n°96 - janvier / février 2009

Organismes Génétiquement « Modifiés » ou « Manipulés » ? (2ème partie)

Par Eric MEUNIER

Publié le 10/01/2009

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Pour certains, les plantes mutantes ne sont pas des OGM car la plante finale n’est pas différente de celles qui pourraient apparaître « naturellement » ; pour d’autres, elle l’est, puisqu’elle résulte de manipulations en laboratoire. Ce constat pose donc la question de ce qu’est un OGM, comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article (cf. Inf’OGM n°95, page 1, Organismes génétiquement manipulés ou modifiés ?). Il pose surtout la question de savoir si un OGM est défini par le résultat (l’organisme obtenu) ou la technique utilisée (comment l’organisme est modifié).

La directive 2001/18 liste les techniques conduisant ou non à des OGM (cf. Inf’OGM n°95). Retenons ici que, pour la directive, la mutagénèse et la fusion cellulaire conduisent à des OGM mais sont exclues du champ d’application de la directive. En amont, la directive établit que la modification génétique doit aboutir à un nouveau patrimoine génétique, autrement que par multiplication et/ou recombinaison naturelle. Mais qu’appelle-t-on patrimoine génétique ?

Définition, matériel et techniques

Le patrimoine génétique définit l’information (l’ADN) contenue dans une cellule. Mais les modifications de ce patrimoine peuvent concerner le noyau ou d’autres compartiments cellulaires comme les chloroplastes ou le cytoplasme (stérilité mâle cytoplasmique).

Pour les techniques, on peut effectuer un classement succinct des manipulations portant :

- sur les gamètes : fécondation homologue (fécondation in vitro) ou hétérologue (hybride), ou transfert de noyau (clonage de l’ADN nucléaire ayant donné Dolly) ;

- sur le noyau des cellules : modification des gènes (PGM, plantes mutées) ou des chromosomes (polyploïdie : doubler, tripler le nombre de chromosomes), ajout de chromosomes artificiels ;

- ailleurs que dans le noyau des cellules : modification homologue (cytoplasme ou mitochondries) ou hétérologue (fusion cellulaire : chimères) ;

- sur des organismes pluricellulaires : mélange de tissus ou de cellules (chimères), clonage, thérapie génique (correction de gènes).

Tous modifiés !

La bonne compréhension du patrimoine génétique, des matériaux utilisés, et des résultats obtenus par les différentes techniques est importante pour se former une opinion sur ce que doit recouvrir ou non le terme OGM, et donc la législation existante.

Trois cas pour comprendre le dilemme : les plantes GM sont des OGM car l’ADN contenu dans un noyau a été manipulé selon une technique utilisant un matériel (le transgène) n’existant pas tel quel dans la nature et donnant un résultat ne pouvant pas apparaître naturellement ; les plantes mutantes ne sont pas des OGM car l’ADN contenu dans une cellule a été manipulé selon une technique non naturelle, mais utilisant un matériel (l’ADN de la cellule) existant dans la nature et donnant un résultat pouvant théoriquement apparaître naturellement (même si la probabilité est très faible) ; les huîtres ou les betteraves polyploïdes ne sont pas des OGM car l’ADN contenu dans une cellule a été manipulé selon une technique non naturelle, mais utilisant un matériel (les chromosomes) existant dans la nature et donnant un résultat pouvant apparaître naturellement (même de manière infime).

La question finale est donc : ce qui définit un OGM est le résultat obtenu (considéré comme « naturel » ou non), le détail des techniques en elles-mêmes, ou le simple fait que la manipulation soit faite par l’homme en laboratoire ? Sans parler de l’interférence possible entre technique et résultat : le mélange de matériels génétiques d’origines variées dans le transgène (gène de synthèse, gènes naturels, un peu bactérien, un peu viral, un peu mammifère…) qui est à la fois une manipulation technique et une manipulation du vivant. Si la certitude que tous ces organismes créés en laboratoire sont bien des organismes au patrimoine génétique manipulés, aux conséquences incertaines, la directive 2001/18 a choisi de ne retenir comme « modifiés » que certains d’entre eux. N’est-il pas temps de corriger cette définition ?

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