n°144 - mars / avril 2017

Contre le glyphosate ? Signez par milliers !

Par Claire CHAUVET

Publié le 06/03/2017

Partager

Une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) pour dire stop au glyphosate vient de voir le jour en ce début d’année 2017. Mais qu’est ce qu’une ICE et comment la mobilisation citoyenne pourrait modifier la législation européenne en matière d’autorisation des pesticides ?

L’initiative citoyenne européenne est un outil de démocratie participative mis à disposition des citoyens européens qui souhaitent soumettre à la Commission européenne des propositions législatives. Les conditions ? Réunir en moins d’un an un minimum d’un million de signatures dans au moins un quart des États de l’Union européenne, en l’occurence sept actuellement.

Initiative Citoyenne Européenne : quézako ?

À cette règle de base s’ajoutent des contraintes de seuils pour chaque pays en fonction de sa population (55 500 signatures pour la France, 40 500 pour l’Espagne, etc.) et d’identification des signataires – via leur carte d’identité nationale – pour un certain nombre d’États (comme la France) [1]. Pour signer, vous devez par ailleurs avoir l’âge légal pour voter aux élections européennes (18 ans sauf pour l’Autriche dont l’âge légal de vote est de 16 ans). En cas de succès, l’exécutif européen est dans l’obligation d’étudier la proposition sans être contraint de la suivre. Si les propositions des citoyens ne sont pas suivies, la Commission est toutefois dans l’obligation de motiver sa décision.

Avant de démarrer une ICE, mieux vaut s’assurer auprès de la Commission de la recevabilité de celle-ci… afin d’éviter en bout de course un rejet comme cela a été la cas en 2014 pour l’ICE « STOP TTIP » qui a collecté plus de trois millions de signatures. Mais selon la Commission, la décision de négocier un accord transatlantique avec les États-Unis ne relevait pas seulement de sa responsabilité, mais aussi de celle du Conseil européen… l’initiative a donc été jugée irrecevable et donc rejetée. Si la Commission estime qu’elle entre dans son champ de compétences, elle enregistrera l’ICE.

Lancement de la campange à Bruxelles, Belgique
Lancement de la campange à Bruxelles, Belgique
Crédits : ICE Stop Glyphosate / Greenpeace

Une précédente Initiative citoyenne trop précoce


L’une des premières initiative citoyenne européenne a été lancée en 2010 par l’association Greenpeace. Elle appelait à un gel des autorisations de cultures génétiquement modifiées jusqu’à ce que l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux soit améliorée.

L’association se targuait d’avoir rempli tous les critères exigés, et même d’être allée au-delà : plus d’un million de signatures ont été recueillies en moins d’un an à partir de l’ensemble des 27 États alors membres de l’Union européenne, et les quotas par pays ont été largement atteints. Pourtant, l’initiative remise au commissaire européen chargé de la santé, John Dalli, n’a pas été jugée recevable par la Commission européenne : le Règlement de l’Union européenne précisant les règles de procédure relatives à l’ICE n’était pas encore entré en vigueur.

Un contexte favorable ?

C’est cette étape que vient de franchir en janvier 2017 un collectif d’ONG européennes qui lance l’ICE « Stop au glyphosate ». Comme son nom l’indique, elle demande à la Commission européenne d’interdire les herbicides à base de glyphosate, mais pas seulement…

Pour rappel, la procédure de demande de ré-autorisation de la commercialisation du glyphosate dans l’Union européenne a fait l’objet de multiples rebondissements en 2016. Initialement prévue pour quinze ans, la période de renouvellement avait été réduite à sept ans suite à une résolution du Parlement européen en avril 2016 dans un contexte de défiance : malgré les recommandations du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de classer le glyphosate « cancérogène probable », l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) rendait en mars 2016 sa copie avec tout au plus un « probablement pas cancérogène ». De quoi défrayer la chronique lorsque l’on sait que l’AESA a basé son rapport sur des données différentes de celles utilisées par le CIRC : l’agence de l’Union européenne (UE) a utilisé a contrario de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) les études fournies par les industriels eux-mêmes… Ces surprenantes divergences d’évaluation ne semblent pas avoir réussi à convaincre les États membres de l’UE : réuni le 6 juin 2016, le Comité permanent sur les plantes, les animaux, l’alimentation humaine et animale (CP PAFF) devait voter pour ou contre cette ré-autorisation pour sept ans, mais aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée en faveur ou en défaveur de la prolongation de l’autorisation. Rebelotte lors de la réunion du comité d’appel le 24 juin [2]. Dans ce cas de figure, c’est à la Commission de trancher : le 28 juin (en plein Brexit), elle annonce une prolongation provisoire de 18 mois supplémentaires, sursis de commercialisation donc porté à décembre 2017.

C’est pour ces raisons que l’ICE « Stop au glyphosate » demande également à la Commission européenne de modifier le Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) afin que l’évaluation scientifique des pesticides aux fins d’une approbation par les autorités de régulation de l’UE s’appuie uniquement sur des études ayant été publiées, commandées par les autorités publiques compétentes et non pas par l’industrie des pesticides. Mais aussi que ces études soient systématiquement rendues publiques, une obligation confirmée en novembre par la Cour de justice (UE) suite à des recours obtenus grâce à la pression de la société civile : la juridiction européenne a en effet jugé que le droit d’accès aux documents ayant une incidence sur l’environnement inclut l’information sur la nature et les effets des pesticides. Également, que la protection du secret industriel et commercial ne peut être opposée à la divulgation de telles informations.

Lancement de la campange à Madrid, Espagne
Lancement de la campange à Madrid, Espagne
Crédits : ICE Stop Glyphosate

La troisième demande de l’ICE, et non des moindres, est de proposer que soient fixés à l’échelle de l’UE des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides pour chaque État membre, en vue de parvenir à un avenir exempt de pesticides. L’interdiction du glyphosate, si elle aboutissait, ne réglerait en effet pas à elle seule la problématique de l’utilisation massive des pesticides en Europe où 480 molécules sont autorisées, d’autant plus que ce ne sont pas les « alternatives » au glyphosate qui manquent : dicamba, glufosinate ou 2,4-D par exemple.

Le compteur est lancé

Depuis le 8 février 2017, les citoyens européens peuvent signer l’ICE « Stop au glyphosate ». Porté au départ par une dizaine d’ONG européennes (Campact, Greenpeace, Pesticide Action Network, CEO…), piloté par l’ONG WeMove, le mouvement cherche à mobiliser les organisations (hors politiques) dans les États membres de l’UE : l’objectif est d’atteindre au plus vite le million de signatures valides afin de peser sur l’évaluation de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) prévue pour l’été. Le compte à rebours est en marche !

[1Il y a préalablement d’autres conditions à respecter pour que la Commission enregistre l’ICE, liées notamment aux organisateurs

Actualités
Faq
A lire également