De meilleurs rendements agricoles avec les PGM ?
La question des rendements est pour le moins délicate : de nombreux facteurs influencent la productivité agricole. Les semences sont un des facteurs, mais les conditions pédo-climatiques, les traitements utilisés, etc. jouent aussi énormément sur les rendements. Aucune étude pluriannuelle n’a, à ce jour, démontré de manière univoque de meilleurs rendements avec les plantes génétiquement modifiées (PGM). D’autre part, le rendement par hectare seul ne permet pas de faire un bilan économique précis d’une pratique agricole. Là encore, le prix des semences, des traitements, des salaires, le poids des subventions (directes ou indirectes) et le prix de vente de la récolte sont des éléments indispensables pour avoir une idée de l’intérêt économique de telle ou telle activité. Enfin les choix économique ne sont pas toujours rationnels et peuvent être influencé par la l’environnement socio-culturel. Ainsi, nous pourrions arrêter à ce niveau notre réflexion et conclure avec Alain Weil, chercheur au Cirad, favorable à l’utilisation des PGM (sous certaines conditions) : « La seule conclusion [quant aux rendements stricto sensu], pour l’instant, c’est qu’il n’existe pas de conclusion claire, et encore moins de conclusion qui soit extrapolable » [1].
Les PGM actuelles n’ont pas été inventées pour améliorer les rendements
L’objectif principal de la première génération de plantes génétiquement modifiées, celles qui tolèrent un herbicide (cf Qu’est-ce qu’une plante tolérant un herbicide (Roundup Ready ou autre) ?) ou produisent un insecticide (cf. Qu’est-ce qu’une plante Bt ?), était de simplifier les pratiques culturales des agriculteurs. En effet, si une plante tolère un herbicide, l’agriculteur peut plus facilement lutter contre les adventices, sans craindre de détruire sa récolte. De même, avec les variétés Bt, l’agriculteur voit son travail simplifié car la plante transgénique produit son propre insecticide : certaines pulvérisations d’insecticides ne sont donc plus utiles. L’agriculteur étasunien augmente donc son gain en essence, et dégage du temps, ce qui lui permet soit d’augmenter la taille de son exploitation, soit de postuler à un deuxième emploi. Quant au gain en argent sonnant et trébuchant, il tend progressivement à disparaître du fait des semences transgéniques de plus en plus chères, d’autant plus chères que les résistances (adventices ou insectes parasites) (cf. Qu’est-ce que « l’acquisition de résistances » ?) se développent, obligeant l’agriculteur à se procurer les dernières semences proposées par l’industrie qui « règlent » provisoirement ces résistances…
Coton, maïs et soja : la culture des PGM n’a pas augmenté la moyenne des rendements
Aux États-Unis, premier pays producteur de plantes transgéniques, depuis 1999, le rendement du soja n’a pas évolué, oscillant entre 2,42 (en 2003) et 3,17 tonnes / hectares en 2009 en fonction des aléas climatiques. Or, entre 2000 et 2011 (dernière année que nous avons pris en compte), la part du soja GM dans les cultures de soja est passé de 54% à 94%. Ajoutons que depuis 1999, le prix des semences de soja a augmenté régulièrement, passant de 47,57 dollars / hectares en 1999 à 146,66 dollars / hectares en 2011. Malgré une absence d’augmentation notoire des rendements, malgré des semences de plus en plus chères, malgré une augmentation des dépenses par les agriculteurs étasuniens en engrais et en énergie, l’American Soybean Association, une association professionnelle,souligne que le revenu final des cultivateurs de soja a, lui, toujours augmenté. Ce paradoxe s’explique par un prix du soja en perpétuel augmentation, passant de 163 dollars / ha à la récolte en 1999 à 436 dollars / ha en 2011.
On retrouve à peu près le même schéma avec le maïs aux États-Unis. Les rendements du maïs aux Etats-Unis ont augmenté régulièrement depuis 1936 et selon les données de l’USDA, ce rendement du maïs a continué d’évoluer dans les mêmes proportions à partir de 1996, date des premières cultures de maïs OGM. Il est donc impossible de conclure que les PGM ont globalement fait augmenter les rendements du maïs. Ce n’est pas l’amélioratio du rendement qui ont incité les agriculteurs a cultivé toujours plus de maïs GM. L’explication se trouve, là encore, notamment, dans une augmentation continue du prix du maïs qui a explosé entre 2005 (58 euros/tonne environ) et 2013 (216 euros/ tonnes environ). Daniel W. Basse, agriculteur dans le Wisconsin, aux États-Unis et président d’AgRessource, agence d’informations sur le marché céréalier étasunien déclarait en juin 2012, : « le maïs GM est un outil, ce n’est pas la panacée » : le maïs GM n’a pas donné les rendements attendus, et l’augmentation du prix des semences a « grignoté » la petite hausse de récolte. Et de conclure : « Cela me rend fou. Je paye un supplément pour la semence mais je n’en vois pas le retour. […] Et maintenant, nous devons utiliser des insecticides car les vers des racines sont devenus résistants ».
Quant au coton aux Etats-Unis, d’après les données de l’USDA, la tendance à l’augmentation des rendements est constante depuis au moins 1980 et l’arrivée des OGM n’a pas modifié substantiellement cette courbe.
Pour ces trois espèces, étant donné ces chiffres, il semble difficile de pouvoir affirmer que les PGM ont permis d’augmenter les rendements. Les résultats en station ne peuvent pas être extrapolés aux champs, où la météo, les attaques parasitaires, etc. sont autant de phénomènes qui influent sur les rendements.
L’USDA reconnaît un bilan mitigé pour les PGM
Cette analyse est corroborée par un rapport récent du ministère étasunien de l’Agriculture (USDA). L’USDA a publié en février 2014 un bilan qui note une progression rapide des PGM en 15 ans. Ce bilan relativise toutefois ce succès des. De longs développements sont consacrés à l’apparition d’adventices résistantes aux herbicides, à l’augmentation de la quantité d’herbicides et l’utilisation d’herbicides plus toxiques. Quant aux rendement potentiels (c’est-à-dire lorsque les conditions environnementales sont optimales), l’USDA note qu’ils sont équivalents, voire plus faibles pour les variétés GM tolérant les herbicides (HT) par rapport aux variétés conventionnelles : « les preuves empiriques concernant [leurs] effets sur les rendements sont mitigées ». Le rapport précise donc que « les semences HT ont un effet mitigé sur les revenus nets de l’exploitation agricole », les auteurs ne s’accordant pas sur des réels bénéfices précis. Ainsi, « le fait que plusieurs chercheurs ne trouvent aucune différence entre les revenus nets des agriculteurs qui ont adopté les cultures HT (et en particulier le soja HT) et ceux qui n’ont pas adopté cette technologie, malgré l’adoption rapide de ces cultures, suggère que ceux qui l’ont adopté retirent de l’adoption des variétés HT des bénéfices non monétaires ». L’USDA tente d’expliquer ces différences de rendements par une simple question de sélection, affirmant donc que les PGM n’ont pas bénéficié des meilleures variétés bien qu’ayant accaparé le financement de recherches coûteuses. Une explication qui ne semble pas complète.
La transgénèse fragilise les plantes
D’après certaines recherches qu’il faudrait étayer, la production d’une nouvelle protéine par la plante transgénique modifie son écologie globale, ce qui peut nuire à sa productivité. Ainsi, selon une étude de Barney Gordon (université du Kansas), le premier soja Roundup Ready aurait une plus faible capacité à utiliser certains nutriments du sol que son homologue conventionnel. Au Brésil, il a été observé que le soja Roundup Ready résiste moins bien à la sécheresse que le soja conventionnel ; enfin en Inde, le coton Bt s’est révélé décevant pour nombre d’agriculteurs : leur coton GM produisait des fleurs plus petites, moins nombreuses et avec moins de fils de coton. Leurs dépenses avaient également augmenté préalablement à la récolte des fleurs puisque les pieds de coton transgénique s’étaient révélés plus sensibles à un insecte qui n’attaquait pas les plants de coton conventionnel.