, Crispr/Cas9, ARNi… package total pour deux maïs OGM ! », Inf’OGM, 29 octobre 2024.

v Christophe Noisette, « Japon : des nouveaux OGM débarquent dans les assiettes », Inf’OGM, 22 novembre 2021.

vi Testbiotech, « CRISPR tomatoes now on the shelves », 5 février 2024.

vii Eric Meunier, « Colza Cibus : une mutation aux origines mystérieuses », Inf’OGM, 29 septembre 2020.
Eric Meunier, « Canola OGM : le gouvernement canadien au secours de Cibus », Inf’OGM, 10 novembre 2020.

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