UE : la face cachée de l’étiquetage des OGM
En matière d’OGM, l’Union européenne se vante d’avoir le système d’étiquetage le plus développé au monde : seuil à 0,9%, étiquetage des huiles alors que la présence de l’ADN ou de la protéine transgénique n’est plus décelable, etc. Mais ce régime juridique a cependant une grande faille, dénoncée depuis plusieurs années par de nombreuses associations : les produits animaux (œuf, lait, viande) ne sont pas concernés par les règlements sur l’étiquetage et la traçabilité. Or, en très grande majorité, les OGM servent à nourrir le bétail, donc le régime d’étiquetage ne permet pas un réel choix aux consommateurs. La Soil Association, association britannique qui promeut l’agriculture biologique, précisait récemment [1] que tous les animaux en Grande-Bretagne étaient nourris avec des aliments contenant des OGM, à l’exception de ceux nourris exclusivement d’herbe ou avec des produits issus de l’agriculture bio.
Où part le maïs GM français ?
En France, quelque 22 000 hectares de maïs mon810 ont été cultivés en 2007. Or, ce maïs a été écoulé via la filière de l’alimentation du bétail, soit via l’Espagne (notamment pour les porcs hors-sol), soit en “auto-consommation”. L’Espagne est le premier producteur de maïs transgénique en Europe, avec 70 000 hectares cultivés, et importe du maïs, GM ou non, de toute part, et notamment de la France. Une aubaine pour les maïsiculteurs français qui ne pratiquent pas l’élevage. En effet, l’autre débouché est de nourrir directement ses propres animaux avec ce maïs transgénique. En Rhône Alpes, trois producteurs ont reconnu avoir nourri leurs bêtes avec le maïs GM qu’ils avaient cultivés et dans le Gers, un producteur de foie gras a utilisé son maïs GM pour nourrir ses volailles. Ainsi, pas besoin d’étiquette, pas besoin de ségrégation, et donc pas de surcoût lié à l’information du consommateur.
Plusieurs associations (Greenpeace [2], la Soil Association, ou Foodwatch…) organisent des campagnes pour inciter la filière agro-alimentaire à ne plus commercialiser de “produits animaux” issus d’animaux nourris avec des OGM afin de respecter le souhait des Européens, majoritairement opposés aux OGM.
Pour la Commission européenne, l’absence d’étiquetage est lié à une raison scientifique : l’ADN d’origine transgénique “disparaît” une fois la plante GM digérée par l’animal. Or, le rapport de la Soil association, précédemment évoqué, montre que des études récentes [3] remettent en cause cette affirmation.
Quelles protéines pour l’UE ?
Mais si on interdit les OGM, comment la filière viande va-t-elle survivre ? C’est ce cri de détresse que Mariann Fischer Boel a lancé, lors du Conseil européen de l’agriculture, fin novembre 2007. Pour elle, suite à l’augmentation du prix de l’alimentation animale, le prix de la viande va augmenter de façon vertigineuse et la production de viande va donc se délocaliser avec pour corollaire, explique-t-elle, un retour des OGM via les importations inéluctables de viande.
Pour les Amis de la Terre, l’augmentation du prix du soja, une des composantes principales de l’alimentation du bétail, n’est pas liée à la politique européenne en matière d’autorisations des OGM mais à l’augmentation de la demande chinoise en viande et des surfaces agricoles consacrées aux agrocarburants. Aux Etats-Unis, la surface consacrée au soja a diminué de 15% du fait de la production de maïs pour les agrocarburants. Les Amis de la Terre demandent donc instamment de ne pas sacrifier une politique de précaution au nom d’arguments défendus uniquement par le lobby industriel. Les Amis de la Terre citent un rapport [4] de la Commission européenne qui démontre que même si tous les pays qui actuellement exportent en Europe décident de ne cultiver que des OGM non autorisés par l’UE, l’Europe pourra quand même nourrir son bétail avec son propre maïs ou en important d’autres pays. D’ailleurs, le rapport de politique agricole 2007 [5] de la Suisse montre que l’importation d’aliments pour bétail contenant des OGM est en net recul. Et surtout, d’autres solutions agronomiques existent pour produire de façon autonome et locale des protéines pour nourrir les animaux, comme la réintroduction de la luzerne ou du trèfle blanc [6].