Qu’est-ce qu’une plante tolérant un herbicide (Roundup Ready ou autre) ?
Parmi les plantes génétiquement modifiées (PGM), deux caractères sont majoritaires : les plantes Bt, qui produisent l’insecticide Bt (cf. Qu’est-ce qu’une plante Bt ?) ; et les plantes tolérant un herbicide total (ou non sélectif), c’est-à-dire destinées à tuer toutes les plantes (adventices ET plantes cultivées), comme par exemple le Roundup (à base de glyphosate) produit par Monsanto, d’où le nom de plante Roundup Ready, ou encore RR. En 2013, ces dernières représentent 63% du total des plantes transgéniques commercialisées).
Il existe trois autres herbicides totaux : glufosinate, bipyridiles, et triazoles. Les semenciers ont produit certaines PGM tolérant le glufosinate, comme le maïs TC1507 de Pioneer, en instance d’autorisation à la culture dans l’Union européenne [1]
Comment fonctionne le glyphosate et les autres herbicides totaux ?
Le Roundup, herbicide le plus vendu au monde, a comme principe actif le glyphosate. Ce produit a été mis au point par Monsanto et constitue encore 40% de son chiffre d’affaire (1,3 milliard d’euros en 2012). Le brevet le protégeant est tombé dans le domaine public en 2000. Pour agir, le glyphosate pénètre par contact dans la plante, grâce à des adjuvants. Il est ensuite transporté par la sève dans toute la plante (des feuilles aux racines) jusqu’aux organes de croissance. C’est à ce niveau qu’il va inhiber la synthèse d’une enzyme, l’EPSPS, qui contrôle la fabrication de plusieurs acides aminés nécessaires à l’élaboration des cellules. Il tue alors la plante sur laquelle il est pulvérisé.
Les plantes RR tolèrent un herbicide total sans mourir
Une plante Roundup Ready est une plante transgénique capable de tolérer cette action du glyphosate sur les plantes. En effet, un transgène EPSPS est introduit dans les plantes, ce qui leur confère une tolérance au glyphosate, puisqu’elles continuent de catalyser la synthèse des acides aminés aromatiques malgré la présence de glyphosate. Ainsi, si on traite un champ de plantes Roundup Ready avec de l’herbicide Roundup, la plante cultivée restera intacte pendant que toutes les autres plantes présentes dans le champ seront tuées.
Comment la PGM dégrade-t-elle le Roundup ?
Le mécanisme de tolérance consiste donc à contourner l’inhibition de l’enzyme EPSPS par sa surexpression grâce aux transgènes EPSPS insérés. La PGM ne dégrade donc pas, a priori, le Roundup, mais emmagasine plus de résidus de glyphosate. En effet, si peu d’études sont disponibles puisque pour la mise sur le marché, les études comparent les plantes RR (non traitées par du Roundup !) avec leur équivalent isogénique (même patrimoine génétique) non GM, des chercheurs viennent cependant de montrer que les graines de soja GM Roundup Ready (RR) de Monsanto contiennent plus de résidus d’herbicides que leurs homologues non-OGM [2].
Conséquence : les résidus de Roundup dans ces plantes sont plus importants qu’avant. Du coup, certaines autorités ont augmenté les quantités légales de résidus : en 1997, après la commercialisation du soja GM RR en Europe, la limite de résidus de glyphosate (limite maximale de résidus ou LMR) autorisée dans le soja a été multipliée par 50, passant de 0,4 mg/kg à 20 mg/kg. C’est une limite de résidus très élevée, la plupart des seuils de pesticides étant plutôt autour de 0,1 mg/kg.
De même, en 1998 au Brésil, l’ANVISA, organe du ministère de la Santé au Brésil, a autorisé une augmentation de 50 fois du LMR du glyphosate, soit de 0,2 mg/kg à 10 mg/kg [3].
Et sur suggestion de Monsanto, l’Agence étasunienne de Protection de l’Environnement (EPA) a décidé en septembre 2006 de faire passer de 175 mg/kg à 400 mg/kg la quantité autorisée de résidus de glyphosate présents dans la luzerne après utilisation d’herbicide [4].
Quel impact du transgène sur les plantes ?
Un article scientifique brésilien de 2010 [5] montre que le glyphosate a des effets négatifs sur du soja génétiquement modifié (OGM) pour le tolérer. Selon les résultats, le glyphosate diminue l’activité de photosynthèse chez les plants de soja GM Roundup ready, en fonction notamment du moment d’application du glyphosate sur les cultures : une application « précoce » et à faible taux permet aux plants de soja GM de récupérer des impacts du glyphosate. En revanche, une application tardive et en quantité supérieure du glyphosate ne permettrait pas cette récupération et engendre donc une diminution de la taille des feuilles et une production de biomasse moins grande, conséquence d’une activité de photosynthèse moins grande [6].
Avantages pour les entreprises
L’entreprise Monsanto, qui commercialise ces plantes, a compensé la perte de son brevet sur le glyphosate, en mettant en vente des plantes tolérant cet herbicide, en brevetant ces plantes, et en vendant le Roundup avec, le tout avec un contrat obligeant cette vente liée (aux États-Unis, car le principe de la vente liée est interdit en France mais pas en Europe).
D’autres entreprises ne commercialisent que la plante GM (comme Pioneer pour le maïs TC1507) qui tolère le glufosinate, un herbicide de Bayer.
La toxicité du Roundup sur les animaux
La toxicité du Roundup a souvent été mise en cause. La matière active, le glyphosate, ne serait pourtant pas la cause première de la toxicité du Roundup. Ilil faudrait plutôt attribuer cette toxicité aux ingrédients « inertes » (adjuvants). Parmi ceux-ci, on a identifié l’agent surfactant tallowamine polyéthoxylée (POEA), des acides organiques voisins du glyphosate, et de l’isopropylamine. Ces composés inertes sont responsables d’intoxications aiguës chez des patients en ayant ingéré.
Le professeur Gilles Eric Séralini a mené une étude sur la toxicité d’un maïs tolérant le Roundup : le MON863. Dans son étude [7], GE Séralini a comparé les effets de l’ingestion d’une plante témoin non GM, de la plante isogénique GM tolérant le Roundup avec application de Roundup, et du Roundup seul dans l’eau de boisson, et ce, pendant deux années : c’est une première mondiale (durée et objet d’étude). Sa conclusion : « le pesticide le plus vendu au monde, le Roundup, provoque des déficiences hépato-rénales sévères et des effets liés à la perturbation du système hormonal comme des tumeurs mammaires à des niveaux environnementaux faibles (0,1 ppb) ; et des effets comparables ont pu être observés lors de la consommation chronique d’un régime équilibré à base de maïs OGM rendu tolérant au Roundup (NK603) ».
Les méfaits du Roundup dans l’environnement : résidus et résistance…
Dans l’environnement, les composants du sol absorbent le glyphosate. C’est ainsi qu’on en a trouvé des traces dans des laitues, des carottes, de l’orge semés un an après le traitement [8], dans les eaux en Bretagne… Les conséquences de cette présence ne semblent pas non plus avoir été bien étudiées, ni sur les plantes (dont on peut supposer qu’elles n’en sortent pas indemnes, puisqu’il s’agit d’herbicide total), ni sur les animaux. Des chercheurs canadiens ont aussi montré la présence de résidus d’herbicides dans le sang de femmes [9].
L’utilisation de PGM tolérant un herbicide total va de pair, et c’est logique, avec un usage accru de ces herbicides totaux (cf. Plus ou moins de pesticides avec les OGM ?). En effet, si l’herbicide total était auparavant utilisé sur un champ avant le semis, il est aujourd’hui pulvérisé avant et après le semis, la culture ayant été rendue tolérante. Malheureusement, les adventices, soumises à ce même herbicide en quantité accrue, commencent elles-mêmes à résister (cf. Qu’est-ce que « l’acquisition de résistances » ?). Cercle vicieux : les semenciers ajoutent dans leurs PGM des résistances à d’autres herbicides… ce qui entraînera à terme des multiples résistances d’adventices, à l’instar des bactéries multirésistantes aux antibiotiques en médecine humaine. C’est le cas notamment du maïs génétiquement modifié TC1507 de Pioneer, en instance d’autorisation à la culture en Europe [10], qui tolère plusieurs herbicides à base de glufosinate.
[1] , « UE – Possible autorisation de cultures d’OGM tolérant le glufosinate … avec possible interdiction du glufosinate après 2017 : cherchez l’erreur ! », Inf’OGM, 2 avril 2012
, « OGM – Culture du maïs TC1507 : 19 Etats européens sur 28 votent contre, mais elle pourra quand même être autorisée », Inf’OGM, 11 février 2014
[2] Compositional differences in soybeans on the market : Glyphosate accumulates in Roundup Ready GM soybeans, T. Bøhn et al, DOI : 10.1016/j.foodchem.2013.12.054, vol153, 15 juin 2014, 207-215, http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308814613019201
[3] cf. p.11 de « Le soja OGM : durable ? Responsable ? », 2010, http://www.mce-info.org
[4] , « ETATS-UNIS – Résidus de glyphosate, quelles quantités légales ? », Inf’OGM, 23 septembre 2006
[5] « Glyphosate affects photosynthesis in first and second generation of glyphosate-resistant soybeans », LHS Zobiole et al., 2010, Plant Soil 336 : 251-265
[6] , « Des effets négatifs du glyphosate sur du soja transgénique le tolérant », Inf’OGM, 25 novembre 2010
[7] http://www.enveurope.com/content/26/1/14
, « Toxicité à long-terme de l’herbicide Roundup et du maïs NK603 modifié génétiquement pour tolérer le Roundup », Inf’OGM, 10 janvier 2013
[8] US EPA, Office of Pesticide Programs, Special Review and Reregistration Division, Reregistration Eligibility Decision (RED) Glyphosate, Washington, DC, septembre 1993.
[9] , « Une première scientifique : résidus de pesticides issus d’aliments transgéniques dans le sang des femmes », Inf’OGM, 18 avril 2011
[10] , « OGM – Culture du maïs TC1507 : 19 Etats européens sur 28 votent contre, mais elle pourra quand même être autorisée », Inf’OGM, 11 février 2014