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UE – Moins d’essais en champs, mais avec des nouveaux OGM
Selon la base de données de l’Union européenne, seuls deux dossiers d’essais en champs d’OGM ont pour l’instant été notifiés en 2020. Ce nombre historiquement bas de dossiers notifiés confirme la tendance des dernières années avec une diminution régulière depuis 2010. Mais c’est surtout l’arrivée de quelques dossiers d’essais en champs de nouveaux OGM, dont la définition fut rappelée par la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2018, qui est à retenir. Inf’OGM présente ici une synthèse générale entre 2003 et 2020 par pays, plante et années des dossiers recensés dans la base de données européenne.
Les OGM mis en culture à des fins autres que commerciales doivent faire l’objet d’autorisation. La législation européenne parle de « dissémination volontaire d’OGM à toute autre fin que leur mise sur le marché » [1]. Conduits par des entreprises ou instituts de recherche pour étudier le comportement des OGM destinés à être commercialisés, ces essais permettent aussi de collecter des données qui serviront pour constituer le dossier de demande d’autorisation commerciale. Ils peuvent également être conduits pour étudier les valeurs agronomiques, technologiques et, en France, environnementales (VATE), indispensables pour pouvoir inscrire les variétés au catalogue.
Dans l’Union européenne, les États sont en charge d’autoriser les essais en champ réalisés sur leur territoire. Tous les dossiers déposés dans les États font l’objet d’une notification à l’Union européenne. Ces notifications sont listées sur le site Internet que nous avons utilisé pour cette synthèse [2]. Les données accessibles aujourd’hui concernent les dossiers déposés entre les années 2003 et 2020 inclue. Pour la période allant de 1991 à 2003, les informations ne sont plus accessibles. Mais, en 2014, Inf’OGM avait dressé un bilan allant de 1991 à juin 2012 que nous rappelons dans l’encadré ci-dessous. Un bilan dont les grandes lignes ont peu changé.
Espagne et maïs, une domination sans partage
Entre le 1er janvier 2003 et le 27 mai 2020, 880 dossiers d’essais en champs ont été notifiés à l’Union européenne. Sur ces dix-sept dernières années, 2006 et 2009 sont les deux seules années à dépasser les cent dossiers notifiés à l’Union européenne (voir graphique 1). À partir de 2010, leur nombre a diminué régulièrement pour atteindre une dizaine de dossiers par an à partir de 2014.
Géographiquement, dix-neuf pays [3], dont le Royaume-Uni, toujours comptabilisé, et l’Islande, bien que non membre de l’Union européenne, se sont répartis les dossiers d’essais (voir graphique 2). Dix États membres n’ont quant à eux notifié aucun dossier d’essai en champs sur les dix-sept années passées [4].
Parmi ceux qui ont notifié des essais, l’Espagne domine plus que largement avec près de la moitié des dossiers notifiés, 401 précisément. Puis viennent la France, l’Allemagne, la Suède et la Roumanie avec moins de quatre-vingts dossiers. Les quatorze pays restants ont notifié de leur côté moins de cinquante dossiers par pays.
Cette domination est également observée dans la répartition des dossiers par plante (voir graphique 3). Les 880 dossiers notifiés concernent 36 plantes différentes, avec 476 dossiers pour le seul maïs. Viennent ensuite la pomme de terre et le coton avec respectivement 110 et 60 dossiers. Les autres 33 plantes ont quant à elles fait l’objet de moins de 50 dossiers, 25 ayant même un maximum de dix dossiers à leur compteur. Le soja, une des principales plantes génétiquement modifiées cultivées commercialement dans le monde, comptabilise 19 dossiers. D’autres plantes comme tomate, concombre, chicorée, chou, fraisier, aubergine… ont fait l’objet d’un ou deux dossiers maximum depuis 2003.
Sept dossiers d’essais de nouveaux OGM
Le 25 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne rappelait aux instances que seuls les OGM obtenus par des techniques de mutagénèse déjà utilisées dans diverses applications et ayant un historique d’utilisation sans risque pouvaient être exemptés des requis de la législation. Cette décision a eu un impact direct en France où le gouvernement, sur injonction du Conseil d’État, a identifié 103 variétés dont la commercialisation ne devrait plus être autorisée à partir de cet automne [5].
Pour ce qui est des essais en champs, cette décision de la CJUE a également un impact légal puisque les essais d’OGM obtenus par toutes techniques n’ayant pas d’historique d’utilisation doivent dorénavant être notifiés officiellement et surtout, mis en œuvre dans les champs de manière encadré pour éviter toute dissémination hors essai. C’est ainsi que sur les dix-sept dossiers notifiés après la décision de la CJUE du 25 juillet 2018, sept concernent des nouveaux OGM (voir tableau ci-dessous). Suède, Espagne, Royaume-Uni et Belgique ont ainsi reçu des demandes pour implanter des essais de maïs, pomme de terre, tabac, cameline ou autre chou modifiés en insérant ou enlevant quelques briques de leur génome. Des modifications génétiques opérées in vitro en utilisant notamment la protéine Crispr/Cas9.
Tableau : les dossiers d’essais de nouveaux OGM depuis le 25 juillet 2018
Modification | Protocole | Plante | Phénotype | Organisme | Pays | Date | Référence |
Insertion Mutation | Crispr/Cas9 | Maïs | Plus grande feuilles et détection erreur de réparation | VIB | Belgique | Avril – oct 2018 | B/BE/ 18/V8 |
Insertion Mutation | Crispr/Cas9 | Maïs | détection erreur de réparation | VIB | Belgique | Avril – oct 2019 | B/BE/ 19/V1 |
Insertion Mutation Délétion | Crispr/Cas9 | Chou | Modification métabolique | John Innes Center | Royaume-Uni | Avril – déc 2019 | B/GB/19/ 52/01 |
Insertion Délétion | Crispr/Cas9 | Cameline | Modification métabolique | Rothamsted Research | Royaume-Uni | Mai 2019 – oct 2023 | B/GB/19/ R08/01 |
Mutation | Cas9 | Pomme de terre | Modification métabolique | Lyckeby Starch AB | Suède | Avril 2019 – nov 2023 | B/SE/ 19/5614 |
Insertion Délétion | Crispr/Cas9 | Tabac | Floraison modifiée | Agencia Estatal Consejo Superior de Investigaciones Cientificas | Espagne | Mars – oct 2020 | B/ES/ 20/01 |
Insertion Délétion | Crispr/Cas9 | Pomme de terre | Résistance pathogène | Swedish University of Agricultural Sciences SLU | Suède | Avril 2020 – déc 2024 | B/SE/ 20/1726 |
Bilan des essais en champs de 1991 à 2012, fait par Inf’OGM en 2014
Entre 1991 et juin 2012, ce sont 2 589 demandes d’autorisations d’essais en champs qui ont été déposées. Ces demandes concernent 85 plantes différentes, mais quatre plantes dominent largement : le maïs représente 36% des demandes déposées, le colza 15%, la pomme de terre 12% et la betterave 11%. Ces quatre plantes cumulent à elles seules 74% des demandes déposées depuis 1991.
Sur cette période (1991 – 2012), deux pays dominent largement. Ainsi, l’Espagne et la France se sont partagés, à eux deux, la moitié des demandes d’essais en champs avec respectivement 23% et 22% des dossiers déposés. Viennent ensuite l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Suède qui se sont partagés 44% des dossiers déposés. Tous les pays de l’UE (28 États) – à l’exception de la Croatie – plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège (soit trente pays au total), ont, selon la Commission européenne, reçu des demandes d’autorisations d’essai en champ.
Leader dans les années 90, la France n’accueille plus d’essais.
Entre les années 1991 et 2013 incluses, 593 demandes d’autorisations d’essais en champs ont été déposées en France. Sur la période 1991 – 2012, 48% des demandes déposées concernaient des essais en champs de maïs, 20% du colza, 11% des betteraves et 7% du tabac. Le reste des demandes concernaient des plantes telles que le soja, le coton, la laitue, le peuplier, la pomme de terre… Enfin, ces demandes ont été déposées principalement par Limagrain (et filiales), Monsanto, l’Inra et Pioneer qui totalisaient près de 40% des demandes.
[1] Directive 2001/18, partie B.
[3] Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Islande (hors Union-européenne mais membre de l’espace économique européen), Italie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède.
[4] Autriche, Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Grèce, Lettonie, Luxembourg, Malte, Slovénie.
[5] , « France – Des OGM autorisés… bientôt interdits », Inf’OGM, 26 mai 2020