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UE – Les scientifiques sont formels : la coexistence GM et non GM n’est guère possible en Europe

Par Christophe NOISETTE

Publié le 05/06/2009, modifié le 27/02/2025

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Co-Extra est un programme de recherche européen [1] sur la coexistence des plantes GM et non GM. Il a débuté en avril 2005 et finira en septembre 2009. Du 3 au 5 juin, à Paris, a eu lieu le colloque de restitution des résultats de ce programme de travail. Le 5 juin était une journée ouverte au public, organisée au Sénat, selon la volonté d’Yves Bertheau, coordinateur du projet, pour qui il est important de débattre, ouvertement et publiquement, de ce programme qui a coûté la somme de 22 millions d’euros (dont 13 venaient de la Commission).

Co-Extra a apporté beaucoup d’éléments intéressants. Ainsi, l’importance de la pureté des semences a été rappelée à plusieurs reprises : « La pureté des semences est de la plus grande importance pour assurer la coexistence au champ » (cf. rapport page 7). Or, actuellement, il n’existe pas de législation européenne sur le taux de pureté des semences vis-à-vis des OGM. Co-Extra considère donc qu’il faut rapidement résoudre la question du seuil de présence fortuite de semences GM dans les lots de semences conventionnelles. Co-Extra va plus loin et insiste sur « le droit de l’agriculteur à employer des « semences de ferme », sachant que ces semences risquent de présenter un niveau croissant d’OGM non désirés ». Cette phrase, bien que contradictoire à première vue, signifie qu’il s’agit d’une exigence qu’il faudra surveiller de près, pour que ce droit reste possible.

A propos des distances d’isolement, (p.9), le rapport précise « au seuil contractuel pratique employé par les opérateurs, et au vu des techniques et systèmes d’information disponibles, la coexistence en Europe, où la taille des champs est en moyenne relativement faible, ne serait possible qu’en employant de grandes distances d’isolement (avec un système d’information des agriculteurs performant) ou dans des zones dédiées de production, que celles-ci soient OGM ou non OGM. Les techniques de bioconfinement pourraient constituer un outil efficace pour accroître la « biosécurité » des plantes transgéniques et pour réduire les distances d’isolement. Cependant, dans les cas où la diffusion de pollen doit être totalement évitée (par exemple pour des OGM cultivés à des fins non alimentaires), l’empilement de méthodes de bioconfinement avec d’autres méthodes sera nécessaire pour éliminer les risques résiduels de pollinisation croisée ». En résumé, pour Co-Extra, garantir une étanchéité des filières au champ est extrêmement difficile et demande de mobiliser des moyens importants, tant techniques que politiques. Et cela sera d’autant plus difficile, note le rapport, avec l’apparition des OGM à gènes empilés : « Le nombre d’événements de transformation et la structure d’empilement des gènes des champs d’émission de pollen de maïs affectent la capacité d’un producteur de maïs non OGM à se conformer avec une teneur donnée d’OGM ». Ensuite, le rapport rappelle que dans l’Union européenne, les assurances refusent de couvrir les risques de contaminations par des OGM. Par contre, Bernard Koch (juriste autrichien présent lors du colloque public), a indiqué que de tels produits assurantiels existaient aux Etats-Unis.

Gérer la coexistence au niveau global de la filière

Tout ceci concerne la gestion de la coexistence au champ, laquelle est globalement et régulièrement mise en exergue. Or, une des conclusions importantes du rapport est que justement, « les stratégies de coexistence doivent dorénavant être considérées au travers de la globalité des filières et plus seulement du seul point de vue de la coexistence aux champs … » (pages 22 et 23). Cela implique une gestion de la coexistence plus stricte. En effet, d’après les recherches menées par les scientifiques de Co-Extra, pour espérer garantir un seuil de 0,9%, seuil lié à l’étiquetage de la présence des OGM dans l’alimentation, il est nécessaire, dans la pratique, d’employer un seuil bien inférieur au seuil d’étiquetage. Le seuil généralement utilisé est celui de 0,1%. Ceci démontre donc non seulement que ce seuil est réaliste, mais surtout que le seuil d’étiquetage ne peut pas être utilisé pour la coexistence au champ, sous peine de voir alors de nombreux produits déclassés. Or, le coût nécessaire pour garantir ce seuil là, Co-Extra le dit clairement, doit être plus justement réparti : « … Co-Extra considère important … d’assurer une meilleure répartition des coûts de ségrégation dans les filières en affirmant un principe essentiel : ceux introduisant une nouvelle technologie doivent prendre en charge les coûts de ségrégation, du champ au consommateur (théorie des troubles de voisinage) … » (pp. 22 et 23). D’autant que si on prend en compte l’ensemble des points où la coexistence doit être surveillée, alors au final, « l’ensemble des coûts additionnels de coexistence et ségrégation de produits, pour certains systèmes, pourrait atteindre jusqu’à 13% de l’ensemble du chiffre d’affaires à l’arrivée aux portes des sociétés de production d’huile de colza ou des industries de transformation en amidon de blé et de maïs… ». La question des coûts a une autre implication que le rapport souligne précisément : « Il paraît difficile de mettre en pratique une coexistence entre produits OGM et non OGM dans les mêmes filières quand la pression OGM est forte. Elle est seulement viable d’un point de vue économique s’il existe une différentiation de prix entre les deux types de produits sur le marché. Ce n’est pas toujours le cas, et en conséquence certains opérateurs ont donc cessé d’opérer une ségrégation entre les aliments OGM et non OGM à destination des animaux (parce que les produits dérivés d’animaux nourris aux OGM ne sont pas actuellement affichés comme tels et donc non valorisables) ». Et plus loin, toujours sur ce thème : « La coexistence des filières OGM et non OGM n’est possible que si tous les opérateurs peuvent valoriser leur production. Ceci est particulièrement vrai pour les produits dérivés des animaux qui ne sont pas étiquetés, que l’animal ait été nourri ou non avec des produits OGM ». La définition du « sans OGM » et la valorisation de ces produits devront être traitées au cours de l’année par le Haut conseil aux biotechnologies. Espérons qu’il suivra les recommandations de ce programme de travail qui pose les bonnes questions. Sans attendre cette définition, de plus en plus de labels ou marques privés s’engagent dans des démarches volontaires pour exclure les OGM de l’alimentation du bétail [2].

Des réactions contrastées

Les recommandations de Co-Extra ont été, dans l’ensemble, bien accueillies par les associations écologistes. Interrogée par Inf’OGM, Rachel Dujardin, de Greenpeace, précise que « les résultats de ce programme montrent qu’on ne peut plus faire du « sans OGM » dans une région qui cultive des OGM. La loi française, par exemple, garantit le respect des productions sans OGM, ce qui voudrait dire qu’il faut interdire la culture d’OGM partout où il y a des productions qui veulent les exclure ». En revanche, du côté des partisans des OGM, le son de cloche est tout autre. Le 4 juin 2009, Orama [3] qualifie le confinement des cultures OGM dans des zones dédiées, de « scenario inacceptable, contradictoire avec la liberté de produire avec ou sans OGM affirmée par la loi votée en France en mai 2009. […] Le principe d’un zonage tel que celui préconisé par Co-Extra apparaît donc totalement injustifié. Pire, il accentuerait la situation de distorsion de concurrence dans laquelle se trouvent déjà les agriculteurs français et européens. […] Toute décision visant à limiter le développement des OGM en Europe constitue une aubaine pour nos compétiteurs des pays tiers. Le Brésil et l’Argentine – dont des experts participent à l’étude Co-Extra – auraient en effet tout intérêt à ce que l’Europe renonce à la culture des OGM. Ils auraient alors la place libre pour approvisionner les consommateurs européens en denrées alimentaires OGM ». En effet, précise l’AGPB, « Aucune difficulté ne s’est révélée sur les 22 000 ha de maïs Bt cultivés en France en 2007 ». On pourrait leur répondre que ces 22 000 hectares représentaient une part infime de la maïsiculture française, que les suivis de biovigilance, incomplets, n’ont jamais été publiés et que les contaminations au niveau mondial ne sont plus à prouver : difficultés de la filière colza au Canada, difficultés de la filière maïs en Espagne, etc.

[1programme du FP6 (contrat 007158) de la priorité 5 (sûreté et qualité alimentaires), rapport de synthèse : « Résumé des principaux résultats de Co-Extra », Yves Bertheau, Inra Versailles, France

http://www.inra.fr/content/download…

[3Orama est une structure qui fédère l’Association Générale des Producteurs de Blé (AGPB), l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP).

Ce communiqué de presse a été repris sur plusieurs sites, dont celui de Maiz’Europe, le lobby de la maïsiculture intensive en Europe : http://www.maizeurop.com/communique…

Contact ORAMA : Anne KETTANEH – tél : 01 44 31 10 96 et 06 83 22 05 01

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