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La Guyane voudrait interdire les OGM : le peut-elle ?
Le 11 février 2015, Gabriel Serville, député français de Guyane, membre de la gauche démocrate et républicaine, a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi qui « a l’ambition de répondre au constat d’une nécessaire adaptation des normes au contexte amazonien », notamment des normes environnementales [1]. Il est ainsi question de gestion des déchets, de rendre obligatoire la consultation du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinengués (peuples descendants d’esclaves) sur toutes questions « intéressant directement l’environnement, le cadre de vie ou les activités culturelles » de ces populations, ou encore des plantes génétiquement modifiées (PGM).
Le député souhaite en effet l’interdiction des PGM sur le territoire de la Guyane française. L’article 3 de sa proposition de loi prévoit donc l’insertion d’un nouvel article dans le Code de l’environnement : « Art. L. 585. – Afin de permettre une protection optimale du patrimoine naturel et génétique exceptionnel présenté par l’espace amazonien, la culture, la commercialisation et l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés, entendus au sens des articles L. 531-1 et D. 531-1, est interdite sur l’ensemble du territoire guyanais, tant à des fins de recherches qu’à des fins d’exploitations commerciales ».
Le député justifie cette demande d’interdiction totale des PGM au nom du principe de précaution, et du fait de l’extrême richesse de la biodiversité guyanaise [2]. C’est une interdiction étendue qui est proposée par le député puisqu’elle concerne aussi bien leur culture, que leur commercialisation et leur utilisation, c’est-à-dire « toute opération ou ensemble d’opérations au cours desquelles des organismes sont génétiquement modifiés ou au cours desquelles des organismes génétiquement modifiés sont cultivés, stockés, transportés, détruits, éliminés ou mis en œuvre de toute autre manière » (article L. 531-1 du Code de l’environnement).
La Guyane est un département d’Outre-mer. Il a donc à ce titre les mêmes prérogatives que les départements métropolitains [3]. Or, actuellement, la loi française [4] interdit la culture de tous les maïs génétiquement modifiés. En revanche, l’importation de nombreuses PGM est autorisée au niveau européen, et donc en France. Ces PGM servent principalement pour nourrir le bétail, du fait d’un déficit important de la France en protéines végétales.
Interdiction des OGM : le chemin légal est étroit
Concernant l’interdiction de la culture de plantes transgéniques, la Guyane est déjà protégée par les dispositions nationales. Si une nouvelle espèce génétiquement modifiée venait à être autorisée, il serait intéressant de voir comment la nouvelle procédure d’interdiction adoptée par le Parlement européen en janvier 2015 pourrait s’appliquer en Guyane en argumentant de la menace potentielle de ces cultures pour sa riche biodiversité. Cette nouvelle disposition européenne doit d’abord être intégrée en droit français avant de pouvoir effectivement être mise en œuvre. Cette prérogative restera vraisemblablement une compétence nationale et non pas départementale ou régionale (même si l’interdiction peut ne concerner qu’une partie d’un territoire national).
En revanche, concernant l’interdiction d’importer, de consommer, d’utiliser des PGM, au-delà de la question de la pertinence de tels arguments (un tourteau de soja GM ou une huile de colza pourraient-ils vraiment menacer la forêt amazonienne ?), il semble difficile que cela soit mis en œuvre puisque l’Union européenne autorise ces usages.
Étant donnés les contextes juridiques français, européen et international, une telle proposition de loi verra difficilement le jour… et si elle venait malgré tout à être adoptée par le Parlement français, elle pourrait vite être remise en cause par des entreprises ou d’autres États.
[2] Motivation de la proposition de loi : « Cette interdiction est justifiée par le caractère particulièrement fragile des écosystèmes amazoniens qui figurent parmi les plus riches de la planète. La forêt guyanaise accueille à elle seule 98% de la faune française et 96 % de sa flore. On y recense ainsi 5 500 espèces de végétaux, 740 espères d’oiseaux, 1 600 espèces de vertébrés, 480 espèces de poissons d’eaux douces, 350 000 espèces d’insectes et 5 500 espèces végétales. Il est rendu particulièrement indispensable par l’application du principe de précaution tel que défini par l’article 5 de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement sur un territoire couvert à près de 50% par un outil de préservation de son patrimoine naturel. »
[3] , « Territoires d’Outre-mer : des OGM en liberté », Inf’OGM, 25 mai 2011
[4] , « Que dit la loi française sur les OGM ? », Inf’OGM, 15 juin 2016