n°89 - novembre / décembre 2007Interview / débat contradictoire

L’évaluation scientifique des OGM en débat

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/10/2007, modifié le 01/12/2023

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Frédéric JACQUEMART

Pensez-vous que l’évaluation scientifique des OGM telle que conduite aujourd’hui en France est suffisante ?
Il faut préciser que l’actuelle évaluation ne correspond pas aux critères de scientificité. Par exemple, on ne connaît pas dans les dossiers le mode d’expédition des échantillons au laboratoire. Or, c’est une donnée primordiale pour juger de la validité de l’expérience. Et les dossiers d’autorisation sont incomplets : pour un maïs Bt, il ne précise pas la quantité de la toxine émise dans l’environnement. Plus fondamentale, cette évaluation est une évaluation “au cas par cas”. Ceci signifie que les questions générales devraient être validées. Or, un certain nombre de questions fondamentales n’ont pas été traitées et donc résolues. Est-ce légitime de considérer qu’un gène est an-historique ? A-t-on le droit de considérer que les introns sont négligeables ? Une évaluation “au cas par cas” s’intéresse donc à des détails, et néglige tout ce qui est général et systémique. Pour conclure, l’évaluation actuelle des OGM est réalisée comme si le monde vivant n’était pas complexe.

Une contre-expertise des dossiers d’autorisations serait-elle pertinente ?
Il n’y a pas de contre-expertise des OGM par les instances de régulation, ni en France, ni en Europe. Mais, premièrement, une contre-expertise “au cas par cas”, donc qui ne se pose pas les bonnes questions initiales, serait vaine. Cette contre-expertise ne nous dirait rien sur les prémisses nécessaires à l’utilisation de la transgénèse en milieu ouvert.
De plus, les membres de la CBG évaluent un dossier d’autorisation, sur simple lecture. Les études présentées par les pétitionnaires (les entreprises) ne sont pas refaites par un laboratoire indépendant. Malgré tout, à la lecture, certaines choses peuvent être remarquées. Par exemple, dans le cadre du dossier d’autorisation du MON863, Gérard Pascal, vice président de la CGB, a noté des éléments peu satisfaisants et il a donc demandé des compléments d’information à Monsanto qui lui ont permis de valider le dossier. Mais d’autres membres de la CGB, à l’instar de Gilles-Eric Séralini ou moi-même, restent convaincus que le dossier est douteux quant à son innocuité sanitaire.

Selon vous, quels champs d’expertise devraient être représentés dans les comités d’évaluation ?
La commission idéale devrait être capable de se poser les bonnes questions, et donc de remettre en cause les paradigmes dominants. Or, l’expert est par nature le représentant de ce paradigme dominant. Concrètement, je n’ai pas de recettes miracles, si ce n’est, comme je l’ai proposé lors du Grenelle, une composition plurielle, qui inclurait, a minima, des philosophes. Cette proposition a été unanimement acceptée, mais n’a pas été reprise dans les propositions finales du Grenelle. La composition d’une telle instance n’est pas simple à définir, mais elle doit être ouverte à la société dite civile.

Philippe JOUDRIER

Pensez-vous que l’évaluation scientifique des OGM telle que conduite aujourd’hui en France est suffisante ?
Oui, d’emblée on peut dire que l’évaluation scientifique des PGM est complète et suffisante. On se demande bien d’ailleurs, ce que l’on pourrait faire de plus sans tomber dans le ridicule !
La procédure d’autorisation en France est longue et de nombreuses instances sont sollicitées : CGG, CGB, Afssa, le Comité Technique Permanent de la Sélection en charge de l’inscription des variétés au catalogue, Comité de Biovigilance. Mais, précisons que les experts émettent des avis et que dans les cas où ils sont favorables, c’est, in fine, le politique qui décide de la mise sur le marché de l’OGM. En conclusion, on peut aisément se rendre compte que la France (et l’Europe) a mis en place la procédure sans aucun doute la plus contraignante au monde.

Une contre-expertise des dossiers d’autorisations serait-elle pertinente ?
Non, et pour plusieurs raisons évidentes. Tout d’abord, dans l’hypothèse où le Public ferait une contre-expertise, ce n’est pas alors un laboratoire public qui pourrait le faire, car il ne saurait prétendre réunir toutes les compétences nécessaires pour réaliser cette évaluation. Il faudrait donc créer un institut regroupant tous les métiers nécessaires pour conduire cette évaluation. Et répondre aux questions principales qui devraient pré-exister et qui ne sont jamais posées : Quelqu’un pourrait-il démontrer que la transgénèse est intrinsèquement plus dangereuse que de faire un simple croisement ? Qu’en est-il des variétés obtenues par toutes les autres techniques d’amélioration, sont-elles sans dangers aucun ? Pourquoi un OGM est-il dangereux a priori ?
Enfin, demander une contre-expertise procède d’une attitude assez malsaine qui consiste à dire que, de toute façon, le Privé se fiche pas mal de ce qu’il va mettre sur le marché, que ces sociétés ont (évidemment !) intérêt à mettre sur le marché quelque chose qui serait dangereux !

Selon vous, quels champs d’expertise devraient être représentés dans les comités d’évaluation ?
On se trouve typiquement dans une situation à la française : créer une nouvelle structure… Mais, allons-y, si cela pouvait rassurer le bon peuple auquel on ment depuis 10 ans sur les OGM ! Réinventons l’eau tiède puisque par exemple, dans le seul Comité d’experts scientifiques de l’Afssa, on trouve déjà les disciplines suivantes : agronomie, génétique et amélioration des plantes, biologie moléculaire, biochimie, microbiologie, nutrition animale/zootechnie, enzymologie, toxicologie alimentaire, allergologie, transgénèse. On serait passé à côté de quoi côté scientifique ? Cette question reflète surtout le fait qu’on en est toujours aux remarques constantes du type : “A quoi servent les OGM ? On n’a pas besoin des OGM !”

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