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France – Un pas de plus vers un nouveau moratoire sur le maïs OGM MON810

Par Christophe NOISETTE

Publié le 21/02/2012

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Le ministère de l’Agriculture a annoncé, par voie de presse, le 20 février 2012, que « les autorités françaises ont saisi ce jour la Commission européenne pour lui demander de suspendre l’autorisation de mise en culture du maïs MON810 ». Le ministère précise aussi que « cette demande s’appuie sur les dernières études scientifiques et notamment un avis de l’AESA de décembre 2011. Ces études montrent que la culture de ce maïs présente des risques importants pour l’environnement ».

Le Conseil d’État, suivant la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait annulé le moratoire français sur le maïs MON810 pour des raisons de forme et de fond. Sur la forme, le gouvernement n’avait pas respecté la procédure que le règlement européen 1829/2003 imposait, à savoir demander à la Commission européenne d’interdire avant d’engager quelque procédure nationale.

Sur le fond, le Conseil d’État avait déclaré que le gouvernement n’avait pas réussi à prouver « outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement » [1]). Or, le gouvernement explique sur le site internet du ministère de l’Agriculture que d’une part « la demande de renouvellement de l’autorisation du maïs MON810 a fait l’objet d’un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) le 15 juin 2009, adopté sur la base des anciennes lignes directrices pour l’évaluation environnementale des OGM, qui datent de 2006 » et que d’autre part, « des publications scientifiques postérieures à cet avis, ainsi que l’avis de l’AESA sur le maïs génétiquement modifié Bt11 publié le 8 décembre 2011, conduit sur la base des nouvelles lignes directrices publiées en 2010 par l’AESA, sur le maïs génétiquement modifié Bt11, applicables sur les points évalués au maïs MON810, mettent en évidence des risques environnementaux importants. Ces risques concernent notamment l’apparition de résistances à la toxine Cry1Ab dans les populations de lépidoptères cibles exposées et des réductions de populations de certaines espèces de lépidoptères non-cibles ». Le gouvernement souligne aussi que l’AESA recommande par rapport à la mise en culture du maïs Bt11, « la mise en place de zones refuges et des mesures d’atténuation des risques appropriées pour limiter l’exposition des larves de lépidoptères non-cibles ». Or, « à l’heure actuelle aucune mesure de ce type ne s’impose à la culture du MON810 ».

Enfin, le gouvernement met en exergue un argument qu’Inf’OGM a déjà, à

plusieurs reprises, mis en avant, à savoir que « la puissance statistique des expériences sur les organismes non-cibles est très limitée et surtout, les études en laboratoire et en champs passent sous silence les éventuels effets sub-létaux ». Le gouvernement demande donc une « réévaluation complète et distincte du maïs MON810 ».

Le gouvernement a suivi les exigences européennes et a sollicité la Commission européenne pour qu’elle suspende l’autorisation du maïs MON810 [2]. Il précise que « dans l’hypothèse où la Commission ne donnerait pas suite à la demande française, le Gouvernement envisage d’adopter, en raison de la proximité des semis, une mesure conservatoire visant à interdire temporairement la culture du maïs MON810 sur le territoire national afin de protéger l’environnement ». Pour rappel, le 28 novembre 2011, le Conseil d’État avait souligné la position de la CJUE concernant le délai dans lequel l’État peut prendre une telle mesure après avoir informé la Commission européenne : « l’information de la Commission que cet article prévoit doit intervenir, en cas d’urgence, au plus tard de manière concomitante à l’adoption des mesures d’urgence par l’État membre concerné ». Maintenant que la demande de la France a été transmise à la Commission européenne, le gouvernement français peut donc sans plus attendre, prendre une mesure conservatoire [3].

Afin d’appuyer sa demande à la Commission européenne, le gouvernement a, en parallèle, mis en place une consultation publique [4]. Comme l’indique le communiqué du ministère de l’Agriculture, « les observations sur ce projet peuvent être adressées avant le 6 mars 2012 au soir, date de fin de consultation, à l’adresse électronique suivante : consultation.ogm.dgal@agriculture.gouv.fr« .

La Confédération paysanne se félicite mais…

Si la confédération paysanne « se félicite » de cette déclaration officielle du gouvernement, et si elle « appelle la Commission européenne [..] à y répondre favorablement », elle souligne, cependant, la « faiblesse » de l’argumentation. Dans son communiqué en date du 21 février 2012, intitulé « Le gouvernement doit consolider son interdiction du MON810 pour protéger efficacement les abeilles et les apiculteurs », le syndicat agricole « renouvelle cependant ses craintes sur leur solidité juridique face à des lois et règlements totalement insuffisants et inacceptables mais toujours en vigueur ».

Elle rappelle que la CJUE a aussi jugé que du miel contaminé par du pollen de maïs MON810 devait être interdit à la vente [5]. Or, « l’interdiction de la culture du MON810 n’empêche aucun maïsiculteur de poursuivre son activité avec l’une des multiples autres variétés de maïs disponibles. L’annulation de cette interdiction interdirait par contre, dans les zones de cultures OGM, l’apiculture, la culture des maïs « sans OGM » et des maïs « population » dont la récolte est chaque année destinée à être utilisée en partie ou en totalité comme semences pour les années suivantes ».

Ainsi, forte de cette argumentation, la Confédération paysanne demande alors que le gouvernement prenne une mesure conservatoire sans attendre la réponse de la Commission européenne, ce qu’elle est en droit de faire comme l’a précisé la CJUE. Elle demande aussi d’ « appuyer la suspension de l’autorisation de culture du MON810 sur les risques environnementaux résultant de l’absence de pollinisation des flores sauvages et cultivées par les abeilles qui résulteraient de la disparition des ruchers professionnels des zones de cultures de MON810 » et de « compléter le projet d’arrêté sur les mesures de co-existence qu’il a envoyé pour consultation à la Commission européenne le 19 janvier dernier en interdisant la culture du MON810 à moins de 10 km de toute ruche ainsi que de toute parcelle de maïs « population » et à moins de 800 mètres de toute parcelle de maïs « sans OGM » ».

[2conformément à l’article 53 du règlement 178/2002

[3Précisons aussi que le paragraphe 72 du jugement de la CJUE souligne que la Commission européenne a un délai de dix jours pour saisir le Comité permanent de la Chaîne alimentaire et de la santé animale, lequel sera chargé d’analyser la demande de la France. Mais ce délai ne concerne pas le gouvernement français qui peut prendre une mesure conservatoire sans attendre l’avis de ce Comité.

[4Cette consultation s’appuie sur l’article L.120-1 du code de l’environnement.

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