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La détection réglementaire des OGM : enfin en chantier

Par Eric MEUNIER

Publié le 04/11/2019

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Depuis février 2019, les experts européens de la détection et de la traçabilité des OGM ont initié une mise à jour de leur travail. Qu’il s’agisse des OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique, des animaux génétiquement modifiés ou des micro-organismes, tous sont au programme pour les mois à venir. Un travail indispensable qui a néanmoins tardé à venir, notamment du fait d’une opposition de la Commission européenne en 2017.

Tout OGM commercialisé ou en passe de l’être dans l’Union européenne doit être détectable, distinguable de tout autre organisme GM ou non GM et donc traçable. Pour les nouveaux OGM, certains acteurs estiment cette tâche impossible car les nouveaux OGM n’auraient aucune différence avec ce que la nature et les techniques « traditionnelles » de sélection peuvent faire. Mais, comme l’ont rappelé des organisations de la société civile aux États membres [1], une telle traçabilité est au contraire possible. À condition qu’une décision politique européenne de financer un travail de mise en place de protocoles réglementaires soit prise. Jusqu’à aujourd’hui, une telle décision n’existe pas. Mais les experts européens ont tout de même décidé d’avancer, parfois à la demande de la Commission qui se limite pour l’instant à demander des rapports plutôt que des lignes directrices (après s’être opposée à tout travail sur le sujet en 2017 [2]) !

La détection de nouveaux OGM à l’étude

En avril 2019, le comité d’experts européens en traçabilité des OGM (ENGL) rendait un rapport sur les OGM obtenus par des techniques de mutagénèse. Si certains ont lu dans ce rapport que les nouveaux OGM ne sont pas tous traçables, le rapport établissait en fait qu’ils ne le sont pas en utilisant les protocoles réglementaires « actuels » comme l’a rappelé l’ENGL [3], en sous-entendant donc qu’ils pourraient l’être avec d’autres protocoles à déterminer.

Deux mois avant la sortie de son rapport, en février 2019, l’ENGL discutait déjà non d’un rapport mais d’une éventuelle mise à jour de ses lignes directrices suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de juillet 2018 [4]. Interrogés sur la nécessité de réviser son document sur les méthodes de détection, les experts considéraient ce travail essentiel et actaient qu’un groupe de travail devait être monté. Un représentant de l’Italie suggérait même « d’explorer d’autres méthodes de détection disponibles sur le marché » en complément d’autres méthodes déjà évoquées dans la discussion comme la PCR numérique. La réunion se concluait donc sur la décision de faire circuler «  une invitation à rejoindre le groupe de travail et qu’une proposition de mandat pourrait être soumise au membre du comité de pilotage » de l’ENGL.

En juin 2019, cette fois deux mois après la sortie du rapport, les discussions reprenaient après que les États membres de l’Union européenne aient été informés de la création d’un groupe de travail de l’ENGL chargé « d’évaluer l’applicabilité du document existant sur les requis de performance des méthodes » de détection aux produits obtenus par les nouvelles techniques de mutagénèse [5]. Un cahier des charges a alors été annoncé comme étant en cours de construction et une première réunion physique de ce groupe de travail devrait avoir lieu en 2020.

Un nouveau mandat sur les animaux GM

Outre un travail sur les micro-organismes génétiquement modifiés (voir encadré ci-dessous), l’ENGL a également discuté en février 2019 d’une demande de rapport « sur la détection des aliments » issus d’animaux génétiquement modifiés, demande portée par la Commission européenne. Selon le compte-rendu de cette réunion [6], la réaction apparaît pour le moins étonnante. Les experts présents ont estimé « pertinent de se pencher sur ce sujet » tout en « reconnaissant leur manque d’expertise » dans le domaine des animaux GM. Une lacune qui pourrait être comblée en allant chercher « des experts extérieurs à l’ENGL ». Ce manque d’expertise n’est pas la seule difficulté soulignée pour ce rapport. Les participants à la réunion ont également souligné que le délai qui leur était imparti pour rendre ce rapport – non précisé dans le compte-rendu – rendait difficile l’étape de « collecte d’informations ».

L’Union européenne respecte-t-elle sa propre législation ?

Aussi bien le mandat sur la détection des animaux GM reçu de la Commission européenne que son acceptation en février 2019 par l’ENGL soulèvent une question. Depuis 2001 et l’adoption de la législation européenne sur les OGM, rien n’aurait donc été fait pour tracer les produits issus d’animaux génétiquement modifiés ? Pourtant, avec un cas comme le saumon transgénique d’AquaBounty, la possibilité d’avoir illégalement des produits issus d’animaux GM ne date pas d’hier. Dans le cas précis du saumon d’AquaBounty, la dernière mention d’un travail par l’Union européenne pour disposer d’une méthode permettant sa détection et traçabilité date d’octobre 2018. L’information alors communiquée à l’ENGL était que « la Commission européenne a invité AquaBounty a fournir du matériel de référence pour la détection de son saumon GM commercialisé mais aucune réponse ne fut reçue » [7]. Une absence de réponse qui interpelle mais qui n’est accompagnée d’aucun commentaire selon le compte-rendu de l’ENGL.

À ce jour, l’Union européenne n’a donc pas mis en place les protocoles réglementaires permettant de tracer sur son territoire tous les OGM. Il manque à l’appel les protocoles réglementaires pour les produits issus d’animaux génétiquement modifiés ainsi que pour les OGM obtenus par les nouvelles techniques de modification génétique, qu’elles soient de mutagénèse ou autre. Le travail en cours du côté du comité d’experts européens n’aboutira pas tout de suite, « le groupe de travail [devant encore] établir un calendrier réaliste sur base des informations existantes » comme nous l’a précisé l’ENGL. Un délai qui aurait pu être évité si, comme ce fut fait pour les OGM végétaux transgéniques, la Commission avait anticipé en finançant un programme plutôt que de s’y opposer en 2017.

Les micro-organismes également l’objet d’un rapport à venir

Les plantes ou les animaux ne sont pas les seuls organismes modifiables génétiquement par de nouvelles techniques. Les micro-organismes peuvent également l’être, comme ils le sont déjà par transgenèse. En juin 2019, la Commission européenne a adressé un mandat aux experts européens de l’ENGL pour qu’ils lui rendent un « rapport sur la détection des micro-organismes obtenus par édition de génome  » [8], selon l’expression qui n’a aucun fondement juridique mais mise à la mode pour ne pas parler de modification génétique.

Mais le travail est annoncé comme complexe. Pour certains, il s’agit « d’un domaine scientifique complètement nouveau  » et l’ENGL n’a pas les experts nécessaires en interne. Ils soulignent également que cela va nécessiter « une masse de travail considérable » qui ne saurait être réalisée en quelques mois seulement. Cette posture apparaît étonnante car elle sous-entend qu’il serait possible de modifier génétiquement des micro-organismes par d’autres techniques que la transgenèse mais que les détecter serait « un domaine scientifique complètement nouveau ».

Mais le point le plus frappant concerne les réflexions sur le cadre réglementaire. Certains participants à cette réunion de février 2019 ont suggéré que ces micro-organismes modifiés par de nouvelles techniques pourraient être considérés comme des produits ou des auxiliaires technologiques. Or précisent-ils, dans ce dernier cas, ils ne seraient pas soumis à la législation européenne sur les OGM. Seuls des cas de dissémination accidentelle dans un produit final obligeraient alors l’Union européenne à devoir les tracer. Une considération d’autant plus frappante qu’elle rejoint exactement ce qui s’est passé à l’automne 2018 avec des lots de vitamine B2 contaminés par la souche bactérienne transgénique ayant servi à la produire. Or, ces lots n’ayant pas été étiquetés comme produits par des OGM grâce à une ruse juridique qu’Inf’OGM a décryptée [9], il a fallu plusieurs mois avant de remettre la main sur les lots illégalement commercialisés dans l’Union européenne.

Un groupe de travail a néanmoins été créé en février 2019 par l’ENGL pour étudier la question en réponse à la demande de la Commission européenne. Un groupe dont les premiers pas s’annonçaient difficiles puisque quatre mois plus tard, en juin 2019, l’ENGL notait n’avoir reçu aucun retour des États membres sur son appel à experts pour participer à ce travail [10] !

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