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Des vaccins jamais utilisés chez l’humain pour sortir de la COVID-19 ?

Par Annick Bossu

Publié le 10/12/2020

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La vaccination contre le SRAS-Cov-2, virus provoquant la maladie dite Covid-19, est présentée au grand public comme une solution à la pandémie, et elle se profile en France dans quelques semaines. Des vaccins inédits chez l’humain utilisant du matériel génétique du virus sont privilégiés pour leur rapidité de conception et de fabrication. Quels sont ces vaccins, comment sont-ils mis au point et existe-t-il des risques ?

L’immunisation contre les maladies est d’abord naturelle et de nombreuses manières de l’inciter existent depuis longtemps. On avait, entre autres, observé qu’une personne qui survit à une maladie infectieuse est le plus souvent épargnée lors des épidémies suivantes. Les méthodes empiriques de « variolisation« , c’est-à-dire d’infection plus ou moins contrôlée, ont évolué jusqu’aux systèmes de vaccination d’aujourd’hui.

En principe, la vaccination consiste à pré-exposer, avec une sécurité raisonnable, une personne ou un animal à une dose « inoffensive » d’un pathogène atténué (ou d’une souche moins virulente) ou encore à certaines parties du pathogène appelées antigènes. Dans les deux cas, le but est d’activer leur système immunitaire, ce qui aboutit à la production de certains anticorps [1] et à la prolifération de certains lymphocytes [2]. L’ensemble permettra, lors d’une infection ultérieure, la reconnaissance rapide du pathogène et sa neutralisation avant qu’il ne se multiplie et cause la maladie.

Le caractère immunogène d’une substance d’un corps étranger est sa propriété à induire une réponse du système immunitaire. Ce dernier a donc développé une capacité à distinguer, depuis l’état fœtal, le soi du non soi. Des molécules diverses du non soi susciteront donc une réaction immune [3].

Des vaccins basés sur l’ADN ou l’ARN …

Jusqu’à peu, la vaccination contre les virus consistait à injecter une forme atténuée du virus entier ou une forme inactivée. Depuis les années 90, plutôt que d’injecter un virus atténué ou inactivé, des molécules antigéniques du pathogène produites en milieu confiné par des micro-organismes génétiquement modifiés [4] peuvent être utilisées, normalement purifiées et stabilisées. Pour lutter contre le virus SARS-CoV-2, ces trois stratégies sont d’actualité avec les différents vaccins proposés comme le vaccin CoronaVac chinois à virus inactivé [5].

Habituellement, les vaccins demandent une dizaine d’années pour être élaborés et correctement testés. Ils nécessitent l’adjonction de nombreux stabilisants, antibiotiques… ainsi que d’adjuvants (sels d’aluminium en particulier) pour amplifier la réaction immunitaire (par développement de la réaction inflammatoire). Les essais cliniques visent à déterminer leur efficacité et leur innocuité. Car il faut pouvoir estimer leur capacité à réduire la propagation du pathogène et, à prévenir la maladie ou sinon, ses symptômes graves. Mais il faut aussi observer les réactions indésirables à court terme et la durée de protection face à une nouvelle infection, le tout sur des échantillons représentatifs de la population. Les études à long terme chez l’homme sont rarement, voire jamais, menées [6].

Ces dernières années, de nouvelles stratégies de vaccination ont vu le jour, avec des vaccins non plus à base de virus (atténué ou inactivé) ou de molécules antigéniques du pathogène, mais à base cette fois de matériel génétique codant ces molécules, un ADN ou un ARN messager (ARNm) [7] du pathogène. L’idée est de faire synthétiser in vivo, dans de nombreux types de cellules, la ou les protéine(s) immunogène(s). Si l’idée est née en 1989, aucun vaccin appartenant à cette catégorie n’a jamais été approuvé chez l’homme [8]. Ce sont ces vaccins à acides nucléiques que nous abordons ici.

… dont la « vectorisation » varie

Ce matériel génétique étranger doit pouvoir être introduit dans les cellules de l’organisme à vacciner. Pour cela, des « véhicules » appelés vecteurs sont utilisés, permettant à ce matériel génétique d’échapper au système immunitaire, tout en l’accompagnant de divers adjuvants amplifiant la réponse immune. Ces vecteurs doivent être acheminés dans des compartiments cellulaires différents : l’ADN du vaccin doit entrer et rester dans le noyau alors que l’ARN messager doit entrer dans le cytoplasme [9], où il réalise directement la synthèse des protéines.

Pour les vaccins à ADN, ces vecteurs, petites molécules d’ADN circulaire bactérien [10], appelées plasmides, sont insérés dans un complexe moléculaire artificiel résistant au système immunitaire [11]. Ces plasmides sont modifiés par insertion d’ADN viral codant pour la protéine antigénique choisie. L’ADN véhiculé dans le noyau peut s’intégrer à l’ADN de l’hôte et, voulues ou non, y induire des mutations. Il doit aussi être transcrit en ARNm qui doit migrer dans le cytoplasme pour être traduit en protéine antigénique. Les résultats prometteurs des vaccins à ADN obtenus chez les petits animaux n’ont en effet pas été reproduits chez l’homme [12]. Ces trois raisons font que les vaccins à ARNm sont dorénavant préférés.

Ces vaccins à ARN messager, prisés pour lutter contre le virus SRAS-CoV-2, sont véhiculés dans des vésicules ou nanoparticules lipidiques, dans lesquelles est emprisonné l’ARNm codant la protéine antigénique, qui est ici la protéine de surface du virus appelée Spike. En dotant ces vecteurs artificiels de certains motifs moléculaires, on peut cibler les cellules où le matériel génétique va entrer.

La vectorisation de l’ADN ou de l’ARNm, peut également recourir à des virus (généralement à ADN) génétiquement modifiés dits « désarmés » (ils ne peuvent plus se répliquer) : une partie de leur matériel génétique est remplacé par l’ADN ou l’ARNm codant pour la protéine immunogène. La capacité naturelle des virus à injecter le matériel génétique qu’ils contiennent dans la cellule hôte n’ayant pas été modifiée, celui-ci pourra y pénétrer.

Parmi les vaccins à ARNm contre la COVID-19 qui sont en phase III d’essais cliniques, celui de Pfizer BioNTech [13] qui a défrayé la chronique et celui de Moderna [14] qui le suit de près dans la course aux vaccins, sont tous deux des vaccins à ARNm à vecteur lipidique tandis que ceux testés par Astra Zeneca, Johnson & Johnson et Gamaléïa (Russie) sont à vecteur viral désarmé.

Ces vaccins à acides nucléiques sont GM

Pour les vaccins à ADN, en plus des séquences d’ADN viral codant la protéine antigénique est inséré dans les plasmides un puissant promoteur en contrôlant l’expression. Ainsi, l’ADN du vaccin est une construction génétique artificielle. De plus, les plasmides sont généralement contaminés par de l’ADN génomique de la bactérie d’origine.

Les vaccins à ARNm utilisent des molécules linéaires d’ARNm codant la protéine immunogène choisie. À leurs deux extrémités, sont ajoutées des séquences artificielles stabilisant la molécule et la protégeant de certaines enzymes cellulaires. Mais, que ce soit pour le vaccin de Pfizer ou celui de Moderna, la séquence d’intérêt codant la protéine immunogène (protéine Spike) a été intentionnellement modifiée, entre autres pour assurer un minimum la stabilité du vaccin [15]. Selon les cas, des adjuvants boostant l’immunogénicité peuvent avoir été ajoutés. Pour avoir suffisamment de molécules d’ARNm dans le vaccin, ces molécules sont produites à partir de plasmides bactériens modifiés dans des cellules animales cultivées in vitro (des contaminations par l’ADN de ces cellules animales sont possibles). Certains laboratoires comme celui de Pfizer parlent d’ARNm synthétiques [16].

Ces vaccins à ARNm sont donc aussi des constructions génétiques artificielles. Ainsi, l’élaboration des vaccins à acides nucléiques fait appel aux bio-nano-technologies, dont des techniques de modification génétique, et à la biologie de synthèse.

Mode d’action attendu des vaccins à ARNm

Une fois produit, le vaccin doit être injecté. Cette injection délivrera le vecteur chargé d’ARN viral génétiquement modifié dans les tissus localisés sous le site d’injection et si possible dans les ganglions lymphatiques, meilleurs inducteurs des réactions immunitaires. Certaines cellules de ces tissus ou du système immunitaire vont alors intégrer l’ARNm du virus et celui-ci sera traduit directement en protéine antigénique Spike dont une partie se retrouvera ensuite exposée à la surface de ces cellules. La présence de cet antigène à la surface d’une cellule devrait induire une réaction du système immunitaire et donc la production massive d’anticorps et de lymphocytes T spécifiques. Mais encore faut-il que la protéine antigénique synthétisée ait acquis la même conformation spatiale que la protéine virale !

De très nombreuses incertitudes

Trois qualités essentielles sont attendues d’un vaccin : son efficacité, son innocuité et sa durabilité. Vu la capacité de mutation des pathogènes et la réalité adaptative du système immunitaire, le temps de développement et d’évaluation des vaccins est nécessairement long. Pourtant, dans le cas de la pandémie de SARS-CoV-2, la réglementation européenne a été modifiée (réduction des évaluations des risques et procédure) sous couvert d’urgence, pour raccourcir ce temps de développement [17].

Mais, dans le cas de la Covid-19, l’acquisition de l’immunité vaccinale sera-t-elle durable ? Les lymphocytes qui « mettent en mémoire » les anticorps seront-ils mobilisés sur une durée suffisamment longue ? S’il faut se faire vacciner souvent, alors les médicaments sans trop d’effets secondaires ne suffiraient-ils pas ? Il existe de nombreux médicaments qui amenuisent ou stoppent les évolutions délétères de la Covid-19, en prévention ou dès ses premiers symptômes. D’autres, intégrant des recherches sur la biologie des cellules infectées, sont à l’étude [18].

Incertitude supplémentaire, la protéine antigénique choisie. Les vaccins contre le SRAS-CoV2 sont essentiellement construits autour de la protéine de surface Spike dont le gène peut muter : elle risque de ne plus être reconnue par les anticorps vaccinaux.

La protéine Spike du virus se lie à un récepteur appelé ACE pour pénétrer dans les cellules humaines. Une étude de novembre 2020 révèle que cette protéine se lie aussi avec un autre récepteur : la neuropiline [19], ce qui augmente l’infectiosité du SRAS-Cov-2. Pour être plus efficace, le vaccin devrait tenir compte de cette nouvelle donnée.

D’une manière plus générale, il faut rappeler que nous connaissons encore mal ce virus SARS-CoV-2. Ce n’est que ces dernières semaines qu’un nouveau gène, chevauchant un autre gène (phénomène fréquent et bien connu chez les virus à petit génome) a été identifié [20].

Enfin, ces vaccins génétiquement modifiés peuvent aussi agir sur l’expression des gènes avec des modifications épigénétiques des cellules humaines aux conséquences souvent inconnues.

Dans ces conditions, un vaccin réalisé « en un temps record » [21] sera-t-il sans innocuité et durable ? Ces vaccins seront-ils suffisamment efficaces pour réduire ou annuler la propagation du virus ? Les propos récents du gouvernement indiquent en tout cas que ces questions n’ont pas encore de réponse.

Les risques encourus

Comme tous les vaccins, ceux à acides nucléiques présentent des risques qu’il faut confronter aux avantages attendus. Par exemple, le risque d’apparition de virus recombinants – en fait recombinés – est réel quel que soit le vecteur, nanoparticule, plasmide ou virus désarmés GM. Les séquences virales d’ADN ou d’ARNm ont en effet une bonne propension à se recombiner avec d’autres virus, c’est-à-dire à échanger du matériel génétique, ce qui donne aux virus recombinés des potentialités nouvelles et dans un certain nombre de cas, ils peuvent être beaucoup plus virulents que l’original. Un phénomène proche s’est produit avec le virus H1N1 [22]. Rares dans la nature sauvage, puisqu’il faut deux virus différents infectant la même cellule, ces recombinaisons seront possibles dans les cellules humaines (ou animales) cibles de l’ADN ou de l’ARN vaccinal puisqu’il suffira qu’un seul autre virus ait infecté ces cellules. La vaccination prévue contre la COVID-19 étant de masse, cet événement pourrait affecter un grand nombre de personnes et ses conséquences seraient alors désastreuses pour certaines populations [23] qui par ailleurs ne seraient pas forcément touchées par la COVID-19 !

Nous avons vu que l’ADN d’un vaccin pouvait s’insérer dans l’ADN des cellules humaines. Il serait alors mutagène et possiblement génotoxique. Par contre le risque de transmission à la descendance, s’il ne peut être éliminé, apparaît actuellement faible car il nécessiterait une insertion dans les cellules germinales. Dans le cas d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19, il existe aussi un risque de génotoxicité si des cellules sont déjà infectées par un rétrovirus (qui possède une transcriptase inverse [24]) : l’ARNm du vaccin pourrait alors être rétro-transcrit en ADN viral qui pourra s’intégrer dans l’ADN humain.

Les modes de préparation des acides nucléiques vaccinaux ne les exemptent pas de contaminations d’ADN génomique bactérien et donc d’insertions et mutations dans l’ADN humain.

Ces vaccins peuvent par ailleurs développer contre les acides nucléiques des réactions de défense cellulaires qui pourraient engendrer parfois des réactions inflammatoires à l’origine de maladies auto-immunes.

Les virus « désarmés« , vecteurs d’ADN ou d’ARNm, sont déjà utilisés en thérapie génique, où de nombreux exemples montrent des réactions immunitaires et inflammatoires non intentionnelles parfois très graves, ainsi que pour tous les vaccins à vecteurs viraux.

L’intervention d’anticorps non neutralisants lors d’une infection ultérieure au vaccin n’est pas exclue. Ces anticorps peuvent faciliter l’entrée du virus dans certaines cellules. Ce phénomène a été documenté pour certains virus, il entraîne des pathologies sévères [25].

Toutes ces incertitudes et risques potentiels expliquent pourquoi le temps de mise au point d’un vaccin est de plusieurs années. Mais une telle évaluation des risques à moyen et long termes n’a de fait pas pu avoir lieu pour les vaccins candidats contre le SRAS-CoV-2.

Trop de connaissances font défaut concernant les interférences des systèmes immunitaire et inflammatoire avec les pathogènes et avec les chimères génétiques que sont ces nouveaux vaccins non encore sécurisés.

Les présupposés qui alimentent l’idée que le vaccin signe la fin de la pandémie sont toujours ceux d’une science toute puissante qui laisse croire à sa pleine maîtrise, ce qui est impossible dans le monde vivant. Ces présupposés sont les mêmes que ceux d’une économie de la promesse et de lendemains qui chanteraient.

Par contre, réduire la pandémie actuelle par des méthodes adéquates de prévention, de protection et de soins est encore possible pour certains. Sans oublier que pour éviter les pandémies futures, changer nos systèmes de production, préserver la diversité du vivant [26] et stopper les manipulations génétiques hasardeuses est encore une option jouable.

[1Les anticorps sont des molécules circulantes qui se fixent aux antigènes pour les neutraliser.

[2Les lymphocytes sont des leucocytes (globules blancs) effecteurs de la réponse immunitaire.

[3Il arrive, rarement, que des molécules du soi soient assimilées à des molécules du non soi, induisant alors des réactions auto-immunes.

[6COVID‑19 : Post‑lockdown guidelines, International Journal of Molecular Medicine 46 : 3-16, 2020

[7L’ARN messager est issu de la transcription (copie) de l’ADN dans le noyau et permet la synthèse des protéines dans le cytoplasme de la cellule.

[8Le Monde, 15 novembre 2020, p.8.

[9Le cytoplasme est la partie d’une cellule entre la membrane et le noyau.

[10À ne pas confondre avec l’ADN génomique du chromosome de la bactérie.

[12voir note 11.

[15La stabilité de ces vaccins requiert des températures de conservation très basses pour assurer la survie de l’ARNm.

[21Citation de la Haute Autorité de Santé.

[23voir note 4.

[24Enzyme qui permet la synthèse d’ADN à partir d’ARN messager et qui se trouve dans tous les rétrovirus comme le virus du SIDA (mais non dans le SRAS-Cov-2).

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