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UE – Statut OGM des nouvelles techniques : la Commission décidera seule

Par Eric MEUNIER Nina Holland, CEO

Publié le 25/06/2015

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Crispr/Cas9, mutagénèse dirigée par oligonucléotides, nucléases à doigt de zinc… voici quelques noms de nouvelles techniques de biotechnologie (NBT), issues d’une liste plus longue, pour lesquelles l’Union européenne cherche à déterminer depuis 2008 si les produits obtenus via ces techniques sont soumis ou non à la législation sur les OGM. Après consultation d’experts scientifiques, de services juridiques et d’États membres, la Commission européenne a promis de produire un document de position avant la fin de l’année 2015. Mais si d’aucuns pensaient que ce document était voué à être soumis au Parlement européen et aux États membres, ils se trompaient, car, contrairement à ce qui avait été annoncé, la Commission ne les sollicitera pas…

L’année 2015 a démarré fort sur le sujet des nouvelles techniques de biotechnologies, ces OGM nouvelle génération qui pourraient bien ne pas être reconnus comme OGM. En janvier, dans une lettre adressée à la Commission européenne, un collectif d’associations et syndicats concluait dans une analyse commune que toutes les nouvelles techniques de biotechnologie doivent être considérées comme donnant des OGM, donc soumis aux requis de la législation européenne [1]. En avril 2015, une décision allemande dévoilait la stratégie de Cibus, laquelle démarchait depuis plusieurs années certains États membres pour obtenir que la mutagenèse dirigée par oligonucléotides soit nationalement reconnue comme ne donnant pas des OGM [2]. Et en avril toujours, on apprenait que le Haut Conseil des Biotechnologies entamait un travail sur le sujet des NBT [3]. Enfin, les entreprises se sont mobilisées depuis longtemps pour tenter de faire sortir ces biotechnologies de l’arsenal juridique des OGM, comme en témoigne un argumentaire rédigé en juillet 2014 [4].

La Commission européenne répond évasivement à José Bové

A l’instar de la société civile, l’eurodéputé José Bové, membre du groupe des Verts européens, considère que « les nouvelles techniques de biotechnologie doivent être considérées comme des techniques produisant des OGM ». En février 2015, il interrogeait donc la Commission européenne sur ses intentions réglementaires quant à ces NBT. En avril 2015 la Commission répondait évasivement : elle lui indiquait travailler à « déterminer si de nouvelles techniques de biotechnologie, applicables à la culture des végétaux, relèvent du champ d’application de la directive 2001/18/CE », et de préciser que « la décision d’inclure ou d’exclure une technique du champ d’application de la directive 2001/18/CE dépend de l’interprétation qui est faite de la définition d’un organisme génétiquement modifié et des conditions d’exemption prévues par la directive. Cette analyse est en cours et il n’est pas possible d’anticiper ses résultats » [5]. Une analyse qui, rappelons-le, a commencé fin 2007…

La Commission européenne décidera, seule, du statut des NBT

En mai 2012, Eric Poudelet, de la Commission européenne, expliquait : « [La classification des nouvelles techniques en OGM ou pas] est un sujet difficile qui préoccupe beaucoup la Commission mais les scientifiques ne sont pas toujours très d’accord […] ce sera aux États de prendre une décision » [6]. Il s’avère que depuis cette affirmation, la Commission européenne a changé son fusil d’épaule : interrogée en juin 2015 par l’association Corporate Europe Observatory (CEO), la Commission européenne a enfin été un peu plus précise quant à la procédure qu’elle souhaitait suivre. Selon les informations reçues, la Commission finalisera bien un document avant la fin 2015. Ce document, qui clarifiera l’interprétation que la Commission européenne fait de la définition d’un OGM selon la directive 2001/18 et donc visera à clarifier quelles techniques donnent des OGM ou non, pourrait consister en une simple communication ou une note de la Commission européenne, selon ses propres dires. Il ne s’agira donc pas d’une proposition réglementaire, ce qui l’aurait obligée à la soumettre aux discussions et aux votes du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Aucun vote ne sera donc requis, et une simple présentation aux États membres est prévue.

Si elle indique s’attendre à ce que les États membres suivent son analyse, la Commission européenne n’exclut néanmoins pas des divergences d’opinion (sur la seule mutagenèse dirigée, la République tchèque s’est déjà démarquée d’autres États membres en la considérant comme donnant des OGM [7]). Et de prévenir que dans de tels cas, c’est la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui sera amenée à trancher suite à une contestation en justice en fournissant sa propre interprétation du droit. Ce qui représenterait une fin du débat, les jugements de la CJUE s’imposant à tous.

Pour l’instant, la Commission européenne joue la carte de l’insécurité juridique. Si les vingt-huit États membres et la Commission européenne s’accordent pour considérer que les produits issus de telles nouvelles techniques tombent dans le champ d’application de la législation sur les OGM, il reviendra aux seules entreprises de contester éventuellement. Mais d’ici là, la gestion de ces produits sera claire : nécessité d’une autorisation après évaluation des risques, étiquetage, surveillance environnementale post-commercialisation… Par contre, si la Commission européenne devait considérer certains produits comme ne tombant pas dans le champ d’application, contrairement à l’avis de certains États membres (ou l’inverse), le plus grand flou règnera alors : quelle opinion primera légalement sur l’autre ? Qu’adviendra-t-il des produits ? Seront-ils commercialisés sans autorisation préalable, à charge pour les États membres souhaitant les considérer comme OGM d’imposer des restrictions commerciales ? Et les entreprises ? Et les citoyens désireux de savoir ce qu’ils cultivent, mangent, utilisent ? Autant de question qui amèneront aux fameuses procédure judiciaires auprès de la CJUE évoquées par la Commission européenne. Sauf si… sauf si le traité transatlantique actuellement en discussion (TTIP) venait imposer à tous un état de fait. Une hypothèse plausible au vu des discussions que des représentants de l’Union européenne ont déjà eu avec des représentants du gouvernement étasunien et des industries semencières sur le sujet… [8].

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