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ITALIE – Un décret interdit la culture du maïs Mon810
Le 29 mars 2012, l’accord État – régions sur la coexistence n’est toujours pas signé. L’interdiction de cultiver des OGM est donc toujours en vigueur, vient-on d’apprendre.
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Le 15 mars 2010, le ministre italien de l’Agriculture, Luca Zaia, a signé un décret qui « rejette » la demande d’autorisation de cultures d’OGM sur le territoire national, conformément à ce qu’il avait annoncé suite à la décision du Conseil d’État du 19 janvier : « Nous respectons la sentence du Conseil d’État, mais nous ferons recours dans toutes les instances. Nous nous y opposerons également, car nous sommes convaincus de représenter la volonté des citoyens. Et trois citoyens sur quatre ne veulent pas des OGM en Italie », pouvait-on lire dans un communiqué du ministère. Luca Zaia n’a jamais fait mystère de son refus des OGM, jusque dans son intervention au sommet mondial sur la sécurité alimentaire, en 2009 à Rome. La décision du Conseil d’État, le 19 janvier 2010, lui a fait l’effet d’une douche froide. Pour lui, son opposition est soutenue par ses concitoyens, et il n’hésite pas à affirmer que les pro-OGM comptent « très peu de partisans ». Selon un sondage mené en 2009 par Coldiretti, le syndicat agricole majoritaire en Italie, 63% des consommateurs italiens estimaient que l’alimentation à base d’OGM était moins saine que celle issue d’une agriculture conventionnelle. En 2003, ils étaient seulement 52% à l’affirmer.
Que dit en substance le jugement du Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat, instance la plus élevée de la justice administrative italienne, avait été saisi par Silvano Dalla Libera, vice-président de Futuragra, une association de 500 propriétaires terriens favorables aux OGM. Cet agriculteur avait demandé dès 2006 l’autorisation au ministère de l’Agriculture de cultiver sur ses terres du maïs transgénique Mon810 (note du 14/08/2006). Le 18 avril 2007, une note ministérielle précisait qu’ « il n’est pas possible de procéder à l’instruction de la demande d’autorisation avant l’adoption, par les Régions, de règles aptes à garantir la coexistence des cultures conventionnelles, biologiques et transgéniques ». Le recours devant le Conseil d’Etat visait à obliger le ministère de l’Agriculture à « compléter la procédure d’autorisation des OGM » en Italie, afin de pouvoir permettre la culture du maïs Mon810. Le Conseil d’Etat italien [1] a donc donné 90 jours au ministère de l’Agriculture pour finaliser ce processus. En 2010 en effet, le vide juridique quant aux conditions de mise en culture des OGM, notamment en termes de définition des règles de coexistence, n’avait toujours pas été comblé.
Là encore il faut revenir un peu en arrière pour bien comprendre le débat. Le gouvernement avait adopté une loi nationale de coexistence, mais elle fut rejetée par la Cour constitutionnelle. En effet, la Constitution italienne précise que l’agriculture est de la compétence des Régions et non de l’Etat. En 2006, le ministère de l’Agriculture a alors adopté un décret qui instaure un moratoire de facto jusqu’à l’adoption de lois de coexistence par les Régions. Cependant, afin d’avoir une homogénéité nationale, le gouvernement, en accord avec les Régions, a pris l’option d’élaborer des lignes directrices sur la coexistence, qui serviront de base à chaque loi régionale. Ces lignes directrices doivent elles-mêmes être approuvées par un accord Etat / Régions. Fin janvier, celui-ci était sur le point d’être signé, mais il a été repoussé, à cause des élections régionales de mars 2010 de peur qu’il soit interprété par les électeurs comme une porte ouverte aux OGM en Italie, même si ces lignes directrices sont très strictes.
Suite à la décision du Conseil d’Etat, le comité « semences » – composé de représentants des ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et de la Santé, et de plusieurs Régions (dont le Frioul) – a été saisi ; et la Région du Frioul a été consultée sur une mise en culture d’OGM sur son territoire. D’une part le comité « semences » a reconnu à l’unanimité qu’il ne pouvait pas donner un avis positif à la demande de Silvano Dalla Libera, car les conditions pour semer des OGM sans menacer les cultures conventionnelles et biologiques ou l’écosystème n’étaient pas définies. D’autre part, la Région Frioul a, dans une note adressée au ministre le 15 mars 2010 (note n°18586), précisé, entre autres, que « la Région est caractérisée par un phénomène venteux considérable qui favorise la dispersion pollinique ; la culture du maïs est fragmentée dans un grand nombre d’entreprises agricoles et dans de telles conditions, le respect de distances qui garantissent l’absence de pollinisations croisées, apparaît très difficile ; la Région compte des zones protégées d’un point de vue environnemental (ZTS, SIC, Biotopi etc.) dont les plans de gestion prévoient l’absence de cultures OGM ».
C’est sur la base de ces deux avis que Luca Zaia, a adopté le 15 mars 2010 un décret qui rejette la demande de Silvano Della Libera. Le décret précise explicitement « que les conséquences aux niveaux environnemental, juridique et économique d’une contamination entre filières de production qui doivent rester séparées peuvent se répercuter sur l’économie d’une région dans son ensemble ». Le décret a été depuis cosigné par les ministres de l’Environnement et de la Santé. Comme l’affirme Luca Colombo, qui travaille pour la Fondazione Diritti Genetici [2], « maintenant on est plus tranquille, même si Silvano Dalla Libera a récemment affirmé qu’il cultiverait du Mon810 malgré ce décret » sur 25 hectares aux alentours de Pordenone, dans la région du Frioul. Luca Colombo nous a également précisé aussi que le travail sur les lignes directrices reprendrait bientôt… Elles seront ensuite notifiées à la Commission européenne. Les Régions entameront alors leurs parcours législatifs en vue d’adopter leur propre loi de coexistence.
Précisons que Luca Zaia est membre du parti populiste de la Ligue du Nord (Lega Nord) et qu’il vient d’être élu à la tête de la Vénétie. Il a été nommé ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Berlusconi après la victoire de la droite aux élections législatives de 2008. « Pragmatique, il s’est transformé en VRP des produits italiens à l’étranger, défend les éleveurs en imposant des étiquettes plus strictes indiquant la provenance des produits laitiers, mène campagne pour la promotion des aliments du terroir, se bat contre les OGM et multiplie les appellations d’origine contrôlée » [3].
[3] Le Temps, 31 mars 2010