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Veille juridique Inf’OGM du 11 mars au 25 mars 2024

Par Denis MESHAKA

Publié le 26/03/2024

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FRANCE

Réponse à une question parlementaire sur le retard à la publication de l’avis de l’Anses sur le règlement européen sur les NTG

Question orale à la première séance du 13 mars 2024 de Lisa Belluco (Écologiste- NUPES) :

« Le 7 février dernier, sous la pression des multinationales semencières, le Parlement européen a adopté un règlement sur les nouvelles techniques génomiques, les NTG. Le but : autoriser, dans nos champs, la culture de ces nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM). Le combat contre les OGM n’est pas terminé : vous continuez de jouer aux apprentis sorciers avec le vivant.

Personne, pourtant, ne veut de ces NTG : ni les agriculteurs, qui préféreraient un revenu digne et des prix planchers ; ni nos concitoyens, qui veulent une alimentation saine et abordable.

Le Gouvernement a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, pour qu’elle rende des avis sur ce règlement européen.

Dans son premier avis, l’Anses évoque un manque de clarté et une « insuffisance de justifications scientifiques de l’équivalence recherchée entre des plantes NTG et les plantes conventionnelles ». Dans le second, elle recommande une évaluation spécifique des NTG au cas par cas, ainsi qu’un plan de surveillance global, notamment pour assurer la traçabilité des NTG et éviter la mainmise des multinationales étrangères sur les semences.

Quelles conclusions en tirez-vous ? Vous choisissez de vous asseoir sur ces avis. Pire : alors que vous disposiez du second avis le 22 janvier et que le vote au Parlement européen se déroulait le 7 février, vous avez choisi de ne le publier que la semaine dernière, en mars, donc après le débat et après le vote. Après tout, pourquoi s’embarrasser en encombrant le débat démocratique de l’avis des experts que vous aviez vous-mêmes sollicités ?
Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, avez-vous, en guise de cadeau à Bayer-Monsanto et Corteva, retardé délibérément la publication de cet avis sur les nouvelles techniques génomiques ?

Trois Français sur quatre rejettent les OGM dans leur ensemble. À tous ceux-là, je dirai que la seule et meilleure occasion de refuser les nouveaux OGM, c’est d’aller voter le 9 juin prochain aux élections européennes pour les candidats qui les rejettent vraiment ! »

Réponse de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire :

« Il est de notre responsabilité collective, tout d’abord, d’éviter d’agiter les peurs : ces nouvelles technologies ne sont pas, à proprement parler, des OGM. De quoi parlons-nous exactement ? Scientifiquement, un OGM résulte d’une transgenèse : des gènes étrangers sont incorporés dans un organisme. Dans l’agriculture, en Europe, les OGM sont interdits, vous le savez.

Les nouvelles techniques génomiques permettent quant à elles des mutations ciblées du génome qui utilisent les gènes existants de l’organisme. Vous le savez comme moi : depuis que nous pratiquons l’agriculture, soit des dizaines de milliers d’années, nous utilisons la sélection variétale. Or les NTG n’en sont qu’une version scientifiquement plus avancée. Les mots ont un sens. C’est parce qu’il y a des différences scientifiques qu’il faut une réglementation spécifique et un cadre juridique adapté.

Ces nouvelles technologies représentent cependant une occasion majeure pour les agriculteurs : de lutter contre le dérèglement climatique ; d’utiliser moins de produits phytosanitaires, moins d’eau. Elles pourraient également permettre à leurs cultures de mieux résister face aux ravageurs. Nous pensons qu’elles font partie de la solution.

Il faut donc accélérer et saisir cette chance. Bien sûr, nous le ferons en garantissant un haut niveau de sécurité, au service d’une agriculture plus durable. C’est tout le sens de l’avis de l’Anses, qui a été publié à la convenance de l’organisme au terme de ces travaux que nous avions sollicités, comme vous avez bien voulu le rappeler. Nous sommes en phase avec l’Anses. Nous resterons particulièrement vigilants mais ne freinerons pas le travail de la science au service de nos agriculteurs et d’une alimentation durable.

Un dernier mot concernant les brevets – un point sur lequel vous avez raison d’appeler notre attention : nous serons très vigilants car il n’est pas question de déséquilibrer les règles du jeu entre petits et gros acteurs. »

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Adoption d’une proposition de résolution européenne de la Commission des affaires européennes sur la proposition de règlement sur les NTG

Le 20 mars, la Commission des affaires européennes du Sénat a adopté une proposition de résolution pour appuyer l’adoption des nouvelles règles pour faciliter l’accès aux nouvelles techniques génomiques (NTG) des sélectionneurs et des agriculteurs. La commission soutient la clarification du statut réglementaire des NTG par la Commission européenne pour favoriser la transition écologique, l’autonomie et la compétitivité. Elle se déclare favorable à ce que « les végétaux obtenus à l’aide de nouvelles techniques génomiques qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle [NTG de catégorie 1] soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l’Union européenne sur les organismes génétiquement modifiés ».

La Commission des affaires européennes demande néanmoins une révision périodique et un système de biovigilance. Elle plaide également pour un soutien accru à la recherche publique, des mesures pour assurer la traçabilité et la liberté de choix des consommateurs, et examine les implications des NTG sur la propriété intellectuelle, proposant des mesures pour préserver la diversité et l’accès aux ressources génétiques. Elle estime que les règles de propriété intellectuelle doivent impérativement être examinées en même temps que la réglementation sur les NTG. Elle appelle à interdire la brevetabilité des végétaux NTG et à remettre le certificat d’obtention végétale (COV) au cœur de la propriété intellectuelle des plantes.

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Les sénateurs rejettent l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA)

Le 21 mars, le Sénat a rejeté l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, en vigueur de manière provisoire depuis 2017. Cet accord a pour but principal de renforcer les liens commerciaux et les investissements entre les deux parties, en supprimant notamment 98% des droits de douane dès son entrée en vigueur provisoire et en soutenant les échanges de services. ​Le Canada avait pour objectif via cet accord un accès préférentiel au marché européen en particulier pour les produits agricoles qui bénéficiaient encore de droits de douane importants ou de contingents tarifaires. Sur la question des OGM, l’accord avait suscité des inquiétudes en Europe, notamment parce qu’il pourrait ouvrir la porte à l’importation de produits agricoles canadiens ne respectant pas les mêmes normes sanitaires et environnementales que celles en vigueur dans l’UE. Des critiques de l’accord mettent en avant que sans clauses miroir strictes demandant aux exportateurs canadiens de respecter ces normes, il pourrait y avoir une augmentation des importations de produits non conformes aux standards de l’UE, y compris des produits issus d’OGM. Les textes du CETA affichent néanmoins des engagements en matière de protection de l’environnement et de développement durable, et il existe des obligations contraignantes dans ces domaines pour l’UE et le Canada.

À ce stade, le vote du Sénat n’est pas un coup d’arrêt dans l’application provisoire de cet accord. Le projet de ratification revient à l’Assemblée nationale pour un nouveau vote. La majorité présidentielle a déclaré que même en cas de rejet à l’Assemblée, le traité de libre échange entre l’UE et le Canada pourrait continuer à s’appliquer.

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EUROPE

La Commission prend des mesures pour stimuler les biotechnologies et la bioproduction dans l’Union européenne (UE)

Le 20 mars, la Commission européenne a proposé une série de mesures pour stimuler les biotechnologies et la bioproduction dans l’UE, visant à « faire de l’Europe un leader mondial des biotechnologies ». Ces technologies sont vues comme utiles pour « aider l’UE à moderniser les secteurs de l’agriculture, de la foresterie, de l’énergie et de l’alimentation humaine et animale ainsi que son industrie » et « réussir les transitions écologique et numérique ». La Commission propose à cet effet certaines actions dont : encourager la recherche et l’innovation, stimuler la demande du marché pour les bioproduits, rationaliser les réglementations, favoriser les investissements publics et privés, améliorer les compétences dans le secteur des biotechnologies, élaborer des normes, encourager la collaboration et la coopération internationale, intégrer l’intelligence artificielle, et réexaminer la stratégie de l’UE pour la bioéconomie. Ces mesures viseraient à faciliter le développement et l’adoption des innovations biotechnologiques et à renforcer l’économie et la durabilité environnementale de l’UE.

Concernant plus particulièrement l’intelligence artificielle (IA), la Commission affirme que la biotechnologie dispose aujourd’hui d’une quantité de données sans précédent et que l’analyse d’images par l’IA et l‘apprentissage profond peuvent être utilisés pour par exemple « analyser les microbiomes, cribler les phénotypes et mettre au point des diagnostics rapides dans un large éventail d’applications », « tester virtuellement plusieurs variables peut accélérer le développement des bioprocédés ». La Commission évoque également le sujet des « nouvelles techniques génomiques » (NTG – les nouveaux OGM), en précisant que « l’adoption du nouveau règlement sur les plantes produites par certaines nouvelles techniques génomiques est essentielle pour que l’UE puisse bénéficier du potentiel de la biotechnologie dans le domaine agroalimentaire ».

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La Commission Agriculture du Parlement européen adopte un règlement amendé sur le matériel de reproduction des végétaux

Le 19 mars, la Commission Agriculture (ComAgri) du Parlement européen a voté une version amendée de la proposition de la Commission européenne sur le matériel de reproduction végétal (MRV). La ComAgri, qui est la commission chef de file, a adopté un texte qui se veut préserver la diversité et aider à sa diffusion par les producteurs régionaux.

Des associations productrices de semences et représentantes de l’agriculture biologique européenne, telles que Arch Noah ou IFOAM, se sont dites satisfaites de plusieurs mesures votées par la ComAgri. Fer de lance dans la contestation de la proposition de la Commission européenne, l’association autrichienne Arche Noah souligne que les propositions du rapporteur Herbert Dorfmann (PPE) ont « corrigé la proposition législative anti-diversité de la Commission européenne sur des points clés ». L’ONG poursuit en précisant que, par exemple, les banques de gènes publiques sont autorisées à transmettre aux agriculteurs et aux jardiniers amateurs des semences en petites quantités en dehors du champ d’application de la loi sur les semences. Les agriculteurs pourraient en outre vendre leurs propres semences et matériels de reproduction des plantes, avec certaines restrictions. Les propositions visant à limiter les brevets sur la sélection conventionnelle espérées par certaines ONG n’ont pas trouvé de majorité. La question de la charge administrative pesant sur les petites entreprises de semences n’ont pas non plus été revues.

Le vote final en plénière pourra faire l’objet de nouveaux amendements.

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