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FRANCE – Projet de loi – Le Sénat assouplit l’encadrement de la culture des PGM
Les 5, 6, et 7 février, les sénateurs examinaient le projet de loi sur les OGM. Pour la majorité UMP et la Commission des affaires économiques, ces trois jours ont été l’occasion d’amender le projet de loi dans un sens qui ne satisfait pas les organisations écologistes et certaines organisations professionnelles : Greenpeace qualifie de « sanglante” la reprise en main du dossier par le Sénat, la FNAB estime que le Sénat confond “intérêt des puissants et intérêt des générations futures”…
Les députés donneront leur avis sur ce texte début avril. En attendant, Inf’OGM analyse pour vous les principaux changements introduits dans ce projet de loi.
Haute autorité : moindre prise en compte de la société civile,
et nouveau comité de surveillance
Dans le projet de loi initial, la Haute autorité était composée de deux comités : le “comité scientifique” compétent à la fois dans le cadre de l’utilisation confinée et dans le cadre de la dissémination volontaire des PGM (culture en plein champ), et le “comité économique, éthique et social”, compétent pour rendre des avis uniquement sur la dissémination volontaire des PGM. Puis un “collège de la Haute autorité”, composé du président des deux comités et du président de la Haute autorité, devait, sur le fondement des avis des deux comités, rendre l’avis de la Haute autorité.
Rebaptisée “Haut conseil des biotechnologies” – le terme “autorité” induisait un réel pouvoir de décision alors que cette commission n’a qu’un pouvoir d’avis – cette commission a subi quelques changements notoires dans son mode de fonctionnement et ses compétences. Tout d’abord, le “comité économique, éthique et social” est rebaptisé “comité de la société civile”, et voit ses attributions revues à la baisse. Alors qu’il était prévu qu’il puisse donner des avis au même titre que le comité scientifique, il ne peut désormais que formuler des “recommandations”. Ces recommandations et l’avis du comité scientifique sont ensuite transmis au ministre compétent. Ces modifications caractérisent la volonté du Sénat d’amoindrir la portée des considérations économiques et sociales au sein de ce Haut conseil.
D’autre part, le Haut conseil n’est plus compétent pour élaborer les méthodes d’évaluation des risques environnementaux des PGM et ses modalité de saisine sont restreintes. En vertu du projet de loi initial, il pouvait en effet être saisi par “toute personne” (comme au temps de la CGB). Désormais, seules certaines associations (consommateurs, protection de l’environnement) et certains syndicats peuvent le saisir.
Enfin, les sénateurs ont placé la surveillance des PGM en dehors du champ de compétence du Haut conseil. Ils ont pour cela créé le “comité de surveillance biologique du territoire” qui vient remplacer le Comité de biovigilance. Ce dernier, créé en 1998, était l’organe officiel de surveillance des cultures transgéniques. Mais, faute du décret fixant son organisation et ses missions précises, il était toujours provisoire et ne remplissait pas les missions qui lui étaient confiées (cf. Inf’OGM n°84) Le Comité de surveillance biologique du territoire sera consulté sur les protocoles et méthodologies d’observation, et formulera des recommandations sur les orientations à donner à la biovigilance.
Les règles de coexistence : confusion avec le seuil d’étiquetage à 0,9%
Auparavant absent du projet de loi, le mot “coexistence” est désormais inscrit dans le titre du chapitre II du projet. Initialement restreintes à la mise en culture des PGM, les conditions techniques de la coexistence s’appliquent désormais également à la récolte, au stockage et au transport des PGM mis en culture. Outre cet aspect, le Sénat a considérablement assoupli les règles de coexistence. D’une part, les distances d’isolement seront définies par le ministre de l’Agriculture et uniquement par nature de culture. Les considérations climatiques et pédologiques ne figurent donc plus dans le projet. D’autre part, selon la rédaction initiale du projet de loi, les conditions techniques avaient pour objectif d’“éviter la présence accidentelle” de PGM dans d’autres productions. Désormais, l’objectif de ces règles est clairement revu à la baisse, surtout pour les distances qui “doivent permettre que la dissémination entre les cultures soit inférieure au seuil défini par la réglementation communautaire”. On voit bien là la volonté d’amalgamer le seuil de présence accidentelle et le seuil d’étiquetage des OGM (0,9%). Or le seuil d’étiquetage n’a aucune vocation à s’appliquer au seuil de présence fortuite d’OGM dans les produits… Un seuil de présence fortuite n’a jamais été défini par l’UE. La seule disposition communautaire sur ce point est l’article 26 bis de la directive 2001/18 qui permet à un Etat de prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle de PGM dans d’autres produits (0% donc). La formulation adoptée par le Sénat n’a donc pas de signification particulière et elle est source d’insécurité juridique.
Sur les règles de responsabilité, il semble que la réparation partielle du préjudice issu d’une contamination a satisfait les sénateurs. Pour rappel, la loi prévoit une responsabilité sans faute du seul cultivateur de PGM, pour une contamination d’une culture voisine supérieure à 0,9%. Le préjudice est basé sur la différence entre le prix de la culture non GM et le prix de la culture GM.
A noter, le registre parcellaire des cultures demeure public.