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Qui a mangé l’agnelle OGM de l’INRA ?
Mardi 23 juin, dans un communiqué de presse, l’Inra annonce qu’ « une agnelle née d’une brebis génétiquement modifiée dans le cadre d’un programme de recherche médicale a été vendue à un particulier francilien en octobre 2014. Bien que cet ovin ne présente aucun risque pour l’Homme ou l’environnement, l’Institut vient d’informer le parquet de Meaux de cette infraction au code de l’environnement ». C’est au centre de Jouy-en-Josas, dans les Yvelines, que cette brebis avait été génétiquement modifiée pour qu’elle exprime la protéine de la fluorescence verte (GFP). La GFP est issue de la méduse (Aequorea victoria), et, selon l’Inra, « cette protéine ne présente aucune toxicité [et d’ailleurs] l’agnelle commercialisée n’exprimait pas cette protéine » [1]. La GFP est utilisée depuis presque 20 ans dans le cadre de programmes de recherche. Il s’agit d’un biomarqueur qui permet de suivre la réalité d’une modification génétique.
A l’Inra de Jouy-en-Josas, cela fait plusieurs décennies que les chercheurs utilisent la GFP comme marqueur dans le cadre de programmes de recherche. C’est ainsi que Louis-Marie Houdebine avait mis au point un lapin fluorescent qu’un artiste, Eduardo Kac, avait médiatisé [2].
D’après un rapport daté d’avril 2015, il existerait « des tensions et dysfonctionnements au sein de la structure où était gardée l’agnelle, ainsi que des comportements individuels incompatibles avec les missions relevant du service public de la recherche ». En effet, toujours selon l’Inra, un employé aurait dissimulé cette infraction à sa hiérarchie. Dès que l’Inra a eu connaissance de cet incident, « des mesures ont été rapidement prises (suspension de toutes les ventes de bétail, suspension conservatoire de l’agent ayant dissimulé la mise sur le marché, arrêt des expérimentations et destruction de tous les matériels génétiquement modifiés sur le site de l’Unité concernée) ». Le rapport a été transmis à la justice et est confidentiel. Cependant, Jean-François Launay nous précise que les manquements qui ont été mis en exergue par la Commission d’enquête « n’étaient pas de nature à provoquer du risque ». L’incident semble donc plus que vraisemblablement lié à un conflit inter-personnel et à un concours de circonstance particulier. Ainsi, le jour où l’agnelle est partie à l’abattoir, un seul agent était présent (son collègue était en « récup ») et l’agent animalier soupçonné ne pouvait pas ne pas avoir remarqué la présence de Rubis dans le lot : il ne s’agit pas de la même race, elle n’a pas la même laine, elle est plus petite… Il s’agit d’une situation tout à fait inédite », nous précise-t-il. Jusqu’à présent, l’agent animalier a toujours nié, mais tout pousse à croire qu’il s’agit d’une « malveillance ».
Des cochons transgéniques ont déjà été mangés sans autorisation
S’agit-il d’un cas isolé ? S’agit-il d’un acte malveillant ? Ou ces « dysfonctionnements » – pour reprendre les termes de la communication de l’Inra – surviennent-ils de temps en temps mais sont rarement rendus publics ? Une chose est sûre : aucune mesure ne pourra jamais empêcher de tels incidents. Peu importe au final qu’il s’agisse d’un acte délibéré ou non, l’homme n’est pas infaillible. La banalisation et la multiplication de telles expériences peuvent faire craindre une augmentation de ces « erreurs ». Selon le « Registre des contaminations », un site internet mis en place par deux ONG environnementalistes, Greenpeace et Genewatch, neuf cas de contaminations par des animaux ont été recensés. Cela concernait un poisson transgénique retrouvé en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni [3], en Nouvelle-Zélande, au Japon en 2006 et 2007. Ce poisson, nommé Coral Pink Danio, ressemble aux poissons Glofish [4], de la famille des Zebra Danios, modifiés génétiquement pour être fluorescents, inventés par l’Université de Singapour et vendus aux États-Unis par Yorktown Technologies.
Les autres cas concernent des cochons transgéniques. Ainsi, au Canada, en 2002 onze cochonnets « enviropig » de l’Université de Guelph, morts à la naissance ou peu de temps après, ont été transformés en aliment pour bétail, contaminant ainsi 675 tonnes d’aliments. En 2004, ce sont trois cochons modifiés par l’entreprise québécoise TGN Biotech qui se retrouvent accidentellement dans de l’aliment pour poulets… Aux États-Unis, en 2001, le cochon transgénique s’était retrouvé transformé et vendu sous forme de saucisses [5], et en 2003, ce sont 386 cochons issus de cochons transgéniques qui se sont retrouvés dans la chaîne alimentaire alors qu’ils auraient dû être incinérés.
Ces incidents restent donc encore peu répandus, du fait d’un faible nombre d’animaux transgéniques autorisés commercialement. Au niveau international, seuls deux poissons GM fluos destinés aux aquariums et un moustique GM peuvent être légalement commercialisés, en dehors des programmes de recherche. Le premier usage des animaux transgéniques reste donc la production de connaissance, ou la production de molécules thérapeutiques ou industrielles. D’après le Daily Mail, en 2007, 3,2 millions d’expériences ont eu lieu sur des animaux transgéniques, une augmentation de 6% par rapport à 2006. Ces projets sont menés en milieu confiné. Mais cochons, vaches, chèvres, poulets… et également des millions de rats de labo : il aurait été bien surprenant que ces animaux ne se retrouvent pas un jour ou l’autre dans la nature…
[1] Jean-François Launay, de l’Inra, nous explique en effet que cette agnelle était porteuse de la modification génétique – détectée par PCR sanguine – mais qu’elle ne codait pas pour la protéine. Le test de la lumière noire était négatif.
[2] ,
, « Art et biotechnologie : faut-il limiter la création artistique ? », Inf’OGM, 20 août 2014
[3] , « ROYAUME-UNI – Un poisson sans papier », Inf’OGM, 17 mai 2007
[4] , « Commercialisation d’un poisson transgénique », Inf’OGM, 2 février 2004
[5] , « ETATS-UNIS – Des cochons transgéniques égarés », Inf’OGM, février 2003