Pourquoi la bio devrait-elle renoncer à son droit à ne pas être contaminée par les OGM ?
La décision du Parlement européen de demander que tout produit contaminé au-delà du seuil de détection de 0,1% ne puisse pas utiliser la dénomination bio suscite de fortes polémiques. Se voyant déjà au milieu d’une Europe définitivement envahie par les OGM, de nombreuses organisations professionnelles anticipent sur l’inévitable généralisation de contaminations aux frais des bio. Que ce soit 0,9 ou 0,1%, elles veulent que la bio soit au même seuil que les produits conventionnels de peur de ne pas pouvoir être indemnisés en cas de contamination et reprochent aux parlementaires de vouloir leur imposer un seuil plus bas sans ces indemnisations.
La peur est toujours mauvaise conseillère, et la confusion entretenue par ceux qui l’agitent est le prélude à toutes les capitulations. Pour imposer ses cultures GM, l’industrie voudrait que le seuil qui ne détermine aujourd’hui qu’une obligation d’étiquetage devienne le niveau en deçà duquel existerait un droit à contaminer supprimant tout droit à ne pas être contaminé et à être indemnisé. Or il existe aujourd’hui un droit à être indemnisé en cas de préjudice provoqué par un tiers : en France, il a été fixé par la Répression des Fraudes au seuil de détection de 0,01% permettant de revendiquer qu’un produit est “sans OGM”. Ce droit est certes insuffisant car, comme pour les pesticides, il nécessite de prouver l’origine exacte du préjudice et la “faute” de son auteur, ce qui est souvent impossible. Cette injustice, de tout temps combattue par la bio, ne l’a jamais amenée à accepter pour autant l’instauration d’un droit à contaminer ses produits avec des pesticides jusqu’au seuil légal maximum autorisé pour les produits conventionnels ou de l’agriculture raisonnée : pourquoi l’accepterait-elle pour les OGM ?
La seule question posée au Parlement européen le 29 mars et qui devra être tranchée en juin par le Conseil est : la bio à 0,9% ou au seuil de détection ? Leur demander de conditionner leur réponse à la mise en place d’indemnisation qu’ils ne peuvent pas décider parce que cela n’est pas actuellement de la compétence de l’Europe mais uniquement des Etats, ou à l’instauration d’un seuil d’étiquetage des produits conventionnels à 0,1% en sachant très bien que le rapport de force actuel ne le permet pas, revient à les inciter à accepter une bio légalement contaminée à 0,9%.
Si la bio capitule sur ce point, elle justifiera la possible coexistence, le développement des cultures transgéniques et les mêmes arguments lui imposeront demain un seuil à 5% ou plus.