Actualités

La majorité des micro-organismes modifiés par des NTG sont détectables

Par Eric MEUNIER

Publié le 16/12/2025

Partager

En 2025, le réseau européen de laboratoires sur les OGM a rendu public un rapport rédigé par plusieurs de ses experts sur la question de la détection et identification des micro-organismes génétiquement modifiés par de nouvelles techniques dans la filière alimentaire. Selon ce rapport, la grande majorité de ces micro-organismes sont détectables et identifiables. Mais, « dans certains cas », avec les procédés actuellement disponibles, de très petites modifications génétiques peuvent être plus compliquées, voire impossible, à détecter et différencier de celles qui peuvent se produire sans intervention technique sur le génome.

Disséminer sans contrôle des virus, bactéries ou levures génétiquement modifiés dans l’environnement ou les filières industrielles (dont l’agroalimentaire) et sans connaître les risques qu’ils peuvent engendrer ? C’est ce qui semble être l’objectif poursuivi par la Commission européenne, qui semble bien préparer une initiative législative pour déréglementer ces micro-organismes génétiquement modifiés (MGM). A l’heure où les multinationales œuvrent à artificialiser et s’approprier le vivant, les micro-organismes font clairement partie du tableau. A cette fin, les experts européens sont mobilisés pour fournir à la Commission européenne tous les rapports nécessaires pour justifier une éventuelle proposition de déréglementation. En 2025, les experts du réseau européen de laboratoires sur les OGM (ENGL) ont donc livré leur rapport sur la détection et l’identification analytique de MGMi. Ce rapport ne concerne que l’utilisation de MGM dans l’alimentation humaine et animale, pas leur dissémination dans l’environnement (dans le sol, sur les plantes) ou leur utilisation dans d’autres filières, comme la production d’agrocarburants.

De quels produits parle-t-on ?

Avant même de se pencher sur les capacités de détection et d’identification des MGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique (NTG), il est important de se rappeler les différentes utilisations de ces MGM. Car le sujet des MGM dans les filières alimentaires concerne à la fois les MGM eux-mêmes, mais également les lots de produits obtenus à partir de ces derniers, en cas de contamination par le MGM producteur. Un exercice que l’ENGL ont synthétisé en introduction de leur rapport avec quatre cas de figures :

Avoir ces quatre situations en tête est important sur un plan théorique. Les 3ème et 4ème cas impliquent la présence du MGM ou de son ADN. Les deux premiers cas impliquent leur présence seulement en cas de contamination, du fait d’une purification des molécules insuffisantes par exemple, ce qui n’exclue pas d’autres possibles signatures de leur utilisation aujourd’hui non identifiées. En cas d’autorisation commerciale de molécules ou de MGM eux-mêmes, l’Union européenne devra se doter des protocoles nécessaires à leur détection et identification.

Détection et différenciation sont déjà possibles dans un (très) grand nombre de cas

A la question de savoir si ces MGM obtenus par des NTG sont détectables et identifiables, les experts répondent assez simplement, affirmant que « les modifications génétiques trouvables dans les MGM obtenus par de nouvelles techniques sont similaires à celles dans les plantes modifiées par mutagénèse ciblée et cisgénèse, et les défis analytiques qui se posent seront donc similaires ». Pour l’ENGL, ces défis se présenteront « dans certains cas », du fait de méthode de détection et d’identification qui « peuvent ne pas toujours permettre de répondre aux requis réglementaires ». Une rhétorique déjà adoptée pour la détection et l’identification de végétaux modifiés génétiquement par des NTG, qui a conduit la Commission européenne à généraliser « certains cas » à « tous les végétaux » ainsi modifiésiii.

Ces quelques cas particuliers seraient ceux de modifications génétiques impliquant le changement d’un seul nucléotide (une seule brique composant l’ADN) ou « des mutations courtes de quelques nucléotides ». Dans ces cas, les experts considèrent que la méthode la plus couramment utilisée, la PCR, assez ancienne et basique, peut ne pas permettre de répondre aux requis réglementaires, qui impliquent qu’une méthode soit assez sensible et spécifique à une modification génétique donnée. Ils soulignent qu’une telle méthode de PCR serait insuffisante pour établir que telle ou telle modification détectée ait été produite par une nouvelle technique de modification génétique.

Pour l’ENGL, associer la PCR à d’autres méthodes d’analyse représente une « alternative séduisante ». Il est par exemple expliqué le possible « séquençage complet du génome et la détection simultanée de plusieurs éléments clefs composant des signatures uniques associées à un MGM spécifique ». Une telle approche analytique est utilisable pour des bactéries et virus, permettant « une identification spécifique » de telle ou telle lignée. Il en est de même pour des protocoles d’analyse associant séquençage complet du génome et analyse bio-informatique. Mais, à nouveau, les experts soulignent certains cas pour lesquels de tels protocoles d‘analyse fourniraient des résultats incertains. Il en est ainsi des « analyses d’échantillons mélangés, contenant plusieurs micro-organismes qui sont, encore à ce jour, très complexes ». Autre cas particulier, celui des MGM qui n’auraient pas été autorisés, qualifiés alors d’inconnus, pour lesquels l’ENGL estime que leur quantification serait très complexe. L’ENGL précise néanmoins que cette étape de quantification n’est pas obligatoire dans des procédures légales pour que des mesures réglementaires soient prises, faisant de cette complexité à quantifier un argument non recevable pour déréglementer les MGM.

Finalement, les experts estiment que les méthodes de PCR ou basées sur le séquençage fonctionnent pour les MGM obtenus par de nouvelles techniques qui sont connus ou déclarés. Le défi qui se présente selon eux concerne les MGM inconnus, et surtout ceux chez lesquels la modification génétique concernerait quelques nucléotides. Une situation similaire pour des OGM inconnus s’était présentée pour les végétaux transgéniques au début des années 2000, face à laquelle l’Union européenne avait tout de même acté l’obligation de leur étiquetage et de leur détection et identification. Elle avait en complément mis en place un programme de recherche et de gestion, le programme Co-Extra, qui avait travaillé à établir les protocoles d’identification des OGM inconnus. Un tel programme pourrait être mis en place et financé par l’Union européenne pour les MGM inconnus.

Une proposition de déréglementation des MGM en préparation

Cet avis des experts de l’ENGL s’inscrit dans une dynamique de la Commission européenne, qui paraît accumuler les rapports nécessaires pour formuler une proposition de déréglementation des MGM.

Dès août 2022, elle demandait à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) de lui fournir un « tour d’horizon » des MGM déjà commercialisés. Ce rapport lui a été fourni en décembre 2023iv. En 2022, la Commission avait déjà mandaté l’AESA sur le sujet des risques liés aux MGM obtenus par des NTG, mandat auquel l’AESA a répondu en juin 2024v, après avoir ouvert une consultation deux mois plus tôtvi. Dans l’ensemble des documents nécessaires à la Commission européenne pour produire une proposition de déréglementation manquait donc une opinion des experts en détection et identification des OGM.

En 2024 toujours, le Parlement européen confirmait la Commission européenne dans cette dynamique. Il réagissait en effet à la proposition de déréglementation de nombreux OGM végétaux (dont certains micro-organismes) présentée en 2023 en intégrant une demande tout sauf anodine. Les eurodéputés écrivaient alors que « les connaissances disponibles sur d’autres organismes, tels que les micro-organismes, les champignons et les animaux, devraient être examinées aux fins de futures initiatives législatives les concernant »vii. Ils demandaient donc à la Commission européenne de présenter « un rapport d’évaluation des spécificités et des besoins des autres secteurs qui ne sont pas couverts par le présent règlement, par exemple celui des micro-organismes, ainsi qu’une proposition d’autres actions stratégiques »viii.

i Sowa, S., Broothaerts, W., Burns, M., De Loose, M., Debode, F. et al., « Detection of microorganisms, obtained by new genomic techniques, in food and feed products », Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2025.

ii Il s’agit par exemple de la production de préparations de protéines à partir de bactéries ou levures (organisme unicellulaire) cultivées.

iii Eric Meunier, « Équivalence OGM/non-OGM, la Commission fait de « certains cas » une règle générale », Inf’OGM, 11 décembre 2025.

iv Eric Meunier, « Des micro-organismes modifiés par Crispr déjà commercialisés », Inf’OGM, 30 janvier 2024.

v EFSA GMO Panel (EFSA Panel on Genetically Modified Organisms), Mullins, E., Bresson, J.-L., Dewhurst, I. C. et al., « New developments in biotechnology applied to microorganisms », EFSA Journal, vol.22, issue 7, e8895, 22 juillet 2024.

vi Eric Meunier, « Une consultation publique en cours sur les micro-organismes OGM », Inf’OGM, 2 avril 2024.

vii Parlement européen, « Végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques
et denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés – Résolution législative du Parlement européen du 24 avril 2024 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625 (COM(2023)0411 – C9-0238/2023 – 2023/0226(COD)) »
, considérant 9, 24 avril 2024.

viii Ibid., article 30, point 5ter.
Sowa, S., Broothaerts, W., Burns, M., De Loose, M., Debode, F. et al., « Detection of microorganisms, obtained by new genomic techniques, in food and feed products », Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2025.

Actualités
Faq
A lire également