La coexistence demain : des zones avec et des zones sans PGM ?
« Je suis partisan d’une agriculture plus écologique. Mais, pour y parvenir, il faut des marchés communs par zones géographiques avec des protections tarifaires vis-à-vis du reste du monde »
[1]. Ces propos sont ceux de Xavier Beulin, vice-président de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), tenus en septembre 2008. La coexistence des filières « ne serait possible qu’en employant de grandes distances d’isolement ou dans des zones dédiées de production » selon les conclusions du programme européen CoExtra, présenté début juin [2]. Deux positions qui présentent une stratégie radicale de gestion des PGM. Mais cette stratégie ne répond pas aux principaux arguments des opposants aux PGM, posant même des questions supplémentaires telle que la liberté de choix des agriculteurs présents dans les zones choisies.
Le débat sur les conditions de coexistence a fait surgir plusieurs propositions de solution. Mais aucune d’entre elles ne répond pleinement aux inquiétudes des opposants aux PGM.
Les arguments pour des zones de production dédiées
Les règles de mises en culture avec distance de séparation des champs, nettoyage des outils, ségrégation des filières après récolte, traçabilité des produits agricoles… ne sont pas suffisantes. Alors, l’idée de zones de production dédiées apparaît séduisante à certains. Deux programmes européens, CoExtra et Sigméa, qui s’intéressent tous deux aux conditions de coexistence, penchent en faveur de « la spécialisation de bassins de production, une forte concertation encadrée entre agriculteurs et un cahier des charges européen, officiel et d’application obligatoire à partir de semences à moins de 0,1% de présence fortuite », comme l’expliquait Yves Bertheau, responsable du projet CoExtra à Inf’OGM en 2008 (Inf’OGM n°92, mai/juin 2008) [3]. Assez simplement, l’idée est que la mise en place de zones dédiées permettrait de s’affranchir de la plupart des contraintes de la coexistence aux champs. En effet tous les agriculteurs seraient engagés dans le même type de culture et n’auraient donc pas à les protéger : pas de distance d’isolation pour éviter une contamination, pas de nettoyage des outils, pas de ségrégation des filières au sein de la zone (même camion, même silo…), gestion commune de la post-production agricole… De même pour les entreprises qui gèreraient plus simplement et à moindre coût leurs matières premières agricoles selon leur zone d’origine, entreprises qui sont aujourd’hui, selon Yves Bertheau, « peu préparées à la coexistence » [4].
Mais des questions demeurent, voire apparaissent
Bien sûr, en s’intéressant aux conditions de mise en cultures et de ségrégation des PGM, les zones dédiées sont une réponse aux questions de gestion des filières. Mais les questions relatives aux impacts sur la santé, sur l’environnement (autres que sous l’angle de la coexistence donc), sur le coût économique pour une société, sur la brevetabilité du vivant et la liberté de choix des agriculteurs, les questions de choix démocratiques d’une technologie… ne sont, elles, pas concernées par cette hypothèse de zones de productions dédiées.
Et qui plus est, la mise en place de zones dédiées en Europe, dont des zones pour les PGM, pose de nouvelles questions. Ainsi, qui choisira les zones ? Et les agriculteurs ne souhaitant pas cultiver de PGM mais déjà présents dans ces zones, devront-ils se convertir ? Côté gouvernement, cela pourrait heurter des sentiments de souveraineté nationale quant aux choix de l’agriculture à promouvoir dans un pays.
Côté Commission européenne, la position officielle sur la définition des conditions de coexistence des cultures permet de telles zones. Le récent rapport de la Commission, présenté le 2 avril 2009, faisait d’ailleurs valoir que « lorsque la coexistence de certaines cultures est rendue difficile par les conditions locales, des zones peuvent être déterminées dans lesquelles seules des variétés OGM ou non OGM d’un produit agricole peuvent être cultivées » mais avec consensus des agriculteurs présents ce qui dans les deux cas, peut s’avérer problématique à obtenir [5] !
Une solution encore toute fragile donc, et qui a peu de chance de satisfaire les opposants aux PGM, qu’ils soient agriculteurs ou consommateurs. Mais cette possibilité devrait être étudiée sous peu par les instances européennes et nationales.
[1] L’Humanité, 27 septembre 2008, http://www.humanite.fr/2008-09-27_L…
[2] « OGM, une étude suggère de dédier des zones de production pour assurer la coexistence », Agrapresse, 3 juin 2009
[3] A noter que dès 2002, Inf’OGM écrivait déjà : « avec des seuils d’acceptabilité de 0,1%, les mesures de contamination révèlent que pour avoir du maïs exempt d’OGM, il faudrait carrément réserver des zones spécialisées pour le maïs transgénique. On imagine d’ici la tête de l’agriculteur bio (dont le cahier des charges lui interdit formellement la production d’OGM), lorsqu’on lui annoncera que le bassin de production dans lequel il se trouve vient d’être réservé à la production d’OGM ! »,
cf. http://www.infogm.org/spip.php?arti…
[4] cf. note 2
[5] cf. Inf’OGM ACTU n°20, mai 2009, UE – Coexistence : une subsidiarité sous contrôle de la Commission