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OGM – L’Argentine autorise une pomme de terre transgénique
Le virus Y de la pomme de terre cause des ravages dans le monde en entier : baisses de rendements, nécroses rendant impropres à la vente ces tubercules… En Argentine, une pomme de terre transgénique conçue pour y résister (mais pour combien de temps ?) vient d’être autorisée à la vente. Détails sur cette nouvelle fuite en avant technologique.
Le ministère de l’Agroalimentaire argentin a autorisé, en août 2018, la commercialisation des plants et des produits et sous-produits dérivés de la pomme de terre transgénique TIC-AR233-5 [1] [2]. Cette pomme de terre a été génétiquement modifiée pour résister au virus Y de la pomme de terre (Potato virus Y, PVY), le deuxième virus le plus néfaste après le virus de l’enroulement de la pomme de terre (Potato leafroll virus, PLRV). Ce virus est transmis par au moins 70 espèces de pucerons selon un mode non-persistant [3]. Le virus Y infecte de nombreuses plantes, appartenant notamment à la famille des Solanacées (tomate, poivron, piment, etc.). Ce virus est aussi transmis via les machines et les outils.
Mise au point par les chercheurs de l’Institut de recherche en génie génétique, qui dépend du Conseil national de la recherche scientifique et technique (Conicete) [4], cette pomme de terre sera commercialisée par l’entreprise Tecnoplant (du groupe Sidus) qui a acquis la licence d’exploitation.
Cette pomme de terre transgénique est la première autorisée en Argentine. Cependant, au niveau mondial, si on se réfère à la base de données mise en place par l’industrie [5], il y a 48 pommes de terre transgéniques autorisées. Les premières pommes de terre transgéniques sont apparues en 1995 et avaient été conçues par NatureMark, mais en 2001, elles étaient retirées du marché. Plus récemment, c’est l’entreprise J.R. Simplot qui a repris le flambeau. Trois variétés – Russet Burbank, Ranger Russet et Atlantic [6] [7] – de la pomme de terre Innate génétiquement modifiées pour ne pas brunir ou avec un taux d’acrylamide réduit ont été cultivées aux États-Unis et au Canada.
L’Argentine va-t-elle assouplir sa réglementation ?
L’autorisation de cette pomme de terre génétiquement modifiée (GM) a été l’occasion pour le ministre argentin à l’alimentation et à la bioéconomie de souligner le dynamisme de la recherche en biotechnologie dans le pays, et le besoin « d’optimiser » (c’est-à-dire d’assouplir) les processus réglementaires. D’autres plantes transgéniques – coton, soja, maïs – attendent le feu vert et le ministre espère que ces innovations « seront le moteur de notre bioéconomie ». En août 2018, en même temps que cette pomme de terre, un maïs tolérant au glyphosate et présentant une stérilité mâle a été autorisé.
Mais une autre culture transgénique, le blé résistant à la sécheresse, n’a pas le vent en poupe. Une des instances en charge de donner son avis sur cette autorisation, le Secrétariat des marchés, n’a pas donné un avis positif, contrairement aux deux autres (Conadia, Senasa).
Pourtant, on connaît des alternatives aux OGM…
Les OGM sont présentés comme une alternative aux pesticides. L’entreprise Seminis explique sur son site [8] qu’il « est très difficile de contrôler les populations de pucerons avec des traitements chimiques, et cette approche offre un contrôle limité. Sur les plantes adultes, il est difficile de parvenir à une couverture totale des feuilles par l’insecticide pour éliminer efficacement tous les pucerons ».
La stratégie développée semble, à l’instar des pulvérisations de pesticides, vouée à l’échec, car le virus s’adaptera. Une pomme de terre transgénique ne permet pas de penser la question dans sa globalité, dans son écologie. Par ailleurs, quelle que soit la stratégie de lutte, toutes les monocultures, en déséquilibrant le système écologique, favorisent les attaques de maladies et ravageurs. L’agroécologie, qui prône entre autres les associations de cultures, l’a compris depuis longtemps. Certains chercheurs et paysans s’intéressent donc à la lutte intégrée pour tenter de diminuer le pouvoir de nuisance de ce virus.
Le chercheur Yattara, dans une thèse consacrée aux interactions pucerons – virus dans les cultures de pomme de terre [9] considère trois alternatives : la mise en place « de diffuseurs de substances informatives répulsives, notamment phéromonaux [10] pour éviter les infestations de pucerons dans les parcelles », la mise en place de cultures intercalaires qui émettent des substances allélochimiques ou jouent un rôle de plantes tampons, et l’utilisation de substances compétitrices des virus, telles que les lectines. Et à propos des lectines, l’auteur souligne que « les premières barrières rencontrées par les insectes sont en général les plantes autour des cultures principales. Il peut donc être envisagé de border ces cultures par une largeur de plantes, produisant naturellement des lectines, comme les Fabaceae (Van Damme et al., 1997), ce qui pourrait logiquement amoindrir les dégâts causés et les potentialités de transmission des virus par les pucerons ».
[3] « Mode non persistant : se dit de la transmission d’un virus qui est retenu au niveau des pièces buccales de son vecteur quand ce dernier se nourrit sur une plante infectée, puis est inoculé dans une autre plante à l’occasion d’une autre piqûre, sans jamais effectuer de passage à l’intérieur du puceron. Le vecteur est immédiatement infectieux après acquisition, mais le reste peu de temps ». https://www6.inra.fr/encyclopedie-pucerons/Glossaire/Mode-non-persistant
[4] Instituto de Investigaciones en Ingeniería Genética y Biotecnología, qui dépend du Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas.
[5] Potato (Solanum tuberosum L.) GM Events (48 Events)
[6] USDA deregulates two more Innate varieties
The Packer, November 07, 2016
[7] , « États-Unis – Frites OGM : un plus pour la santé ? », Inf’OGM, 24 novembre 2014
[9] Almouner ag Alhamis Yattara (2013). Étude des relations pucerons-virus en pomme de terre et perspectives de stratégies alternatives de lutte (Thèse de doctorat). Gembloux, Belgique, Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, 114 p.
[10] « Les propriétés des molécules sémiochimiques comme l’(E)-β-farnesene (EBF) ont été utilisées pour mettre en œuvre des techniques visant à repousser les ravageurs et attirer les insectes bénéfiques (Xiangyu et al., 2002 ; Cui et al., 2012 ; Zhou et al., 2013) ». Source : Yattara, 2013