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En Afrique du Sud, les nouvelles techniques donnent des OGM !
En août 2023, le ministre de l’Agriculture sud-africain confirmait que les OGM obtenus par de nouvelles techniques seraient encadrés en tant qu’OGM ! La législation sud-africaine sur les OGM s’applique donc à ces produits. Cette décision a surpris les multinationales semencières comme le gouvernement des États-Unis. Un poids lourd agricole du continent africain va donc évaluer les risques, tracer et étiqueter comme OGM ces produits.
Alors qu’en Europe un débat a lieu pour savoir si les OGM obtenus par de nouvelles techniques de modification génétique doivent être déréglementés ou non, l’Afrique du Sud a clarifié sa position en août 2023.
Les OGM/NTG réglementés comme les OGM
Le 11 août 2023, le ministère sud-africain de l’Agriculture, de la réforme agraire et du développement rural publiait une note courte mais importante. Il y confirmait une précédente décision d’encadrer réglementairement les OGM obtenus par de nouvelles techniques comme les OGM.
Une précédente décision, datant du 27 octobre 2021, avait en effet été contestée en justice par des entreprises via la « chambre du secteur agricole ». Comme le rappelle le ministère, cette contestation revendiquait notamment que le gouvernement sud-africain devrait adopter une définition des OGM « en ligne avec les pratiques à l’international ». La plainte fut alors étudiée par une chambre d’appel qui, en décembre 2022, se prononçait en faveur des industriels. Cette chambre d’appel estimait en effet que le gouvernement n’avait pas permis aux acteurs concernés de fournir une contribution préalable. Reprenant les arguments des entreprises, elle affirmait également que certaines nouvelles techniques ne donnent pas des OGM et que « la plupart des juridictions qui ont adopté des législations sur les produits NTGs ont adopté une approche basée sur le produit final ». Cette chambre d’appel estimait donc que l’approche adoptée par le gouvernement de réglementer les OGM/NTG comme des OGM reposait sur une prise en compte du procédé d’obtention et, de ce fait, allait à l’encontre des pratiques internationales.
Mais, le 31 juillet 2023, le gouvernement sud-africain confirmait sa position visant à réglementer les OGM/NTG comme des OGM. Le gouvernement explique en effet que cette législation « fournit le cadre réglementaire adéquat pour gérer les risques potentiels liés à ces techniques ». Ce cadre réglementaire justement, adopté en 1997 et mis à jour en 2006 pour ce qui est de la législation principale, prévoit plusieurs prérequis en vue d’une commercialisation d’OGM en Afrique du Sud. Pour bénéficier d’une autorisation de commercialisation, un OGM doit faire l’objet d’une évaluation des risques et être accompagné d’une méthode de détection et traçabilité. Un étiquetage est également obligatoire depuis 2011 pour tout produit contenant plus de 5% d’OGM, à l’exception des produits d’animaux nourris aux OGM. Pour ce qui est des OGM obtenus par de nouvelles techniques, le gouvernement sud-africain a donc considéré leur détection et traçabilité possible, contrairement à ce qu’argumente en Europe la Commission européenne. Pour le détail de mise en œuvre, Mariam Mayet, du Centre Africain pour la Biodiversité, précise à Inf’OGM que, concernant les OGM obtenus par de nouvelles techniques, les protocoles d’évaluation des risques et de traçabilité doivent encore être établis.
Le ministère étasunien de l’Agriculture surpris
Dans un mémo publié en décembre 2023, le ministère étasunien de l’Agriculture n’hésite pas à faire part de sa surprise. Qualifiant la décision du gouvernement sud-africain de décision « non anticipée », ce mémo traite notamment des autorisations d’importations nécessaires à la rubrique « barrières commerciales ». Il détaille ainsi que seuls les OGM ayant un permis d’importation sont autorisés en Afrique du Sud. Ce qui ne serait pas sans poser de problème selon le ministère, puisque cela décalerait dans le temps les exportations possibles des États-Unis vers l’Afrique du Sud (le terme employé est « autorisations asynchrones »). Une situation qui serait problématique surtout pour les États-Unis, puisque le mémo établit que si l’Afrique du Sud n’exporte pas de maïs, soja ou coton aux États-Unis, l’inverse n’est pas vrai. Il est ainsi précisé que les États-Unis ont exporté 53 mille tonnes de soja.
Finalement, le ministère étasunien conclue en soulignant s’attendre à ce que « l’industrie nationale […] continue à plaider en faveur d’une approche proportionnelle aux risques », sous-entendu à contester cette décision du gouvernement.
La société civile applaudit
De son côté, le Centre Africain pour la Biodiversité (CAB) se réjouit de la décision du gouvernement qui a ainsi « rejeté la contestation d’un puissant consortium d’acteurs agricoles industriels […] qui comprend l’organisation semencière nationale sud-africaine et CropLife ». Mariam Mayet, directrice du CAB, estime que cette décision reflète « une approche de précaution et le respect de la procédure de biosécurité en ce qui concerne la réglementation des nouvelles technologies ». Pour le CAB, cette décision pourrait même avoir des impacts sur le continent africain. Il souligne ainsi que si le Kenya, le Malawi, le Ghana et le Nigeria ont, de leur côté, choisi de ne pas encadrer réglementairement l’utilisation des nouvelles technique de modification génétique, ces pays « seront confrontés à une plus forte résistance de la part de la société civile sur le continent, ce qui pourrait même conduire à un retour en arrière ».